Vices rédhibitoires : le parcours du combattant - La Semaine Vétérinaire n° 1984 du 07/04/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1984 du 07/04/2023

Droit

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

La détection d’un vice rédhibitoire chez un jeune animal, après une vente ou un échange, peut permettre d’engager une procédure visant une réduction de prix si l’animal est conservé ou le remboursement intégral en cas de restitution. Il est cependant préférable d’être bien conseillé afin qu’elle aboutisse.

Nous avons récemment évoqué le possible retour de la garantie des vices cachés1 figurant dans les articles 1641 à 1649 du Code civil, retour sur le devant de la scène suggéré par le décret n° 2022-946 en date du 29 juin 2022. Depuis la suppression de la garantie légale de conformité aux ventes d’animaux domestiques2, l’accès à cette nouvelle protection serait pour l’acheteur un atout de taille. Mais pourquoi donner tant de place à ces vices cachés d’application hasardeuse alors que l’on peut également agir sur le fondement des vices rédhibitoires qui, eux, sont bel et bien incontestables ? La réponse est procédurale.

Compétence

L’acheteur qui entend utiliser le Code rural et de la pêche maritime pour parvenir à ses fins va devoir faire preuve non seulement de compétence mais aussi de rapidité, deux qualités qui lui font la plupart du temps défaut. Compétence ? Assurément. Sans l’aide d’un conseil avisé, notre acheteur n’a strictement aucune chance d’éviter les pièges procéduraux. À commencer par la double saisine judiciaire. En effet, et à supposer que l’animal de l’acquéreur soit bien atteint d’une pathologie figurant dans une liste limitative (article R213-2 du Code rural et de la pêche maritime pour les chats et chiens et article R213-1 du Code rural et de la pêche maritime pour le cheval, l’âne et le mulet), notre acheteur va se voir imposer par la loi d’entamer en parallèle deux actions : une première auprès du juge du tribunal judiciaire du lieu où se trouve l’animal visant à demander la nomination d’experts judiciaires qui seront chargés de vérifier l’état de l’animal, de recueillir tous les renseignements utiles et de donner leur avis (article R213-3 du Code rural et de la pêche maritime) et une seconde auprès du tribunal judiciaire compétent suivant les règles ordinaires du droit (pour un plaignant professionnel, ce sera obligatoirement le tribunal du vendeur ; le plaignant particulier, lui, aura le choix entre le tribunal de son domicile ou celui du cédant, article R213-4 du Code rural et de la pêche maritime) pour faire valoir ses demandes indemnitaires. Soyons réalistes : sauf à être particulièrement bien entouré, le justiciable n’a aucune chance de passer avec succès cette première épreuve. Haute compétence donc exigée.

Rapidité et respect du délai

Rapidité ? Incontestablement, car le couperet tombe sans pitié. Au mieux, et pour les maladies des espèces canine et féline, c’est dans un délai de trente jours à compter de la livraison de l’animal (et pas un de plus !) que notre acheteur va devoir faire enregistrer auprès du tribunal ses deux actions. Un vrai sprint. Ici encore soyons réalistes : le scénario est peu probable.

On en ajoute encore ? Malheureusement oui. Lorsque la pathologie en cause est une maladie transmissible des espèces canine ou féline (article R213-5 du Code rural et de la pêche maritime), le requérant doit, pour le bon succès de son action, pouvoir produire un diagnostic de suspicion signé par un vétérinaire, établi selon les critères définis par un arrêté du ministre en charge de l’agriculture et surtout dans un délai très strict (pour exemple, cinq jours pour la parvovirose canine et vingt et un jours pour la péritonite infectieuse féline). Le non-respect du délai et de la bonne forme sera sans appel : échec de l’action engagée.

Médiation ou conciliation

Alors faut-il renoncer à tout espoir ? Pas totalement. En effet, une médiation ou une conciliation effectuée par un conciliateur de justice peuvent venir au secours du justiciable. Une astuce procédurale en lien avec la suspension des délais. Certes, il faut que notre acheteur ait saisi un médiateur ou un conciliateur dans les trente jours qui suivent son achat. Mais, si cette première démarche entre dans le temps imparti, le délai pour agir en justice est considérablement allongé. Aux trente jours initiaux, on ajoute ainsi le temps de la mesure amiable et, si celle-ci se solde par un échec, notre acheteur bénéficie encore de six mois supplémentaires pour valablement saisir la justice. Ce qui est beaucoup plus confortable.

En conclusion, si vous diagnostiquez un vice rédhibitoire chez un jeune animal, le meilleur conseil à donner à votre client est de saisir en urgence un conciliateur ou un médiateur.

  • 1. Lire « La garantie des vices cachés pour l’achat d’animaux domestiques », La Semaine Vétérinaire n° 1974 du 27 janvier 2023.
  • 2. Depuis le 1er janvier 2022, les ventes d’animaux domestiques sont exclues de la garantie légale de conformité, en application de l’article 21 de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021.