Parasitologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Audrey Chevassu Conférencier Luc Chabanne, professeur de médecine interne à VetAgro Sup Lyon (Rhône) Article rédigé d’après une conférence organisée lors du congrès France Vet les 10 et 11 juin 2022 à Paris.
La maladie de Lyme est causée chez l’humain comme chez l’animal par une bactérie spirochète du genre Borrelia. La bactérie Borrelia burgdorferi sensu lato correspond à un complexe de plus de 21 espèces, dont six peuvent être responsables chez l’humain de la maladie de Lyme. En Europe, elle est transmise principalement par une tique du genre Ixodes : Ixodes ricinus ; en Amérique du Nord, il s’agit de I. scapularis et I. pacificus alors qu’en Asie c’est I. persulcatus qui en est le vecteur. La maladie a été découverte en 1910 chez l'humain d’abord décrite comme un érythème migrant. En 1922, des signes cliniques nerveux sont associés à la maladie, avant qu’en 1975 une épidémie d’arthrite chronique juvénile soit mise en évidence dans le comté de Lyme aux États-Unis, qui donnera son nom à la maladie.
Maladie de Lyme chez le chien : conditions d’infection
La tique responsable de la transmission de la maladie est présente surtout dans les forêts et les pâtures entourées de haies. Sa température optimale de vie va de 7 °C à 20 °C. Ainsi, sa période d’activité s’étend de la fin de l’hiver jusqu’au début de l’été. En France, 18,6 % des adultes et 10,1 % des nymphes seraient porteurs de Borrelia. En Europe, différentes espèces du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato existent (dont chez l’humain B. garinii responsable de formes neurologiques et B. afzelii de formes cutanées), à la différence des États-Unis où prédomine Borrelia burgdorferi sensu stricto. Sa répartition en France dépend principalement de son hôte. Ixodes est présent pratiquement partout en France sauf sur une petite bande de territoire méditerranéen et dans les régions d’altitude élevée (> 1 200-1 500 mètres). Le réservoir biologique naturel est constitué principalement de mammifères forestiers de petites tailles et de plus grandes tels que les cervidés et les sangliers. L’incidence des infections chez l’humain varie d’une région à l’autre et n’est pas toujours corrélée avec la densité des tiques présentes sur le terrain. Chez le chien, le manque de données épidémiologiques amène à suivre celles publiées chez l’humain afin d’évaluer le risque associé à chaque région. En raison du petit nombre de cas décrits, seule l’infection à B. burgdorferi sensu stricto a été montrée chez le chien, et la pathogénicité des autres espèces européennes pouvant être présentes en France n'est pas connue.
Signes cliniques de la maladie de Lyme : comparaison humain et chien
Les études chez le chien relèvent surtout de modèles expérimentaux, dans ceux-ci : ce sont les jeunes chiens (3-8 mois) qui sont le plus à risque de développer des signes cliniques. Ces mêmes études ont montré que 95 % des chiens exposés à l’infection demeurent asymptomatiques. Les symptômes apparaissent deux à cinq mois après l’exposition et se traduisent surtout par une atteinte articulaire. En Europe, très peu de cas d’atteinte de chien ont été documentés alors que c’est une maladie émergente en médecine humaine, dont la difficulté principale réside dans le diagnostic.
La maladie de Lyme chez le chien peut se traduire par une grande variété de signes : généraux (fièvre, anorexie), oculaires (uvéite, conjonctivite), cardiaques et urinaires. Des signes neurologiques seraient possibles mais non rapportés. Le lien entre infection par Borrelia et arthrites est supposé mais non prouvé. Chez l’humain, au contraire du chien, les signes apparaissent selon différentes phases. Les signes prédominants sont des signes cutanés (érythème migrant) et articulaires (arthrite), bien qu’une certaine diversité de signes soit rencontrée, comme chez le chien en théorie.
Un diagnostic difficile
Le diagnostic se base principalement sur l’épidémiologie (présence de tiques, balades en forêt, zones endémiques en se basant sur celles connues pour l’humain) et sur des recherches de laboratoire. En effet, l’apport des analyses biologiques sur sang, urine ou liquide céphalorachidien reste non spécifique de la maladie avec seulement le reflet d’une atteinte inflammatoire. Quant aux signes cliniques, on se méfiera de l’infection (voire de la co-infection) à Anaplasma phagocytophilum ayant le même vecteur que Borrelia, et donc présente dans les mêmes zones d’endémie, qui s’accompagne de signes cliniques assez similaires à la maladie de Lyme chez l’humain comme chez le chien.
Ce sont principalement des méthodes indirectes qui sont utilisées car la culture de Borrelia est compliquée et que la PCR présente peu d’intérêt en dehors de celui de déterminer l’espèce en cause. La PCR sur sang est presque toujours négative en raison d’une bactériémie très faible et fugace. Le diagnostic repose donc principalement sur des techniques sérologiques (immunofluorescence et Elisa, confirmées par un Western blot). Plusieurs laboratoires vétérinaires peuvent réaliser ces analyses. Un test vétérinaire rapide, le Snap 4Dx Plus du laboratoire Idexx, peut être utilisé au chevet du malade. Il permet d’effectuer une sérologie qualitative plus précoce que par les autres techniques. Il est couplé à la recherche d’Ehrlichia, d’Anaplasma et de Dirofilaria. Le test ne présente pas de réaction croisée avec les anticorps vaccinaux. En cas de résultat positif, il est néanmoins conseillé de le confirmer par une sérologie quantitative. L’inconvénient de ces techniques est qu’elles attestent de l’infection mais pas forcément de la maladie. En médecine vétérinaire, il convient de toujours faire un diagnostic différentiel avec d’autres parasites, tels qu’Anaplasma, comme expliqué précédemment (mais aussi avec d’autres pathogènes, par exemple Leishmania), responsables de cas d’arthrites beaucoup plus nombreux.
La question du traitement et de la prévention chez le chien
Le traitement est proche de celui des autres maladies à tiques, soit l’utilisation d’un antibiotique, la doxycycline à 10 mg/kg par jour pendant quatre à six semaines. Il ne doit être réalisé que si l’animal présente des signes cliniques. Chez l’humain, comme Borrelia répond aux bêta-lactamines, ces dernières sont utilisées en première intention en phase primaire.
Un vaccin vétérinaire existe pour le chien, dirigé contre la protéine outer surface protein (Osp) A, une protéine de surface des bactéries du genre Borrelia, qui permet l’attachement de la bactérie. Il agit directement sur la tique en atteignant son tube digestif où se trouve Borrelia avant que celle-ci ne puisse rejoindre les glandes salivaires de la tique et infecter le chien. En France, initialement le vaccin Merilym (Boehringer Ingelheim) ne contenait que la valence Borrelia burgdorferi sensu stricto. En l’absence de protection croisée entre les différentes espèces de Borrelia, le vaccin Merilym 3 a ensuite été complété pour faire face aux trois espèces les plus fréquemment retrouvées en Europe (B. burgdorferi sensu stricto, B. garinii et B. afzelii). C’est un vaccin inactivé adjuvé à l’hydroxyde d’aluminium. En raison du faible nombre de cas et de la faible pathogénicité, la question de son intérêt à l’échelle de la France entière se pose. Il reste recommandé dans les zones endémiques ou pour les animaux à risque épidémiologique fort. Il ne faut pas oublier l’intérêt de l’utilisation d’acaricides, associés à des répulsifs, ainsi que le retrait des tiques le plus tôt possible après la morsure.