Maltraitance animale : comment gérez-vous les suspicions en clientèle ? - La Semaine Vétérinaire n° 1985 du 14/04/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1985 du 14/04/2023

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

Convaincre le propriétaire de céder son animal à l’amiable est la première action qu’utilisent nombre de praticiens quand ils sont convaincus d’avoir affaire à un cas de maltraitance. Trois vétérinaires détaillent ici cette démarche et plus, si besoin est.

Christophe Blanckaert (L 91)

Praticien en canine et NAC à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais)

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INCITER LE PROPRIÉTAIRE À CÉDER L’ANIMAL

Il faut d’abord définir ce qu’est la maltraitance ! Pour moi, cela englobe les cas extrêmes (coups, mutilations…), les actes sadiques (y compris commis par des enfants laissés sans surveillance), mais aussi, plus couramment, le refus des soins et les demandes d’euthanasie injustifiées. J’essaie d’abord de régler le problème en gestion interne : si besoin est, j’incite le propriétaire à rédiger un papier de cession gratuite de l’animal, que je vais ensuite placer auprès d’associations de protection animale. Je suis en effet vétérinaire sanitaire à la Société protectrice des animaux locale et bénévole auprès de l’association Les chats libres. Si le propriétaire ne veut pas se séparer de son animal, c’est plus compliqué ! Étant par ailleurs également enquêteur auprès de la Fondation Brigitte-Bardot, il m’est déjà arrivé de porter plainte auprès du procureur de la République, mais l’affaire a été classée sans suite. Concernant la collaboration du praticien auprès de ses confrères de la direction départementale de la protection des populations, les dossiers de maltraitance pour le quotidien des animaux de compagnie ne semblent pas être traités prioritairement, peut-être faute d’effectifs dans ces structures.

Brigitte Leblanc (N 88)

Praticienne vétérinaire libérale à Brest (Finistère)

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SE FORMER POUR BIEN GÉRER CES SITUATIONS

La première fois que j’ai été confrontée en clientèle à un problème de maltraitance, j’ai menacé la propriétaire de la dénoncer pour pouvoir récupérer le chaton ! Aujourd’hui, j’y suis mieux préparée et je travaille en collaboration avec des associations. Ma formation au diplôme universitaire de droit animalier à Limoges (Haute-Vienne) m’aide beaucoup. Par exemple, pour pouvoir mentionner aux propriétaires quels textes légaux protègent les animaux (domestiques et non domestiques). Il est très important de savoir quelle est la procédure à suivre pour amener à un retrait légal. En cas de besoin, il faut apprendre à rédiger un certificat de maltraitance en restant factuel, scientifique tout en étant compréhensible pour des non-vétérinaires ! L’Association contre la maltraitance animale et humaine donne d’utiles conseils pour ce faire*. D’un point de vue global, je trouve que notre profession manque encore de formation en médecine légale. Tout comme de compétences relationnelles pourtant indispensables, d’une part pour ne pas se faire agresser et d’autre part pour éventuellement détecter d’autres violences intrafamiliales en posant les bonnes questions.

Thierry Bedossa (A 89)

Médecin du comportement, président de l’association Agir pour la vie animale et praticien canin à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

J’UTILISE MON RÉSEAU DE QUARTIER

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Jeune vétérinaire, mon premier associé m’a ainsi mis en garde : « Tu n’imagines pas à quel point les humains sont zoophiles ! » Je n’y ai d’abord pas prêté attention mais maintenant si. En cas de suspicion de maltraitance, j’essaie de convaincre le propriétaire de me céder gratuitement l’animal, en lui expliquant que ce n’est pas l’abandonner ou qu’il n’y a pas assez d’harmonie entre eux deux. En cas d’échec, je me rapproche de gens qui connaissent bien le propriétaire : en premier lieu les membres de sa famille, ses amis, mais aussi les médecins et même des connaissances de quartier (commerçants…). Car j’ai la chance de vivre et de travailler depuis toujours à Neuilly. Je suis membre de l’Amicale des professions libérales et, grâce à mon travail d’enseignant, je côtoie également des psychologues et des psychiatres. En outre, j’ai été élevé par un beau-père médecin… Au final, je fais partie de ceux qui pensent qu’outre sauver l’animal, il nous faut aussi tenter de venir en aide à l’individu maltraitant, qui est d’ailleurs parfois une personne qui a été elle-même victime de violence.