Une hausse des staphylocoques résistant à la méticilline en élevage porcin - La Semaine Vétérinaire n° 1985 du 14/04/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1985 du 14/04/2023

Antibiorésistance

FORMATION MIXTE

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D’après une présentation d’un poster lors des Journées 2023 de la recherche porcine « Augmentation de la prévalence de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline dans les élevages de porcs en France »1.

Si la première identification du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) chez l’animal remonte aux années 1970, c’est à partir des années 2000 que cette résistance est apparue comme un vrai enjeu de santé publique d’un point de vue zoonotique2. En effet, la même lignée clonale (complexe clonal CC398) a été identifiée à la fois chez des porcs d’élevage et chez des éleveurs en France et aux Pays-Bas. Aux Pays-Bas, des souches avaient été identifiées parmi le personnel de l’exploitation mais aussi la famille de l’éleveur3. Ces observations ont motivé l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) à lancer en 2008 une première enquête de prévalence du SARM en élevage porcin en Europe. Pour la France, il était ressorti un faible portage avec une prévalence faible estimée à 2,7 % (pour 185 élevages de production détenant des reproducteurs ; prélèvements par chiffonnettes de poussière). Depuis, aucune étude de suivi n’avait été réalisée en France. Dans d’autres pays en revanche, des enquêtes avaient montré une hausse de la prévalence. Dans ce contexte, des équipes de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ont lancé une nouvelle enquête de prévalence4 avec une méthodologie similaire à la précédente à des fins de comparaison.

Une circulation en hausse indépendante de la pression de sélection

Au total, 76 élevages (avec des truies) ont participé, ce qui correspond à l’objectif minimum à atteindre pour détecter une hausse de la prévalence de 3 % (2008) à 15 % (2021). Les prélèvements ont été réalisés par les éleveurs et leurs techniciens entre mai 2021 et février 2022. Des souches de SARM ont été isolées dans 33 élevages, toutes porteuses du gène mecA5, permettant d’aboutir à une estimation de prévalence de 44,7 %. La détection de ces souches n’est pas liée au délai de réception des échantillons, à la région, au type ou à la taille des élevages. Ces résultats montrent donc une augmentation significative et très marquée de la prévalence en plus de dix ans, indépendamment du fait qu’il y a eu en parallèle une réduction de l’usage des antibiotiques avec les plans Écoantibio. Cette circulation du SARM indépendante de l’utilisation des antibiotiques, et donc de la pression de sélection, a déjà été observée expérimentalement et sur le terrain. Cela avait été notamment mis en lumière dans l’enquête de 2008 de l’Efsa. Le SARM peut être directement introduit dans les élevages, à la faveur de mouvements d’animaux par exemple, ou de matériels, puis diffuser au sein et entre exploitations.

À noter que cette tendance à la hausse ne concerne pas que la France, elle a également été observée dans d’autres pays, notamment en Suisse où a été constatée une augmentation du même ordre de grandeur.

Un risque pour les personnes exposées et leur famille

Le portage du SARM est réputé inapparent pour les porcs, mais des cas d’infection sont décrits. D’autres espèces animales, comme les bovins et les volailles entre autres, sont concernées par le SARM CC398. À ce jour, il n’existe pas de traitement d’éradication validé en élevage. La prévention est centrale et passe par un ensemble de mesures combinant biosécurité, bonnes pratiques de nettoyage et désinfection.

Du côté de l’humain, il a été montré que la fréquence de portage du SARM CC398 était beaucoup plus élevée chez les éleveurs de porcs par rapport à la population générale hollandaise, et qu’une diffusion interhumaine était possible2. Il n’y a pas de preuves qu’une transmission par l’alimentation (consommation, manipulation) serait possible6. Ce sont donc les professionnels de l’élevage et des abattoirs, dont les vétérinaires, directement exposés à des animaux porteurs, qui sont les plus à risque, tout comme leur famille. Les personnes contaminées peuvent rester asymptomatiques ou développer des infections pouvant être sévères. Dans l’épisode aux Pays-Bas, sur toutes les personnes positives, seule une s’est révélée symptomatique : il s’agissait non pas d’un professionnel mais d’un membre de la famille de l’éleveur (mastite chez une jeune mère).

Vigilance sur l’hygiène

Actuellement, on considère que le SARM CC398 n’est pas une souche épidémique majeure pour l’humain (selon les données disponibles) : il a été montré que la colonisation était transitoire, et le risque de transmission interhumaine moins efficace que pour d’autres clones de SARM plus adaptés à l’humain2. Malgré tout, cette lignée clonale est rapportée dans des cas d’infection en milieu hospitalier et communautaire (hors hôpital), avec des formes cliniques parfois très sévères, et sans forcément des contacts rapportés avec des porcs d’élevage.

Ce contexte sanitaire appelle à la vigilance des médecins et des personnes exposés aux porcs d’élevage, dont les vétérinaires. Le respect strict des règles d’hygiène est essentiel, en particulier en cas de blessures. En cas d’épisodes infectieux (comme un abcès profond par exemple), il convient de signaler à son médecin l’existence d’une exposition à des porcs d’élevage. En Europe, le SARM CC398 est le complexe clonal d’origine animale le plus fréquemment rapporté chez l’humain. À noter qu’un nouveau complexe clonal CC130 avec le gène mecC émerge, avec l’hypothèse d’une origine bovine. Comme pour le SARM CC398, la question de l’importance de son impact en santé humaine se pose.

  • 1. Jouy É., Le Devendec L., Touzain F., et al., Augmentation de la prévalence de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline dans les élevages de porcs en France. Jour rech porcine. 2023;55;421-2.
  • 2. Marisa H., Jouy E., Madec J.-Y., Laurent F. Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) : un partage entre l’Homme et l’animal ? Bull Epid santé animale et alimentation. 2012;53:40-2. bit.ly/3nPt4yW.
  • 3. Huijsdens X.W., van Dijke B.J., Spalburg E., et al. Community-acquired MRSA and pig-farming. Ann Clin Microbiol Antimicrob. 2006;5:26.
  • 4. À la suite d’une demande de la Commission européenne, l’Efsa a relancé en 2023 une nouvelle enquête de référence sur la prévalence du SARM chez les porcs.
  • 5. L’apparition de la résistance à la méticilline se fait par l’acquisition du gène mecA qui code pour la protéine membranaire PLP2A, à très faible affinité pour les bêta-lactamines. La résistance est plus rarement liée à l’acquisition du gène mecC.
  • 6. L’Efsa évalue les facteurs contribuant au SARM chez les porcs. bit.ly/3Kfku42.