Comportement
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel
Le Conseil d’État estime que les juges du fond ont fait une bonne interprétation de l’article L211-1 du Code rural et de la pêche maritime qui prévoit la possibilité pour le maire ou le préfet d’ordonner l’euthanasie ou le placement de tout animal qui, en lien avec les modalités de sa garde, représente un danger grave et immédiat pour les personnes et animaux domestiques.
L’affaire débute fin 2021 lorsqu'une assistante de vie déclare une morsure du chien dénommé Ricky, appartenant à M. B. En l’espèce, après une évaluation comportementale réalisée par un vétérinaire, le maire de Juvignac (Hérault) a pris, le 17 janvier 2022, un arrêté prononçant le placement en lieu de dépôt de l'animal. Au vu d'une seconde évaluation comportementale réalisée le 18 février 2022, l’élu municipal prend, le 6 avril 2022, un arrêté ordonnant le retrait définitif de Ricky à M. B. et son placement en refuge à la Société protectrice des animaux. Le Conseil d’État a été saisi pour l'annulation de l'ordonnance du 22 juillet 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de suspendre l'exécution de cette dernière décision.
Les pouvoirs de police du maire consacrés
Saisie en cassation, la haute juridiction administrative rappelle dans sa décision du 24 mars 2023 qu'en matière de chiens dangereux, le maire a des pouvoirs de police pour protéger les personnes et les animaux domestiques. L’expertise d’un vétérinaire est indispensable dans ces cas, comme l’a rappelé le Conseil d’État. Les alinéas I et II de l'article L211-1 du Code rural et de la pêche maritime détaillent les mesures possibles. Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de représenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire, ou à défaut le préfet, peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir ce danger. Il peut à ce titre, à la suite de l'évaluation comportementale d'un chien réalisée en application de l'article L211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre une formation et obtenir une attestation d'aptitude. En cas d’inexécution des mesures prescrites, l’animal peut être placé dans un lieu adapté à son accueil ou à sa garde. Si, après huit jours ouvrés, le propriétaire n'apporte pas toutes les garanties quant à l’application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d’un vétérinaire désigné par la direction départementale des services vétérinaires, soit à faire procéder à l’euthanasie de l’animal, soit à en disposer.
Le propriétaire débouté
Si M. B. conteste la légalité de l’arrêté du maire, le Conseil d’État estime au contraire que ce dernier n’a commis aucune erreur de droit. « Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le chien en cause a fait l'objet le 18 février 2022 d'une évaluation comportementale au terme de laquelle le vétérinaire a fixé son niveau de risque à 3/4 en indiquant qu'il présentait un danger pour “tout chien qu'il pourrait rencontrer et toute personne de son entourage”. Par suite, et alors même que d'autres pièces auraient attesté de son absence d'agressivité, le juge des référés a pu sans dénaturer ces pièces juger que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 6 avril 2022 aurait été entaché d'une erreur de fait quant au danger de l'animal n'était pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité », a estimé la juridiction administrative suprême. Le Conseil d’État a également relevé que le juge des référés a justement considéré que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 6 avril 2022 était illégal, faute pour l'animal d'entrer dans le champ d'application de l'article L211-1 du Code rural et de la pêche maritime, n'était pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.