Gestion de crise, l’anticipation est de mise - La Semaine Vétérinaire n° 1991 du 26/05/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1991 du 26/05/2023

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ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jean-Paul Delhom

La gestion de crise est le thème et fil rouge de l’année 2023 retenu par l’association Ergone*. Différents ateliers de réflexion sont répartis tout au long de l’année pour aborder ce sujet. Le premier a eu lieu à Paris le 30 mars, présidé par la vétérinaire Céline Porret-Condamin. L’occasion de rappeler l’importance de l’anticipation de la crise.

La rencontre organisée par Ergone en ce printemps et autour des situations de crise a permis d’aborder des cas concrets en pratique vétérinaire. La journée était animée par deux intervenantes spécialisées : Emmanuelle Ferrari et Françoise Sance, directrices associées Cap Sirius, agence de conseil spécialisée en gestion et communication de crise.

Le témoignage d’un vétérinaire qui a assuré la gestion d’une épidémie de calicivirus hypervirulent dans sa clinique plante le décor. La situation : 25 chats atteints de calicivirose, dont 16 décédés en quarante-huit heures. Cela a nécessité la consultation des chats dans une construction modulable, la désinfection de toute la clinique à l’eau de Javel et la mise en place d’un protocole de prévention. Chaque membre de l’équipe avait son rôle et sa place à tenir selon sa compétence, supervisé par un collègue décisionnaire. La réaction de la clientèle a été anticipée par une communication sur les réseaux sociaux. Les assurances ont été sollicitées pour les dédommagements. Ce témoignage a permis aux animatrices de dégager les principes et les écueils d’une gestion de crise.

Anticiper collectivement

En premier lieu, il est nécessaire d’être conscient des risques et de s’y préparer à l’avance (organisation, méthodologie, formations). Un décideur et un coordinateur (dans les grosses structures) seront désignés avant la crise. Un journal de bord permet une traçabilité des décisions et est utile en cas de tracas juridiques. Tous les experts doivent être identifiés en interne pour la communication, la bibliographie et en externe (avocat, assureur). Un document de référence et des outils de gestion de crise seront préparés en amont.

La méthode de travail est basée sur le recueil et l’analyse des faits connus (et non des supputations) permettant à tous de parler de la même chose. Ce doit être une cellule de crise et donc une intelligence collective. Elle doit en déduire les impacts, les parties prenantes et les gérer (santé, finance, réputation) par des solutions réalistes. Toutes les activités de la clinique seront impliquées (soins, garde, service, planning) mais il faut prendre en compte les particularités humaines (fragilité émotionnelle, santé, situation familiale). La nécessité d’agir vite demande de savoir impérativement gérer ses émotions.

Définir les enjeux

Il convient ensuite de définir les enjeux pour établir des priorités d’action sans excès de confiance ni focalisation. L’attribution de différents rôles et les actions à mener par les différents intervenants mobilisent les personnes expertes nécessaires à la gestion de l’événement. S’il doit savoir trancher, le décideur doit avoir la capacité de déléguer. Il faut éviter de créer des frustrations en écoutant toutes les argumentations et ne pas oublier que « la fonction prime sur le grade ».

Évaluer le rapport bénéfice-risque de chaque option

Tout au long de l’événement, il convient d’évaluer le rapport bénéfice-risque de chaque option, de procéder à des ajustements et de s’assurer du suivi du plan d’action. Chaque prise de décision est soumise à l'incertitude et ne sera discutée qu’après la crise, d’où l’intérêt de désigner le décideur avant la crise. Il faut éviter les prises de décision unilatérales sans discussion ou avec un consensus peu affirmé. Chaque décision doit être précise (annonces aux familles), réaliste (on ne ferme pas la clinique pendant un an), responsable (on ne fait pas courir de risque aux patients), écologique (bien pour nous et pour les autres) et quantifiable.

À chaque instant, le coordinateur doit s’assurer que les bons comportements sont adoptés du point de vue de la sécurité, solidarité, discipline, gestion des émotions, créativité, écoute. Le stress fait fleurir les croyances et les réactions irrationnelles. Gérer les conséquences ce n’est pas trouver la cause ou les coupables.

Communication rapide et appropriée

La communication doit être rapide et appropriée dans le respect de la confidentialité et dans l’intérêt des décisions. Elle doit se faire par les nombreux outils existants de nos jours (réseaux sociaux, mails, téléphone, journalistes). Le message porte sur ce que l’on a fait et sur ce que l’on va faire pour éviter la récidive. Il doit être recevable et empathique. Des mots simples, des phrases courtes énoncent des preuves tangibles (faits, chiffres statistiques) ou émotionnelles (angle personnel, histoire particulière). Il faut toujours donner la priorité à la communication interne.

  • * Créée en 2009, l’association Ergone s’adresse aux vétérinaires avec l’objectif de les fédérer et de les accompagner dans le développement de leur activité.