Gestion des chats errants
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Cette méthode présente l’avantage de ne pas inhiber le comportement sexuel des mâles permettant de provoquer une ovulation chez les femelles. L’installation consécutive d’un état de pseudo-grossesse contribuerait à l’espacement des périodes de chaleurs, et in fine à une réduction de la population féline sur un territoire donné.
La stérilisation est centrale dans les politiques de gestion des populations de chats errants. Généralement, cela passe par des campagnes de stérilisation des individus attrapés, avec l’objectif de limiter la reproduction des animaux. Pour les chats mâles, la castration pourrait être remplacée par une nouvelle technique chirurgicale s’apparentant à la vasectomie, l’épididymectomie, est-il avancé dans une étude* publiée dans la revue Theriogenology en avril 2023. En effet, la castration classique est loin d’être l’option la plus efficace. « Les études montrent qu’il faudrait attraper et stériliser 90 % des chats errants sur un territoire pour espérer stabiliser la population. Ce n’est pas très réaliste, explique Étienne Furthner, ancien assistant au centre d’étude en reproduction des carnivores à l’école nationale vétérinaire d’Alfort qui a travaillé sur l’étude. Une alternative est de pratiquer la vasectomie chez les mâles, en association avec une stérilisation des femelles. L’idée est de garder le caractère sexuel des chats mâles. Cela permet, d’une part, de conserver leur comportement de protection du territoire, évitant à d’autres chats extérieurs de venir. D’autre part, il y aura toujours une induction de l’ovulation chez les femelles du groupe qui n’ont pas pu être stérilisées, et donc une pseudo-grossesse permettant d’espacer les périodes de chaleurs. » Avec la vasectomie (associée à l’ovariectomie des chattes), le taux de capture annuel à atteindre descend à 35 % pour stabiliser une population de chats errants. La vasectomie est toutefois une technique contraignante dans un contexte de stérilisation massive de chats. C’est là que l’épididymectomie pourrait entrer en jeu.
Pas d’effet sur la testostérone
« L’épididymectomie ne nécessite qu’un scalpel, et peut se transformer en castration si besoin, souligne Étienne Furthner. La difficulté est de bien palper l’épididyme avant l’incision, car le risque est d’inciser l’albuginée et de provoquer des saignements ; dans ce cas, on peut toujours revenir à une castration classique. » Dans l’étude, une première expérimentation avait pour objectif d’évaluer l’efficacité de la technique, ainsi que la douleur associée. Six chats âgés de 2 à 8 ans ont été inclus ; ils ont d’abord subi une épididymectomie, puis, soixante jours plus tard, une castration. Les paramètres suivis étaient la concentration et motilité des spermatozoïdes, la concentration sanguine de la testostérone, le comportement de l’animal et la douleur au cours de la chirurgie. Une analyse histologique a également été effectuée sur les tissus excisés. Une seconde expérimentation avait pour objectif d’évaluer la facilité de prise en main de la technique chirurgicale et les complications associées. Vingt chats mâles ont été inclus ; ils ont tous subi une épididymectomie suivie d’une castration. Pour la première partie, les résultats montrent qu’une épididymectomie réussie est associée à un maintien de la concentration en testostérone au même niveau que les chats intacts ; il y a également une baisse notable de la motilité et une concentration des spermatozoïdes dès sept jours post-intervention. Il n’y a pas de différence significative dans les scores de douleur (Glasgow). Le comportement agressif et sexuel des chats est conservé. Pour l’analyse histologique des testicules, il peut y avoir des granulomes de spermatozoïdes dans le tissu environnant sans conséquence gênante. Enfin, l’évaluation du marqueur de prolifération Ki67 dans l’épithélium germinal suggère qu’il n’y a pas d’effet marqué sur la spermatogenèse. Toutefois à ce stade, on ne sait pas pourquoi le fait que la production persistante de sperme, sans qu’il puisse être évacué, n’induit pas de lésion testiculaire.
Un apprentissage facile
Pour la deuxième partie de l’étude, le temps de chirurgie était significativement plus court pour l’épididymectomie par rapport à la castration. Quatre interventions ont été un échec chez deux chats pour qui l’épididyme n’a pas été totalement sectionné, et chez deux autres pour lesquels l’incision scrotale a été trop large et a entraîné la sortie du testicule. Des saignements ont été observés chez quatre chats, dont un avec des saignements abondants (incision de l’albuginée). Il n’y a plus eu de complication à partir de douzième chat opéré. « Il y a un temps d’apprentissage ; il se fait relativement facilement. Une fois passé, tout se déroule bien. De plus, au moindre doute, on castre en agrandissant l’incision scrotale », explique Étienne Furthner. Si cette technique semble donc prometteuse, il y a toutefois des inconnues sur les conséquences de pseudo-grossesse à répétition. « Au lieu de revenir en chaleurs, les femelles vont avoir une imprégnation en progestérone pendant quarante jours. On pourrait envisager, dans de rares cas, l’apparition d’infections utérines ou de fibro-adénomatoses mammaires. Pour le confirmer, il faudrait des études de terrain dans un environnement contrôlable. » Les études de terrain sont également nécessaires pour évaluer les avantages de l’épididymectomie sur le contrôle des populations de chats errants, comme il a été montré pour la vasectomie. Au-delà de la gestion des populations de chats errants, cette technique pourrait être utile pour contrôler les populations d’animaux sauvages, et d’animaux en parc zoologique, puisqu’elle est moins coûteuse et invasive que la vasectomie.