Épidémiosurveillance
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Clothilde BardeClothilde Barde
Les membres du groupe de suivi de l’Observatoire et suivi des causes d’avortements chez les ruminants de la plateforme d’épidémiologie en santé animale viennent de publier un rapport répertoriant les principales maladies infectieuses à l’origine d’avortements chez les ruminants domestiques français (bovins, ovins, caprins) en 2022.
Sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2022, ce sont 26 départements qui se sont engagés dans le dispositif Observatoire et suivi des causes d’avortements chez les ruminants (Oscar), soit un de plus (Isère) qu’en 2021. Dans le cadre de cet observatoire, les données (nombre de séries abortives investiguées, taux d’élucidation et proportion de dossiers avec implication concomitante d’au moins deux agents infectieux) sur les agents infectieux responsables d’avortements chez les ruminants français ont été synthétisées dans un rapport* disponible depuis avril 2023.
Une évaluation précise de la situation
Ainsi, parmi tous les agents infectieux potentiellement abortifs des ruminants, le dispositif Oscar s’intéresse à une liste de maladies recherchées systématiquement « en première intention » ainsi qu’à un ensemble de maladies recherchées « en seconde intention » de façon facultative, selon le contexte épidémiologique, l’historique de l’élevage et le tableau clinique. Ce dernier peut être proposé à tout cheptel de ruminants confronté à une série abortive, que ces avortements soient rapprochés dans le temps ou plus espacés. L’analyse épidémiologique des dossiers enregistrés dans Oscar en 2022 permet donc de dresser un certain nombre de constats, même si, selon le rapport, « il est nécessaire d’être très prudent dans l’interprétation de ces résultats car ils restent uniquement descriptifs, en raison de l’absence d’échantillon représentatif (surveillance événementielle volontaire) et de l’hétérogénéité entre départements ayant saisi leurs données ».
Des agents infectieux propres à certaines espèces
Le rapport constate tout d’abord que le nombre de séries abortives investiguées par Oscar en 2022 est en baisse pour les trois espèces de ruminants étudiées (de 13,6 %, de 8,1 % et de 12,2 % respectivement en bovins, ovins et caprins avec 849 séries abortives chez les bovins, 271 chez les ovins et 122 chez les caprins), avec un taux d’élucidation plus important dans les élevages ovins (52,8 %) et caprins (50,8 %) que bovins (43,7 %) par rapport à l’année 2021. En ce qui concerne les causes d’avortement, la néosporose était, pour les maladies recherchées systématiquement, le principal agent infectieux responsable d’avortements dans les élevages de bovins (17,2 % des élevages avec 20,2 % d’élevages bovins laitiers versus 4,2 % d’élevages bovins allaitants) et, parmi les maladies à recherche facultative, l’ehrlichiose était la maladie la plus fréquemment rencontrée (28 %) chez les bovins. En ateliers ovins, la toxoplasmose est la plus fréquemment retrouvée (19,6 %) parmi les maladies recherchées systématiquement et la salmonellose (12,1 %) pour les maladies à recherche facultative. En ateliers caprins, il s’agissait respectivement de la toxoplasmose (23 %) et d’une origine mycosique (5,3 %).
Un grand nombre d’étiologies possibles
Par ailleurs, pour les maladies recherchées en première intention chez les bovins, outre la néosporose, la diarrhée virale bovine est en légère augmentation par rapport à 2021 (4,2 % versus 3,2 % en 2021). Ces résultats peuvent s’expliquer selon les chercheurs par l’avancement du programme d’éradication : les cheptels indemnes et donc naïfs sont de plus en plus nombreux, ce qui induit un impact majeur en cas de nouvelle contamination. La fièvre Q était la deuxième cause infectieuse la plus fréquemment retrouvée dans les élevages de caprins (22,1 %), de bovins (10,2 %) et d’ovins (17,7 %). Chez les ovins, après avoir doublé en 2021 par rapport à 2020, la proportion d’avortements liés à la toxoplasmose a diminué d’un tiers (19,6 %) et, comme les années précédentes, la chlamydiose reste également une cause infectieuse majeure (17 % des séries abortives ont fait l’objet d’investigations).
Vers une meilleure prévention ?
Pour les maladies à recherche facultative, les données collectées montrent qu’en 2022 la proportion d’avortements d’origine mycosique est en hausse par rapport aux années précédentes pour les bovins (22,1 %) et en diminution pour les élevages d’ovins (7,1 %) et de caprins (5,3 %). Le nombre d’avortements causés par des agents de type Salmonella est resté stable en ateliers bovins (5,4 %) et ovins (12,1 %) avec, chez les bovins principalement, les sérovars Montevideo, Mbandaka, Enteritidis, Typhimurium monophasique et, dans les élevages ovins, le sérovar Adjane. Quant à l’ehrlichiose, elle est considérée comme responsable de l’épisode abortif dans 28 % des cas (en légère augmentation) chez les bovins. Enfin, même si certaines séries abortives restent non élucidées (agent pathogène responsable non recherché ou d’origine non infectieuse), le rapport conclut que le dispositif Oscar joue un rôle important car il « contribue à améliorer le diagnostic différentiel des maladies abortives infectieuses pour les éleveurs de ruminants (…) ainsi que de gagner en spécificité dans le diagnostic des maladies abortives, ce qui est un préalable à la mise en place de moyens de maîtrise pertinent (rapport coût-bénéfice, consentement éclairé…) ».
Des maladies de première et de seconde intention
Dans le cadre du groupe de travail de la plateforme d’épidémiologie en santé animale, deux catégories de maladies abortives sont définies :
• Les maladies de première intention pour lesquelles la prévalence des avortements liés à l’agent correspondant est considérée comme importante à l’échelle nationale, dont les conséquences économiques et/ou sanitaires liées aux avortements sont notables, pour lesquelles les outils de diagnostic disponibles permettent l’obtention de résultats interprétables quant à la responsabilité de l’agent infectieux dans la série d’avortements et pour lesquelles il existe des moyens de prévention et de lutte spécifiques qui peuvent être mis en œuvre à la suite de leur diagnostic.
Il s’agit de : fièvre Q, diarrhée virale bovine et néosporose pour les bovins ; fièvre Q, chlamydiose et toxoplasmose pour les ovins et caprins.
• Les maladies de seconde intention recherchées selon le contexte.
Il s’agit de : origine mycosique (notamment liée à Aspergillus), salmonelles, Chlamydia, Listeria monocytogenes, leptospires, Campylobacter fetus fetus et C. fetus venerealis, Anaplasma marginale (anaplasmose) et Anaplasma phagocytophilum (ehrlichiose) pour les bovins ; Listeria monocytogenes, origine mycosique (notamment liée à Aspergillus), virus de la border disease et des salmonelles pour les ovins et caprins.