Le Conseil d’État sépare le biocide du médicament APE

Le Conseil d’État met fin au bras de fer judiciaire entre l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV-Anses) et la société Protecta. Au cœur du litige, le statut juridique du produit Tectonik qui contient de la perméthrine et s’administre en application pour-on sur le dos des bovins. Il est présenté pour lutter contre les infestations par les mouches. En décembre 2016, la suspension de commercialisation de ce produit a été prononcée par l’ANMV, alors qu’il était vendu comme un biocide. En février 2019, le tribunal administratif de Nîmes (Gard) a annulé cette décision. S’ensuit alors une bataille judiciaire jusqu’en avril 2023 après la décision* du Conseil d’État. Sur appel de l’Agence, la cour administrative d’appel de Marseille (Bouches-du-Rhône) a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes et rejeté la demande d’annulation de la décision du directeur de l’ANMV.

Un médicament par fonction

En appel, le juge a en effet considéré que « le produit Tectonik pour-on, eu égard notamment à sa composition, à ses propriétés pharmacologiques établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, à ses modalités d’emploi, à l’ampleur de sa diffusion, à la connaissance qu’en ont les consommateurs et aux risques que peut entraîner son utilisation, de médicament vétérinaire antiparasitaire et ce, quand bien même d’autres États membres admettraient la commercialisation de ce produit comme biocide ». Saisi en cassation en septembre 2021 par la société requérante, le Conseil d’État estime que les juges ont procédé à l’analyse de la capacité de ce produit à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques des animaux traités en exerçant une action pharmacologique, ainsi qu’à l’analyse de sa composition, de ses modalités d’emploi et des risques que peut entraîner son utilisation.

Une jurisprudence européenne

« C’est sans erreur de droit et par une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation, que la cour administrative d’appel a jugé qu’il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen, et notamment de la notice d’utilisation du produit “Tectonik pour-on”, que ce produit était préconisé pour le traitement local, par application locale externe sur le dos de l’animal traité, contre les mouches des bovins, et que celles-ci incluaient non seulement les mouches domestiques mais aussi des espèces de mouches parasites vectrices de maladies pour les bovins », analyse l’autorité administrative. Le Conseil d’État s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment son arrêt du 6 septembre 2012 « Chemische Fabrik Kreussler & Co GmbH contre Sunstar Deutschland GmbH », qui précise que pour déterminer si un produit relève de la définition du médicament « par fonction », les autorités nationales, agissant sous le contrôle du juge, doivent se prononcer au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques dudit produit. Il estime que la cour administrative d’appel a justement jugé que le produit Tectonik pour-on a pour objet et pour effet de prévenir une infection, une infestation ou une maladie causée ou transmise aux bovins par des parasites, et exerce ainsi une action pharmacologique modifiant les fonctions physiologiques des bovins traités. « C’est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique qu’ayant ainsi apprécié la capacité du “Tectonik pour-on”, dans des conditions d’emploi normales, à restaurer de manière significative les fonctions physiologiques des sujets traités, elle en a déduit que ce produit devait être qualifié de médicament vétérinaire. »

• * Arrêt du Conseil d’État du 12 avril 2023 : bit.ly/42QGwCo.