EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Tanit Halfon
Face au risque de multiplication des événements climatiques extrêmes (canicule, sécheresse…), les filières d’élevage devront faire évoluer leurs systèmes. Plusieurs leviers d’adaptation existent. Le vétérinaire est un des acteurs pour accompagner l’appropriation de ces nouvelles pratiques.
Céline Peudpièce (VetAgro Sup 02)
Vétérinaire recherche et développement à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire
Ne pas se focaliser que sur l’adaptation à la chaleur
Nous disposons maintenant de nombreuses solutions techniques pour adapter les systèmes d’élevage aux pics de chaleur : isolation des bâtiments, ventilation, agroforesterie, décalage des moments d’alimentation ou adaptation du pâturage… Cela devient plus complexe s’agissant de la gestion de l’eau, comme on peut le voir pour les bassines. Pour commencer, on peut tout simplement être attentif à limiter les pertes par la sécurisation des circuits d’approvisionnement. En tant que vétérinaire, on peut porter une vigilance particulière sur le débit global des exploitations qui peut ne plus être suffisant pour l’abreuvement des animaux lors de périodes chaudes. Parfois, il faut envisager de nouveaux systèmes de stockage. Dans certains territoires, le risque est que l’abreuvement des animaux d’élevage entre en concurrence avec les besoins en eau potable de la communauté. Cela dit, ce serait une erreur de ne prendre en compte que les aspects techniques. L’adaptation de l’élevage doit se réfléchir de manière plus globale, en incluant les enjeux sociétaux actuels. Par exemple, l’agroforesterie est une des voies d’adaptation et d’atténuation au changement climatique, mais qui améliore également le respect de l’environnement en permettant une restauration de la biodiversité. Il me semble que tous ces chantiers sont à mener de front.
Guilhem Pouvevigne (T 05)
Praticien porcin à L’Union (Haute-Garonne)
Lutter contre le stress thermique
Les vagues de chaleur intense, surtout lorsqu’elles sont soudaines, peuvent être à l’origine de problèmes importants dans les élevages de porcs, notamment une surmortalité, surtout de truies en fin de gestation. Pour surmonter ces difficultés, les éleveurs auront à mobiliser plusieurs leviers d’adaptation. En premier lieu le logement, que ce soit pour les élevages en bâtiment ou de plein air (travail sur les abris, l’isolation, l’air et l’eau…). L’alimentation est aussi un élément clé : limitation de la hausse de la température corporelle lors de la digestion en modifiant, entre autres, les heures des repas, adaptation de la composition des aliments pour faire face aux baisses d’ingéré, apports spécifiques en cas de stress thermique… La génétique aidera à avoir des animaux plus robustes. Le vétérinaire, souvent appelé lors des épisodes de stress thermique, a un rôle à jouer dans ces évolutions.
Par ailleurs, pour des raisons de durabilité écologique et économique des élevages, il est probable que nous soyons davantage amenés à accompagner l’utilisation de sous-produits de l’alimentation humaine, en veillant à préserver la santé publique et animale. Sans oublier, bien sûr, le sujet maladies émergentes et réchauffement.
Anne Barbier-Bourgeois (N 97)
Vétérinaire conseil en ruminants à Salomé (Nord)
Proposer des audits
Ayant « une chaudière intégrée », les ruminants sont particulièrement sensibles au stress thermique. Cet impact sur le bien-être, sur la santé et sur les productions est souvent sous-estimé par les éleveurs qui le réduisent au coup de chaleur ou à des problèmes zootechniques et sanitaires concomitants des périodes de canicule. L’accompagnement des éleveurs comprend un large panel de mesures préventives ou adaptatives : depuis la sensibilisation aux conséquences et le rappel des évidences, comme la possibilité pour tous les animaux de pouvoir boire à volonté de l’eau de bonne qualité, jusqu’à l’évolution vers des systèmes d’élevage à bas carbone et générant moins de gaz à effet de serre (diversification des ressources fourragères, autonomie protéique, compléments alimentaires, amélioration globale de la santé, diminution de l’âge au premier vêlage…). Des interventions de type audit peuvent être proposées afin d’évaluer les facteurs de risque et de soumettre des solutions nutritionnelles (optimisation de l’abreuvement, adaptation de la ration, apport de bicarbonates, sel, antioxydants, hépatoprotecteurs, levures), des modifications de la conduite d’élevage, notamment pour les animaux à risque, des aménagements du bâtiment (ventilateurs, brumisateurs) ou des pâtures (zones d’ombre naturelle ou artificielle).