Maladies respiratoires
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Article rédigé d’après la présentation « Actualités sur le coronavirus» de Thibault Jozan, vétérinaire responsable technique ruminants (MSD Santé animale), lors du congrès national de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires qui a eu lieu du 24 au 26 mai 2023.
Chez les bovins, les infections respiratoires se développent généralement à la suite d’un stress primaire puis elles peuvent parfois être associées à une surinfection secondaire par les bactéries de la flore respiratoire supérieure ou profonde1,2,3,4. D’après des données d’études épidémiologiques réalisées en élevages laitiers, naisseurs et engraisseurs en France et en Belgique, parmi les agents viraux primaires responsables de bronchopneumonie (BP) chez les bovins, le coronavirus bovin (BCoV) est le virus le plus fréquemment détecté par PCR (prélèvement de poumons, écouvillons nasaux profonds ou lavage broncho alvéolaire)5.
Un rôle dans le complexe respiratoire bovin
En effet, bien qu’il soit connu à l’origine pour son tropisme digestif (diarrhées chez les veaux et entérites hémorragiques chez les vaches adultes), ce bêtacoronavirus est également responsable d’infections respiratoires chez les bovins. D’après le conférencier, « les souches ont évolué au cours du temps d’un tropisme digestif à un tropisme pneumo-entérique ». Les différents clusters de BCoV retrouvés actuellement en Europe sont donc à l’origine de symptômes variés, mais, comme l’a ajouté Thibault Jozan, l’expression clinique de la maladie et l’intensité des signes cliniques seraient davantage liées aux interactions du virus avec le microbiote local ou avec les autres agents associés, à la voie d’inoculation du virus, à sa charge infectieuse ou à des facteurs environnementaux plutôt qu’à des différences génétiques entre les souches5. Lors d’infections respiratoires par BCoV, les bovins présentent généralement des signes respiratoires supérieurs modérés (rhinite, trachéite, toux, jetage sans hyperthermie systématique)6,7,8, et une aggravation des symptômes est observée lors de surinfections bactériennes secondaires (Mannheimia haemolytica 2, Pasteurella multocida 9 ou Histophilus somni) favorisées par l’infection virale initiale5.
Une forte prévalence en élevage
Par ailleurs, le BCoV est un agent prédominant qui circule activement dans plus de 50 % des élevages laitiers en Europe 9,10. Ainsi, selon une étude française portant sur des autopsies de bovins réalisées par OnirisNantes entre 2016 et 2019, le BCoV était le virus le plus fréquemment détecté sur les poumons de vaches autopsiées (31 % des cas de pneumonies). De plus, dans une autre étude française réalisée en 2020 en début d’engraissement, il était identifié sur 81 % des prélèvements d’écouvillons nasaux profonds de jeunes bovins malades (versus Pasteurella multocida sur 47 % ou < 10 % Histophilus somni, Mannheimia haemolytica). Des transmissions, directes par les animaux infectés, et indirectes par l’environnement et les vecteurs contaminés, ont pu être mises en évidence. Ainsi, une étude menée en Norvège11 a montré que, à la suite de l’introduction d’un lot de veaux sentinelles séronégatifs dans un lot de veaux malades, les veaux initialement sains ont développé des signes cliniques modérés. Le virus était excrété par voie oro-nasale, ainsi que dans les matières fécales, dès le deuxième jour après la mise en contact avec les veaux malades. Les animaux infectés peuvent alors ensuite excréter pendant longtemps le virus (> 30 jours) et de façon intermittente, même si la contagiosité des animaux semblait toutefois beaucoup plus courte (moins de trois semaines après leur infection). Par ailleurs, dans une autre étude, il a été montré que la charge virale retrouvée sur des vecteurs (bottes, stéthoscopes ou montres des vétérinaires) vingt-quatre heures après un contact avec des animaux malades était importante, et que le virus pouvait encore être infectieux.
Importance de la prévention
Par conséquent, étant donné la forte présence du virus sur le territoire et son implication comme agent primaire responsable d’épisodes respiratoires chez les bovins, il est important de mettre en place des mesures de biosécurité spécifiques au BCoV. « Comme le virus circule en France, espérer atteindre une biosécurité parfaite serait illusoire, mais la mise en place de mesures, comme la vaccination des mères pour enrichir en anticorps protecteurs le colostrum distribué aux veaux, peut être intéressante », a indiqué Thibault Jozan. Ainsi, la vaccination des mères s’est révélée efficace pour limiter la survenue de diarrhées chez les veaux et réduire la pression d’infection dans leur environnement. Toutefois, comme ce transfert passif d’immunité ne semble pas suffisant pour obtenir une protection efficace de la muqueuse respiratoire supérieure des veaux (principal site de réplication virale), un essai de vaccination des jeunes bovins à l’entrée en engraissement avec un vaccin intranasal a été réalisé. Il a permis de réduire l’excrétion nasale du virus ainsi que le nombre de traitements respiratoires12. Selon le conférencier, des études de challenge réalisées en laboratoire ont permis de montrer que la vaccination de jeunes veaux avec un vaccin vivant atténué expérimental a réduit significativement l’excrétion nasale et fécale du BCoV ainsi que les signes cliniques respiratoires supérieurs et digestifs. Le 31 mars 2023, une autorisation de mise sur le marché a été accordée par l’Agence européenne du médicament pour le vaccin intranasal BCoV (Bovilis Nasalgen C MSD), indiqué pour réduire l’excrétion nasale et les signes cliniques respiratoires supérieurs de l’infection par le BCoV.