Chiens et chats cohabitent bien ensemble - La Semaine Vétérinaire n° 1996 du 30/06/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1996 du 30/06/2023

Enquête

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : ANAËLLE OCTAU ET JULIE HERVÉ, ​​​​​​Oniris, Service de physiologie fonctionnelle, cellulaire et moléculaire, Nantes.

S’ils sont capables de vivre ensemble au sein d’un même foyer, les chats peuvent aussi entretenir de bonnes relations avec les chiens, comme l’a montré une thèse d’exercice vétérinaire. Quel que soit le type de cohabitation, la prévention et la prise en charge du stress social chez le chat apparaissent toutefois primordiales pour éviter une détérioration de sa relation avec son propriétaire, parfois à l’origine de punitions, voire d’abandons ou de demandes d’euthanasie.

Si l’on en croit l’expression « s’entendre comme chien et chat », nos compagnons canins et félins ont la réputation d’être incapables de cohabiter pacifiquement. Mais est-ce vraiment le cas ? Les relations entre chiens et chats vivant ensemble n’ont, à ce jour, fait l’objet que d’un faible nombre d’études scientifiques ; tandis que la cohabitation entre chats, et les conséquences comportementales associées, sont relativement bien connues. Dans ce contexte, un travail récent de thèse d’exercice vétérinaire1 a été consacré au sujet. Plusieurs questions y ont été explorées : la relation entre les animaux d’un foyer est-elle plus souvent antagoniste entre chiens et chats qu’entre chats ? Par ailleurs, dans quelle mesure la cohabitation entre ces deux espèces peut-elle être associée à la manifestation de troubles émotionnels et comportementaux chez le chat pouvant gêner les propriétaires, comparée à la cohabitation entre félins ? Pour y répondre, un questionnaire a été proposé à des propriétaires de chats en cohabitation avec un autre chat ou avec un chien. Au total, les réponses de 586 personnes ont pu être exploitées, 264 correspondant à des propriétaires de deux chats, et 322 possédant un chat et un chien. Une partie des répondants était des étudiants vétérinaires, des vétérinaires et des auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV), particulièrement représentés parmi les détenteurs d’un chat et d’un chien.

Une ébauche de profils de comportements du chat selon le type de cohabitation

L’analyse des données de l’enquête a révélé des points communs et des divergences dans la fréquence d’expression de divers comportements liés au stress social chez le chat en cohabitation avec un chien, par rapport au chat vivant avec un autre chat. Ainsi, les comportements d’évitement, les réactions de peur, le rolling skin syndrome (frissonnement de la peau du dos), les griffures, morsures et attaques envers le propriétaire, ainsi que le comportement exploratoire étaient exprimés à une fréquence supérieure chez les chats cohabitant avec un chien. À l’inverse, la malpropreté urinaire et la boulimie étaient plus fréquentes chez les chats en cohabitation intraspécifique. Le degré d’activité était également supérieur chez les chats vivant à deux sous le même toit. La fréquence rapportée par les propriétaires ne différait pas significativement entre les deux populations concernant l’ensemble des autres comportements étudiés2. Quel que soit le type de cohabitation, beaucoup des comportements dont la fréquence est susceptible d’augmenter en cas de stress social n’étaient que rarement exprimés par les chats de l’étude, confirmant que la population de chats étudiée vivait dans de bonnes conditions.

Il est à noter que les comportements observés ne sont pas attribuables avec certitude aux conséquences de la cohabitation avec un autre animal. D’autres facteurs, notamment environnementaux ou intrinsèques à chaque animal (âge, sexe, historique…), ont pu intervenir dans l’expression du comportement des chats de l’enquête. Enfin, un biais de subjectivité n’est pas à exclure, en lien avec le fait que les données récoltées étaient rapportées par les propriétaires, dont une fraction importante de professionnels des animaux. 

Globalement, les données de l’enquête ont montré que l’entente perçue entre chiens et chats comme entre chats était en moyenne bonne à très bonne. Par ailleurs, il apparaît une supériorité significative au sein des foyers où vivaient deux chats, par rapport à ceux où cohabitaient un chien et un chat, de la fréquence d’expression des comportements amicaux et des comportements antagonistes entre les animaux. Cela pourrait s’expliquer par une prédominance des relations indifférentes de tolérance mutuelle entre chiens et chats. Ces résultats pourraient aussi être influencés par une confusion entre les bagarres et poursuites exprimées lors de jeux entre les animaux, et celles reflétant réellement un antagonisme de la relation.

Des comportements gênants mais pas rédhibitoires pour les détenteurs

L’enquête a également permis de caractériser la gêne occasionnée par les comportements des chats. Il a ainsi été observé que la proportion de propriétaires importunés par certains comportements de leurs chats liés au stress social était significativement supérieure chez les détenteurs de deux chats (63 %) par rapport aux propriétaires d’un chat et d’un chien (51 %). Ce constat est rassurant pour les futurs propriétaires de chiens et chats, souvent plus réticents à l’idée de faire cohabiter leurs animaux que les propriétaires de deux chats. Les comportements les plus gênants pour les propriétaires d’un chat et d’un chien étaient avant tout des bagarres et poursuites entre eux, suivies des sollicitations nocturnes, de la malpropreté, des morsures et griffures envers le propriétaire, et des griffades exprimées par le chat. Pour les propriétaires de deux chats, les comportements les plus gênants étaient majoritairement la malpropreté, suivie des bagarres et poursuites entre les animaux, des griffades, des sollicitations nocturnes, et des troubles du comportement alimentaire. Pour les deux catégories de propriétaires, les miaulements, les attaques envers les maîtres, les troubles du comportement de toilettage et enfin les fugues étaient aussi cités, mais dans une moindre mesure.

Il est important de remarquer que les foyers comportant deux chats concentraient deux fois plus d’animaux susceptibles d’exprimer les comportements potentiellement incommandants étudiés, ce qui a pu influencer ces résultats.

Malgré le fait que plus de la moitié des propriétaires de chaque catégorie rapporte une gêne ressentie en lien avec les comportements de leurs chats ciblés par l’étude, l’enquête a permis d’observer qu’une grande majorité des répondants n’ont pas exprimé de volonté de se séparer de l’un de leurs animaux pour cette même raison. Ainsi, seuls 3,8 % des propriétaires de deux chats et 0,9 % des détenteurs d’un chat et d’un chien ayant répondu au questionnaire avaient déjà envisagé cette issue.

Vers un outil d’aide à la détection de signes comportementaux de stress social

Ainsi, ce travail tend à remettre en cause les stéréotypes répandus selon lesquels chiens et chats sont des ennemis que tout oppose. Il permet d’ouvrir des perspectives encourageantes, pour les futurs propriétaires de chats et chiens, quant à la qualité de la relation entre leurs animaux.

Par ailleurs, cette enquête a permis de répertorier l’ensemble des signes comportementaux pouvant être associés à un stress social chez le chat. Ils correspondent en partie à ceux notés en cas de troubles émotionnels tels que la phobie, l’anxiété intermittente ou permanente, ou la dépression aiguë ou chronique. Ces éléments fournissent une base pour la construction d’un outil pédagogique, à destination des propriétaires de chats en cohabitation avec un autre animal, facilitant la détection des comportements de leur chat pouvant traduire un stress social. Un tel outil présenterait un intérêt certain dans le but de favoriser la prise en charge précoce de troubles de la relation entre les animaux d’un foyer.

Sources bibliographiques : urlz.fr/mtGM

  • 1. Octa A. Étude du comportement du chat de compagnie en cohabitation avec le chien : comparaison avec la cohabitation entre chats. Oniris. 2022. urlz.fr/mqrq
  • 2. Hypervigilance, comportement de jeu, crises d’agitation, griffades, marquage facial de l’environnement, malpropreté fécale, allomarquage envers le propriétaire et recherche de son contact physique, vocalisations à l’attention du propriétaire et sollicitations nocturnes, léchage/grattage excessif ou toilettage négligé, fugues, hyporexie/anorexie.