Abandon d’animaux de compagnie : quelle réalité française ? - La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023

Protection animale

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon

Toutes les deux minutes en France, un animal de compagnie est abandonné. Parmi les solutions envisagées, la création d’un fichier que les associations de protection et les professionnels pourraient consulter afin de vérifier l’absence de passif de l’adoptant avant toute cession d’un animal. 

Alors que dans de nombreux pays les effectifs des refuges baissent, la France affiche un abandon toutes les deux minutes, un triste record qui interroge. Le webinaire "Rendez-vous de l’animal en ville", organisé le 22 juin par Mars Petcare et animé par la journaliste Katia Renard (rédactrice en chef de 30 millions d’Amis), a permis d’en mieux comprendre les causes.

Le secteur social plus touché

Comme dans d’autres villes – à Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques, par exemple –, Christelle Libert, élue de Lille (Nord), note depuis le dernier trimestre 2022 une forte augmentation des abandons, avec un faible taux de récupération des chiens en fourrière contraire aux habitudes (38 % sur le premier semestre 2023, contre 59 % en moyenne les années précédentes). Lorsque ce sont des abandons directs, les propriétaires disent « au moins chez vous, il sera nourri et soigné ». C’est aussi la première fois que la municipalité reçoit des demandes de particuliers afin de les aider à trouver des aliments pour chat moins chers. Christelle Libert a fait jouer la solidarité, notamment pour aider les personnes déjà jugées en difficulté par des associations comme Les Restos du cœur. La ville a aussi lancé un appel à projet qui permet, avec les deux vétérinaires de la fourrière et d’autres sur Bondues, de pouvoir donner des conseils concernant leurs animaux aux SDF et aux personnes signalées aux Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud), et de réaliser des actes chirurgicaux de stérilisation avec une prise en charge proportionnée en fonction de leurs revenus. Les référents animaliers municipaux sont aussi à l’initiative d’une mise en réseau de certains commerçants de Lille avec des associations d’entraide, quand ils ont des produits pour animaux avec une date limite de consommation courte ou qu’ils souhaitent tout simplement faire plaisir, ponctuellement. 

Politique d’euthanasie variable selon les fourrières

Avec 35 pôles animaliers, des contrats avec 7 000 villes, la première fourrière de France (Sacpa) couvre 80 % du territoire français. Au-delà de son rôle réglementaire de fourrière, elle a mis en place afin de limiter drastiquement les euthanasies une plateforme numérique, VigiPets.fr, qui permet de retrouver son animal non identifié (mais qui le deviendra dès sa restitution). De son côté, la fondation Clara, qui place environ 2 500 animaux par an (chats, chiens et NAC de tout âge), réalise des campagnes de stérilisation avec les municipalités et remet sur site les chats non sociabilisables (3 500 chaque année). Seulement 10 % des chats entrant en fourrière sont identifiés, avec un taux de restitution de 20 %. Clara Fonteneau, ambassadrice de la fondation Clara, a dit sa préoccupation avec un nombre croissant de jeunes malinois (de moins de 6 mois) abandonnés (ils étaient 1 800 en 2022), surtout dans le Sud, en Île-de-France et à Toulouse, et totalement inadaptés pour séjourner en box. Très vifs, ayant besoin de courir, voire de travailler, ces chiens deviennent rapidement, du fait de leur captivité en espace réduit, impossibles à faire adopter et délicats à manipuler.

Faire bouger les lois et les mentalités

Stéphane Lamart, président de l’association éponyme, a précisé qu’une des carences législatives, en cas de condamnation à ne plus détenir d’animal, tient à l’absence de fichier que toute association de protection ou tout professionnel pourrait consulter avant d’en confier un. Il s’inscrit en faux sur le rôle de l’inflation pour motiver des abandons puisque son association propose un accompagnement ou un don de croquettes. L’association Stéphane Lamart prend en charge, à ses frais, les animaux de compagnie saisis, et lorsque les propriétaires sont condamnés, elle fait des commandements à payer (qui courent sur dix ans) avec saisie sur salaire voire hypothèque des biens, pour que la personne n’oublie pas la leçon.

Sur la base de son expérience de président du refuge AVA, notre confrère Thierry Bedossa a dit n’avoir vu qu’une fois dans sa vie un animal traumatisé par l’abandon. Il estime que la captivité pour les chats est un facteur de souffrance. Il a par ailleurs encouragé ses confrères à réaliser les examens de diagnose ethnique*, pour permettre, quand elle est prouvée, la décatégorisation de chiens ressemblant à des pitbulls sans en être. Il a souligné, comme l’avait fait l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans son rapport en 2021, qu’il n’y a aucune preuve scientifique attestant d’une dangerosité supérieure des chiens catégorisés à celle des autres chiens.

  • *Voir l’article publié sur le site de l’association AVA. urlz.fr/mzHM