Deux cas d’infection à Brucella suis chez des chiens - La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023

Maladie bactérienne

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Pour la première fois, le biovar 2 a été identifié chez des chiens. La contamination de deux animaux vivant dans le Sud de la France et qui appartiennent à des particuliers trouverait son origine dans le réservoir sauvage.

La brucellose canine fait depuis plusieurs mois les grands titres, notamment en lien avec la flambée de cas détectés au Royaume-Uni en 2021 chez des chiens importés d’Europe de l’Est (le plus souvent de Roumanie). La tendance est à la hausse des cas en Europe de l’Ouest, en lien avec un essor des importations, et la France n’est pas épargnée. Si Brucella canis est en cause, on sait que le chien peut aussi être contaminé par d’autres espèces comme B. abortus, melitensis et suis, mais de manière sporadique. Pour B. suis, seuls les biovars 1 et 5 ont été associés à des infections canines. Pour la première fois, le biovar 2 de B. suis a été détecté chez des chiens… en France ! Cette découverte a fait l’objet d’un article1 publié tout récemment dans la revue Pathogens et rédigé par les chercheurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Elle s’inscrit dans le cadre plus global d’un projet de recherche européen coordonné par l’Agence sur l’étude des nouvelles espèces de Brucella.

Deux détections à deux ans d’intervalle

La détection a été faite sur deux chiens de particuliers, en 2020 et en 2022. Le premier chien était un border collie mâle castré de 13 ans, présenté chez son vétérinaire pour des signes évocateurs de cystite et/ou prostatite. Le chien avait été adopté à l’âge de 4 ans dans les Pyrénées-Atlantiques, et vivait depuis dans les Landes. Le deuxième chien était un berger allemand mâle de 5 ans présenté pour une fièvre et des signes d’orchite bilatérale. Le chien était originaire du Gard, et vivait toujours dans ce département. Les souches isolées se sont révélées du biovar 2 de B. suis, avec une proximité phylogénétique avec des isolats de suidés et cas humains (isolats français) : pour le premier cas, la proximité était surtout avec des isolats de porcs et de sangliers, et pour le deuxième avec des souches de bovins et d’humains. Dans les deux cas, la brucellose n’a pas été détectée tout de suite. Pour le premier chien, cela n’avait pas été considéré comme une hypothèse possible au départ. C’est la persistance des signes cliniques urinaires, malgré un premier examen bactériologique urinaire négatif, qui a motivé un nouvel examen urinaire. La culture d’urine a permis d’identifier le genre Brucella. En raison de la détérioration de son état clinique malgré un traitement de doxycycline pendant vingt jours, et de son âge, la décision a été prise d’euthanasier l’animal. Pour le deuxième chien, une analyse sérologique avait bien été demandée dans un premier temps mais elle ne ciblait que les Brucella sp. de phénotypes rugueux qui n’incluent pas B. suis (phénotype lisse). Un premier traitement antibiotique et anti-inflammatoire a été instauré sans succès. Cette évolution, associée à une dégradation lésionnelle, a motivé la réalisation d’une stérilisation avec scrotectomie et un nouveau traitement antibiotiques. C’est la culture bactérienne effectuée à partir des testicules qui a révélé la bactérie Brucella. Ce chien s’est rétabli.

Pas d’élevages porcins à proximité

Comme son nom l’indique, B. suis concerne en majorité le porc. On la retrouve entre autres dans des élevages de porcs en plein air, du fait de contacts facilités avec le réservoir sauvage (sangliers et lièvres). On constate une hausse des détections de B. suis chez les chiens, notamment en Australie et aux États-Unis. En France, le biovar 2 de B. suis est retrouvé dans les compartiments domestique et sauvage. Une étude faite auprès d’éleveurs n’a pas montré de cas de brucellose, ce qui est en faveur d’une faible pathogénicité pour l’humain. Il y a toutefois eu 7 cas déclarés d’infection humaine à B. suis biovar 2 entre 2004 et 2016, mais chez des personnes qui avaient été en contact avec des sangliers lors d’une chasse ou avec leur viande. Cinq de ces personnes avaient en plus d’autres pathologies chroniques. Ce sont les biovars 1, 3 et 5 qui sont considérés actuellement comme les plus pathogènes pour l’humain et les autres mammifères. Côté canin, les infections à B. suis déjà rapportées sont liées à des expositions avec des porcs sauvages lors de la chasse ou avec leurs excréments. Pour les deux cas français, les chiens ne vivaient pas à proximité d’élevages porcins. L’origine suspectée de la contamination serait donc plutôt la faune sauvage, les chiens ayant pu, au cours d’une promenade qu’ils avaient l’habitude de faire dans la forêt, être au contact de fluides corporels et/ou tissus issus de lièvres ou sangliers.

Pour les scientifiques de l’Anses2, ces nouvelles détections devraient inciter à élaborer des plans de surveillance pour mieux étudier la situation épidémiologique, ce qui facilitera les actions de prévention de transmission aux animaux domestiques et à l’humain. Il faut également penser à inclure dans les analyses sérologiques les phénotypes lisses de Brucella. Dans le cadre du projet européen de recherche, une méthode d’infection cellulaire in vitro a été développée par les chercheurs, permettant d’orienter sur le pouvoir pathogène des espèces de Brucella détectées. Cela aidera dans l’évaluation du risque pour l’humain si des cas sont décelés chez les animaux. Jusqu’à aujourd’hui, seule l’identification de la bactérie dans les foyers d’infection permettait d’appuyer l’analyse de risque.

  • 1. Girault G., Djokic V., Petot-Bottin F. et al. Molecular Investigations of Two First Brucella suis Biovar 2 Infections Cases in French Dogs. Pathogenes. 2023;12(6):792. urlz.fr/mwLr
  • 2. Voir l’article sur le site de l’Anses. urlz.fr/mwLF