Du nouveau dans la prise en charge des fistules périanales - La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023

Dermatologie canine

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Audrey Chevassu

Conférenciers

Hélène Dal (Liège 01), vétérinaire technique Vetoquinol, et Éric Guaguère (T 79), diplômé ECVD, titulaire du DESV de dermatologie vétérinaire

Article rédigé d’après une webconférence organisée par Vetoquinol le 15 septembre 2022.

La dermatologie est le premier motif de consultation en clinique vétérinaire. Le recours majeur à l’antibiothérapie, d’un côté, et l’augmentation des résistances, de l’autre, obligent à chercher de nouvelles solutions. La biomodulation par fluorescence (BMF) est l’une des techniques complémentaires, voire de remplacement, possibles. Même si les fistules périanales sont aujourd’hui moins souvent rencontrées en raison d’une diminution du nombre de bergers allemands en clinique, elles restent une maladie grave, invalidante et chronique pouvant au bout d’un moment échapper aux traitements classiques.

Les fistules périanales sont des lésions suppurées, fistuleuses et ulcérées chroniques ou récidivantes de la zone périanale. Cette maladie atteint particulièrement les bergers allemands de 4 à 7 ans, ceux-ci ayant une densité supérieure des glandes apocrines dans la région périanale et une moins bonne réponse immunitaire innée. La maladie peut être associée à des atteintes d’autres zones, en particulier par des fistules métacarpiennes ou métatarsiennes ou par une cellulite idiopathique sur les cuisses. Les signes cliniques précoces consistent en une douleur dans cette zone dont au relevé de la queue, voire par du ténesme et des petites zones pigmentées, voire légèrement ulcérées du pourtour de l’anus. À terme, l’animal peut présenter une fibrose du sphincter anal, une défécation difficile et parfois une incontinence fécale avec des lésions qui se creusent et se fistulisent.

Diagnostic et traitement

Le diagnostic est essentiellement clinique. Il convient de ne pas oublier de regarder les autres zones pouvant être atteintes (cuisse, tarse, carpe). Un isolement bactérien avec antibiogramme peut être réalisé en cas de surinfection. Les biopsies apportent souvent peu d’informations. Le diagnostic différentiel concerne les autres dermatoses érosives, ulcéreusesou fistuleuses, comme, par exemple, l’intertrigo, la candidose, l’abcès des glandes anales, le syndrome hépato-cutané, la dermatomyosite, les lymphomes cutanés et le carcinome épidermoïde. La détection précoce de la maladie et son traitement dès les premières lésions sont importants pour le pronostic qui reste, dans tous les cas, réservé.

Les fistules périanales répondent aux traitements immunomodulateurs classiques, principalement la ciclosporine A, qui donne d’excellents résultats mais qui demeure un traitement onéreux. La chirurgie est utilisée dans les cas où le traitement médical n’a pas réussi. L’intervention consiste en l’ablation des fistules et du sphincter externe, avec un risque important d’incontinence fécale. Les traitements généraux sont associés à des soins hygiéniques locaux, à une tonte régulière de la zone et à un nettoyage quotidien avec de l’eau tiédie, voire avec de la chlorhexidine. La guérison peut mettre trois à dix semaines. La dose minimale efficace d’immunomodulateurs doit ensuite être recherchée afin de limiter les récidives.  

Un nouvel outil intéressant 

Sur les cas qui stagnent malgré le traitement initial, voire qui ne guérissent pas, la BMF peut constituer une possibilité intéressante. Sa tolérance est excellente, et les effets sont souvent visibles dès la deuxième semaine d’utilisation avec une guérison en un mois environ. L’intérêt pourrait être de limiter les soins locaux douloureux pour l’animal et de réduire la durée d’utilisation des immunomodulateurs ou d’en diminuer le dosage plus rapidement. La gestion des récidives est aussi possible par cette technique, en réalisant de nouveau une à trois séances. Une autre utilisation, en pré-opératoire cette fois, pourrait limiter l’importance des lésions et permettre une chirurgie moins invasive.

Il faudra retenir que plus l’affection sera prise en charge précocement plus l'effet de la BMF aura des chances d’être important et d’avoir lieu avant que des lésions chroniques s’installent. Sur les cas très débutants, le tacrolimus en local peut être tenté, puis la ciclosporine en première intention et enfin l’association avec la BMF qui montre des effets très prometteurs dans la prise en charge des fistules périanales.

La biomodulation par fluorescence

Si le laser utilise une longueur d’onde (principalement dans le rouge), Phovia (Vetoquinol) permet d’utiliser plusieurs longueurs d’onde grâce à l’utilisation des chromophores. Ceux-ci sont présentés sous la forme d’un gel à reconstituer avant la séance. Un chromophore est une molécule capable d’absorber une longueur d’onde définie du spectre lumineux et de transformer les photons bleus en une lumière polychromatique. Les photons émis par la lampe à LED Phovia interagissent avec les chromophores exogènes posés sur la peau et sont transformés. La lumière polychromatique ainsi émise peut traverser les différentes couches de la peau, agir sur des cibles cellulaires, dont les mitochondries, et moduler leur métabolisme pour l’amener à se réparer.

Une séance s’effectue en deux étapes. Le gel est étalé sur la zone corporelle à traiter en une couche de 2 mm d’épaisseur. La lampe est disposée au plus près de la lésion pendant deux minutes. Le gel est retiré avec du sérum physiologique. Le même procédé est répété une deuxième fois. Des séances hebdomadaires, dont le nombre est à adapter à la réponse de l’animal, peuvent être proposées.

Indications 

La biomodulation par fluorescence (BMF) utilise les longueurs d’onde allant du rouge au bleu, chacune ayant leurs effets. Les ondes dans le violet et le bleu jouent sur les couches superficielles de la peau et ont un effet antimicrobien, les ondes dans le vert et le jaune accélèrent la cicatrisation et les ondes dans le rouge ont une action plus profonde, anti-inflammatoire et analgésique.

Grâce à ces nombreux effets, la BMF a de nombreuses indications. Elle permet de réduire l’utilisation d’antibiotique, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, de réduire les soins locaux, d’accélérer et d’améliorer la qualité de la cicatrisation. Elle devra néanmoins être utilisée après identification et traitement de la cause primaire si possible. Son intérêt a été démontré en clinique avec l’aide de vétérinaires spécialistes dans de nombreuses situations dermatologiques, dont la gestion des fistules périanales.