IAHP : vaccination en vue - La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1997 du 07/07/2023

Épizootie

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Avec 400 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène, la France a évité le pire pour la saison 2022-2023 mais au prix d’un abattage massif d’animaux. L’enjeu aujourd’hui est d’être prêt pour lancer une campagne de vaccination dès le début du mois d’octobre prochain.

Quel bilan tirer de l’épizootie 2022-2023 d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) ? Cette dernière saison hivernale, la France n’a malheureusement pas coupé avec une nouvelle crise. La souche virale en cause est le H5N1 du clade 2.3.4.4b. Au 27 juin, 400 foyers en élevages commerciaux ont été dénombrés en France (dont un à La Réunion), et 91 chez les oiseaux captifs (de basse-cour, de zoo, d’ornement ou appelants). C’est plus de trois fois moins que l’an dernier, où 1 378 foyers en élevages avaient été confirmés. Mais ces chiffres résultent d’une stratégie de renforcement des abattages préventifs pour éviter les flambées épizootiques. Ainsi, cette saison, jusqu’à 10 millions d’animaux ont été abattus contre 22 millions la précédente… mais contre environ 3 millions durant l’épizootie de 2020-2021 qui avait totalisé 492 foyers en élevages. Comme lors de la crise de 2021-2022, le Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire et département des Deux-Sèvres) a été le plus touché pour cette saison, avec 65 % des foyers en élevages. Initialement presque totalement épargné, le Sud-Ouest a fait face au mois de mai à une recrudescence de foyers ; de fait, aujourd’hui, cette zone totalise 25 % des foyers en élevages. Les départements les plus touchés ont été la Vendée (120 foyers), suivie du Gers (70), du Maine-et-Loire (44) et des Deux-Sèvres (35). Le dernier foyer en élevage remonte au 2 juin dans le Gers. Le dernier foyer chez les oiseaux captifs remonte au 12 juin dans une basse-cour du Gers.

Côté avifaune sauvage, au 26 juin, 517 cas ont été répertoriés. Encore une fois comme la saison précédente, la dynamique virale se poursuit dans l’avifaune sauvage, partout en Europe, avec une majorité de cas détectés chez les laridés (mouettes rieuses, sternes pierregarins, goélands argentés).

Au moins 80 millions de doses de vaccin

Quelle est la suite ? Pour la France et d’autres pays, l’avenir de la lutte repose sur la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale, en complément des autres mesures de gestion (biosécurité, surveillance, réduction des densités). C’est l’installation d’un nouveau contexte épidémiologique qui a fait évoluer l’approche stratégique : disparition de l’intersaison, répétition depuis plusieurs années d’épizooties hivernales, propagation mondiale du H5N1, détection d’un nombre croissant de franchissements de la barrière d'espèces (diverses espèces de mammifères terrestres et aquatiques sont touchées). Les autorités sanitaires visent un début de campagne de vaccination dès le 1er octobre prochain. À ce stade, le scénario de base serait une vaccination de tous les élevages commerciaux de canards sur l’ensemble du territoire métropolitain pendant la période la plus à risque. Les discussions sont en cours avec les professionnels des filières afin de définir un schéma de financement, sachant qu’il est déjà acté qu’une partie du coût de la vaccination reviendrait aux professionnels du secteur. Il a néanmoins été annoncé que la plus grosse partie serait prise en charge par l’État. Selon l’aboutissement de ces discussions, la vaccination pourrait être élargie à d’autres volailles, à des petits détenteurs ou être étalée sur toute l’année. Dans le scénario de base, le nombre de doses de vaccins a été estimé à 80 millions pour 40 millions de canards, soit deux doses par canard.

Une vaccination obligatoire

Un appel d’offres a été lancé pour la commande de vaccins. Trois laboratoires se sont manifestés, et une décision leur sera notifiée à la mi-juillet. Pendant ce temps, les discussions continuent aussi pour organiser très concrètement la vaccination sur le terrain : modalités de stockage des vaccins, acheminement, utilisation. Sachant que chaque vaccin possède ses propres caractéristiques de conservation, +5 °C, -60 °C ou -196 °C. Disposer de suffisamment de vaccinateurs est aussi un enjeu, d’autant que certains vaccins sont associés à une injection individuelle. Dans ces conditions, les vétérinaires ne seront pas les seuls à les faire. Toute une stratégie de surveillance post-vaccinale est aussi en train d’être mise au point, associée à une traçabilité adéquate, notamment pour ne pas passer à côté d’animaux infectés asymptomatiques. Pour cette surveillance, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a estimé que 23 500 visites sanitaires vétérinaires seraient nécessaire chaque année, avec par semaine 7 500 analyses sérologiques et 9 500 analyses virologiques. Cela demande donc aussi en parallèle d’avoir un nombre accru de laboratoires habilités. Ce point est crucial pour espérer obtenir des accords d’exportation pour les volailles. Les discussions sont toujours en cours avec les partenaires commerciaux à ce sujet.

La vaccination contre l’IAHP sera obligatoire. De fait, communiquer sur son intérêt est un axe de travail, afin de convaincre tous les acteurs du secteur. D’autres leviers sont aussi envisagés : contrôles, pas d’indemnisation en cas de foyers… Selon le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la France sera le premier État du monde à organiser de manière structurelle, obligatoire, à l’échelle d’un pays, une vaccination contre l’IAHP.

Le ministère espèce pouvoir finaliser la stratégie vaccinale avec son plan de financement à la mi-juillet, en même temps que la décision pour l’appel d’offres.

  • Sources : ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (conférence de presse du 28 juin 2023) ; plateforme d’Épidémiosurveillance en santé animale (ESA) ; Organisation mondiale de la santé animale (Omsa).