Nutrition
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Chantal Béraud Conférenciers David van Doorn (chaire de nutrition de la faculté de médecine vétérinaire d’Utrecht [Pays Bas], Anivado Education and Training) ; Mathijs Theelen (chaire de médecine interne équine, faculté de médecine vétérinaire d’Utrecht) et Roseanne Minderhoud (Anivado Education and Training). D’après la conférence « Biodisponibilité des minéraux chez le cheval », présentée lors du congrès Lab To Field, en novembre 2021, à Dijon (Côte-d’Or).
En nutrition, les minéraux peuvent être classés en deux catégories : les macroéléments (souvent exprimés en grammes) et les oligo-éléments (souvent exprimés en milligrammes, voire en unités de mesure encore plus petites). C’est pourquoi, en nutrition équine, dans la pratique, un étiquetage clair et fiable nécessite une indication adaptée des unités utilisées, parfois accompagnée d’une conversion des unités. Pour leur santé et leur performance, les chevaux ont en effet besoin de minéraux et d’oligo-éléments en quantités appropriées. Ceux-ci se retrouvent sous différentes formes dans leurs aliments ou dans leur eau de boisson. Les minéraux peuvent être présents soit sous forme organique (dans les céréales, l’herbe et les fourrages), soit sous forme principalement inorganique (sels et pierres à lécher, fourrage souillé par du sable ou de la terre). Parfois, ces deux formes coexistent (dans certains concentrés et compléments alimentaires ou dans certains suppléments sous forme liquide). L’eau courante est aussi une source, souvent faible, de minéraux. Quant aux sources naturelles, elles peuvent contenir des concentrations minérales plus élevées.
Focus sur le calcium et le phosphore
La plupart des vétérinaires savent qu’un déséquilibre du ratio phospho-calcique peut conduire à une hyperthyroïdie secondaire d’origine nutritionnelle, parfois nommée big head disease. Cela démontre l’importance de respecter les ratios entre les minéraux apportés. De nombreuses interactions entre les minéraux existent, mais seules quelques-unes ont été étudiées chez le cheval. C’est pourquoi, lors de conseils en nutrition équine, une supplémentation ciblée pour une carence supposée doit être faite au regard de la ration complète et des interactions connues entre minéraux et oligo-éléments. Il faut également prêter attention à l’utilisation, au pâturage ou en fourrage, de l’absorption de graminées subtropicales ou de certaines plantes adventices de la famille du sarrasin, qui contiennent des niveaux élevés d’acide oxalique. Les chevaux peuvent en effet alors présenter un déficit en calcium et en phosphore, et une supplémentation peut être recommandée lorsque l’apport total en ces deux minéraux est trop faible. Sans cela, l’ingestion élevée d’acide oxalique peut entraîner des affections ostéoarticulaires, un syndrome de Wobbler ou des signes de big head disease. Des problèmes similaires peuvent même être observés avec la consommation de certaines graminées, comme le Cenchrus ciliaris, alors même que ce végétal ne compte pas parmi les plus concentrés en acide oxalique.
Enfin, on sait qu’une excrétion excessive de phosphore par les chevaux pose des problèmes environnementaux, tels que l’eutrophisation. Une supplémentation des chevaux avec l’enzyme de la phytase ne résout cependant pas ce problème.
Focus sur le fer
En pratique, une supplémentation en fer (Fe) est rarement préconisée puisque la plupart des aliments et des compléments destinés aux chevaux en contiennent. En revanche, il convient de veiller à ce qu’il n’y ait pas une concentration trop importante de Fe dans l’eau naturelle de surface régulièrement bue par les chevaux, car il y a un risque d’intoxication chronique au Fe, pouvant conduire à la mort de l’animal (l’accumulation de Fe dans plusieurs organes entraîne une hémochromatose qui mène ensuite à une insuffisance hépatique). Les signes de contamination par le Fe (telle qu’une décoloration orange brunâtre de l’eau) ne sont en effet pas toujours visibles et détectables à l’œil nu. Il est donc important de faire tester l’eau provenant de sources naturelles et de se renseigner sur la distribution du fer dans sa région, aussi bien dans les sols que dans les sources.
Focus sur le sélénium
Le sélénium (Se) est un nutriment essentiel, mais la plage de tolérance des apports est limitée, et le cheval est sensible à sa toxicité, chronique ou aiguë. Tout comme pour le fer, les praticiens vétérinaires peuvent consulter les cartes géochimiques pour connaître les concentrations en Se des sols et les zones pauvres ou riches en Se. Il a été suggéré que, dans les pays européens les plus proches de l’océan Atlantique, les apports alimentaires en Se sont plus élevés que dans les pays d’Europe centrale. Prudence toutefois, car la situation peut varier à l’intérieur d’un même pays, comme c’est le cas aux Pays Bas et en Belgique, où des différences majeures existent entre certaines régions. Quelles sont les conséquences sur la santé des chevaux ? Dans les zones déficientes en Se, cela prédisposerait les poulains nouveau-nés à développer la maladie du muscle blanc (principalement causée par une carence en Se et, dans une moindre mesure, par une carence en vitamine E). Pour limiter ces risques, une surveillance de la teneur en Se des sols ainsi que l’analyse des fourrages donnés aux poulinières sont recommandées. Par ailleurs, d’une façon générale, l’utilisation de pierres à lécher enrichies en Se n’est pas préconisée pour compenser les carences du régime alimentaire. Mais cette stratégie peut être envisagée dans les exploitations gérées de manière extensive avec un accès limité aux chevaux.
Pratiques à risque
Des chercheurs allemands (Kass et al., 2017 ; Gröber et al., 2017) ont conclu que la propagation transdermique du magnésium n’était toujours pas scientifiquement étayée à ce jour. Quant à une exposition chronique au cobalt (souvent à des fins de dopage), elle peut être nocive au bien-être du cheval. Concernant les biomasses enrichies en minéraux sous forme de nanoparticules, leur utilisation et la sécurité de tels nanoadditifs alimentaires ont été peu étudiées chez les équidés, et des recommandations pratiques pour des applications ne peuvent pas encore être établies (Marycz et al., 2018 ; Michalak et al., 2018 ; Reddy et al., 2020). Les excès en minéraux peuvent donc être source de dopage, mais aussi de pollution, puisque les minéraux excrétés dans les fèces peuvent avoir un impact négatif sur la qualité des eaux.
Les études menées au cours de la dernière décennie encouragent le recours à des cartes géochimiques pour identifier les régions à risque de carence ou d’excès en minéraux. D’autres analyses (du sol, des fourrages et de l’eau) peuvent fournir des informations complémentaires aux vétérinaires et aux autres professionnels de la filière équine, afin d’identifier les potentiels déséquilibres et, par conséquent, prévenir les troubles alimentaires. Car si l’on prend conscience des problèmes seulement grâce aux analyses de sang, cela peut-être trop tard. Et, surtout, il ne faut pas focaliser son analyse sur un seul élément, mais bien raisonner en apport global d’une ration.