Avenir de la profession
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Amandine Violé
En mars dernier, des étudiants avaient créé la surprise et aussi l’engouement avec un projet novateur, Hackavet. Réunis autour d’une réflexion sur l’avenir de la profession, en phase avec les enjeux de société actuels, les participants ont cogité pour proposer des pistes d’évolution positive. Les lauréats viennent d’être dévoilés.
Il y a six mois, une initiative étudiante, Hackavet, faisait le buzz par son côté innovant et l’engouement qu'elle suscitait (voir La Semaine Vétérinaire n° 1983). À l’origine de ce projet, l’idée de créer un espace d’expression pour que la génération étudiante d’aujourd’hui puisse faire évoluer la profession vétérinaire de demain. Cette idée, six amis – quatre étudiants vétérinaires, une étudiante de Science Po Paris et un matelot de la Marine nationale – l’ont concrétisée sous la forme d’un hackathon, dont la première édition s’est tenue du 10 au 12 mars derniers sur le site de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (Val-de-Marne). Accompagnés de mentors de choix, une centaine d’étudiants et d’infirmiers vétérinaires ont articulé leurs réflexions autour de trois thématiques d’intérêt – les relations humaines, la technologie, l’écologie – et proposé, après 48 heures d’émulation intellectuelle, leurs projets pilotes. Un rendez-vous qui fut couronné de succès, et à l’issue duquel six d’entre eux – trois gagnants, présentés ci-dessous, et trois finalistes – ont été mis en lumière, pour leur pertinence, leur engagement et leur inventivité.
Motivet, au service de la santé mentale des vétérinaires et ASV
Gagnant de la catégorie Relations humaines, le projet Motivet a de quoi séduire tant il s’inscrit dans une problématique d’actualité pour tous : celle de la santé mentale au travail. Impossible de ne pas s’attarder sur les chiffres de l’étude menée par la commission sociale de l’Ordre et l’association Vétos-Entraide à ce sujet. Leurs résultats, corroborés par une cohorte de témoignages d’alerte de confrères et consœurs de tous horizons, sont clairs : un profond mal-être ébranle la profession, à l’épreuve de nombreux risques psychosociaux. Eu égard à la mobilisation institutionnelle en cours, Maël Del Tenno, Marthe Dargelos, Mathieu Motteau-Levêque, Estelle Sobol et Erwan Wattez, ont conçu Motivet, outil d'évaluation et d’amélioration du bien-être psychique au sein des structures vétérinaires.
Sous la forme d’une plateforme internet accessible via les espaces personnels de chaque logiciel clinique, Motivet proposerait deux grandes fonctionnalités :
- Le Motivet score, indicateur de bien-être individuel. Celui-ci serait déterminé mensuellement à l'issue d’un questionnaire de 12 questions ciblées sur 4 items : santé mentale, déconnexion, respect des valeurs, confiance en soi et reconnaissance. En cas de dégradation de ce score, la plateforme envisagerait une mise en relation avec des professionnels d’aide et d’écoute spécialisés. Des résultats de chaque employé, découlerait un Motivet score moyen, visible par l’ensemble de l’équipe. Celui-ci aurait une valeur informative dans le cadre d’une optimisation de l’environnement psychosocial existant. Par ailleurs, il pourrait être utilisé en gage de « label » qualité, en vue de futurs recrutements.
- Un programme pour déposer anonymement et sécuritairement des messages de remerciement personnalisés. Cette fonctionnalité serait accessible pour tous, clients, ASV, vétérinaires, via un QR code affiché dans la structure. L’objectif : booster la reconnaissance et la valorisation au sein de l’équipe, et en faire un levier de motivation d’importance.
Medor, l’atout technologique du réseau clinique de demain
Dossiers médicaux incomplets, dissémination et perte de données entre structures, informations parcellaires sur l’historique de l’animal, logiciels cliniques disparates… Si la médecine vétérinaire n’a rien à envier à ce qui se fait en médecine humaine, force est de constater que sur le plan des prestations logistiques, la profession cumule encore quelques lacunes. À défaut de toutes les combler, Manon Touitou, Caroline Ksionkowski, Tiphaine Peras, Alix Ramet et Quitterie de Bissy, ont imaginé Medor, acronyme pour Mon Espace Digitalisé ORganisé, plateforme digitale de centralisation des données médicales pour animaux de compagnie.
Medor serait une plateforme institutionnelle, partenaire du logiciel I-CAD, qui permettrait, grâce au numéro de puce, d’accéder à l’historique médical de tout animal identifié. Medor serait disponible sur chacun des logiciels cliniques existants et fonctionnerait comme une base de données consultable d’une structure à une autre, en toute transparence et confraternité. Avec pour objectif, une prise en charge du patient simplifiée, centralisée et donc optimisée. Ses créateurs prévoient également l’ajout de fonctionnalités – transmission d’informations recueillies par des outils connectés tels que gamelles, capteurs de suivi de glycémie, ou de données souhaitant être partagées par le propriétaire – visant ainsi à améliorer le suivi quotidien des patients.
Hyvete, pour une pratique plus écoresponsable
Nul besoin d’expliquer la nécessité d’un projet mettant l’écologie au cœur de ses préoccupations dans le contexte actuel d’urgence climatique. Indéniablement, la pratique vétérinaire a un impact environnemental que l'on considère la quantité de déchets que nous émettons quotidiennement, notre utilisation conséquente de dispositifs à usage unique ou encore de produits ménagers et médicaments potentiellement écotoxiques. Dans l’attente d’une implication forte des institutions professionnelles en ce sens, la mobilisation prend racine chez la jeune génération. Anastasia Jadaud, Emma Poizat, Laureline Guyon et Philomène Brunellière ont ainsi créé Hyvete, acronyme pour Hygiène Vétérinaire Économie pour la Transition Écologique, en vue de réduire l’empreinte écologique des cliniques vétérinaires.
Hyvete envisage ainsi la création, puis la distribution de produits innovants, réutilisables, à la composition écoresponsable, dans le but de limiter la quantité de déchets et l’utilisation de composants plastiques. Par exemple, des alèses lavables et antidérapantes dont la technologie découlerait de celle utilisée pour les lingeries menstruelles. En trois mots, réutilisables, absorbantes et confortables. On peut également citer des produits d’entretien solides adaptés à l’hygiène réglementaire des surfaces de la clinique et au lavage des alèses, couvertures, gamelles des patients, une gamme de shampooings solides, des chiffons en microfibres, pour une réduction de l’utilisation du papier à usage unique.
Concrétisation des projets
Si tous ces projets paraissent prometteurs, c’est qu’ils portent haut les convictions de ceux qui les ont pensés. Grâce à la détermination des organisateurs d’Hackavet et de l’ensemble des sponsors investis dans cette première édition, chaque projet gagnant s’est vu attribuer un chèque de 5 000 euros, en guise d’enveloppe de démarrage. Pour leur concrétisation, chaque équipe recherche maintenant des supports financiers, techniques, relationnels tout aussi investis qu’eux ! Et comme l’avenir de la profession est d’une certaine manière l’affaire de tous… si, d’une quelconque manière, vous souhaitez donner un coup de pouce à l’une d’entre elles, les contacts sont à retrouver sur le site hackavet.com. Vous y trouverez également l’ensemble des autres projets finalistes, dont le projet Reinc’arbration, seul projet finaliste dévoilé dans la catégorie Écologie. Et si, une nouvelle approche pleinement écoresponsable de la fin de vie animale pouvait être envisagée ? Marie Martel, Romain Bougro, Paul Goy et Jeanne Micheau vous expliquent leur idée révolutionnaire d’humusation des corps, sur hackavet.com.