La force du destin

Quel plus bel hommage peut-on rendre à son père que de retisser sa vie en une émouvante fresque romancée ? Notre consœur (et collaboratrice) Lorenza Richard (L 96) réactive ses racines italiennes dans un éblouissant récit d’apprentissage qui nous immerge, au siècle dernier, dans le quotidien d’un petit village du Salento, au sud des Pouilles. Vivant dans un extrême dénuement, la famille Matino tente, à force d’humbles labeurs journaliers et de rigorisme, de laver le déshonneur que fait porter sur leur nom la faute originelle (un féminicide) de leur aïeul. Second enfant d’une grande fratrie, le solaire Rocco décevra les attentes de son père en participant à un vol qu’il paiera cher (quatre ans d’un véritable esclavage chez un patron inhumain). Alors que le don spontané du jeune garçon pour la musique – le chant et la guitare qu’il apprend en autodidacte – continuera de creuser le fossé d’incompréhension avec son père, le livre suit son torturant mais exemplaire chemin vers l’affirmation de lui-même. Comme beaucoup de jeunes méridionaux à cette époque, il le mènera au nord (la Ligurie, le Piémont, puis la France) où, dans l’effervescence des Trente Glorieuses, son art unique l’ouvrira à un destin insoupçonné. À la fois conte et récit historique – l’atmosphère des années fascistes et la lente mutation après-guerre de l’ancestrale société rurale vers le monde d’aujourd’hui sont admirablement rendues – Enfants du Salento frappe par la belle vitalité de ses personnages et la précision de l’écriture, sobre et captivante. Une épatante réussite.

• Enfants du Salento, de Lorenza Siciliano (Richard), en autoédition, 14 x 21,5 cm, 372 pages, 16 €, disponible sur Amazon.