La gestion médico-chirurgicale des urolithiases des petits ruminants (partie 1) - La Semaine Vétérinaire n° 2001 du 01/09/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2001 du 01/09/2023

Urologie

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après la conférence « Gestion médico-chirurgicale de première ligne des urolithiases des petits ruminants», donnée par Suzanne Clergue (Liège 2017) lors des Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2023, à Poitiers (Vienne).

Les urolithiases des petits ruminants (PR) sont d’origine multifactorielle (urètre pénien de faible diamètre, qualité et quantité d’eau et type d’alimentation, obésité, certaines races naines, castration à moins de 6 mois) et leur correction médicale et/ou chirurgicale est rarement efficace à long terme. Toutefois, lorsqu’elles deviennent obstructives, il s’agit d’une urgence vitale car les déséquilibres électrolytiques, les dommages rénaux ou, éventuellement, l’uroabdomen qui en découle peuvent conduire à la mort de l’animal.

Les caractéristiques propres aux PR

Chez les PR, les calculs se logent principalement au niveau de l’appendice vermiforme (terminaison de l’urètre permettant le dépôt de la semence à l’intérieur du vagin), de la courbure sigmoïde, du trigone vésical, du diverticule urétral et, très rarement, des bassinets rénaux. Les deux types de lithiases les plus fréquentes sont les carbonates de calcium (calciques, radio-opaques, retrait chirurgical nécessaire car ils sont indissolubles) et les struvites (non calciques, radiotransparents, dissous dans l’acide, retrait chirurgical non indispensable). Les facteurs favorisant l’apparition d’urolithiases chez les PR sont principalement la diminution de l’accès à l’eau ou les changements de température de l’eau. A l’examen clinique, l’animal a généralement des coliques, des vocalisations, des tremblements, un abdomen tendu, une cyphose, une « constipation » et du ténesme. De plus, en ce qui concerne les mictions, l’animal peut présenter une pollakiurie, une strangurie, une dysurie et, parfois, une pigmenturie. Par ailleurs, le diagnostic différentiel doit permettre d’écarter les hypothèses de cystite, de nécrose préputiale (corynebacterium renale), de glomérulopathie et de pyélonéphrite.

Des examens complémentaires importants

Comme l’a indiqué Suzanne Clergue (Liège 2017) dans sa conférence « Gestion médico-chirurgicale de première ligne des urolithiases des petits ruminants », livrée lors des Journées nationales des groupements techniques vétérinaires 2023, à Poitiers (Vienne), il convient de distinguer les cas aigus (moins de 24 heures), qui se manifestent chez les PR par des vocalisations, une tachycardie-tachypnée et des spasmes urétraux (palpation rectale digitée, région inguinale), des cas chroniques (plus de 24 heures), pour lesquels l’animal est abattu, où sont retrouvés une hypomotilité du rumen, une bradycardie, des arythmies et, lors de brèche urétrale, un œdème préputial. Face à une suspicion d’urolithiases, une échographie (sonde convexe ou microconvexe de 5 à 8 MHz) doit être réalisée en urgence. Elle se fait à la fois en région crâniale de la fosse paralombaire droite (rein) et en zone inguinale (vessie). Cet examen, dans plus de 80 % des cas, confirme le diagnostic d’urolithiases et sert à évaluer la présence d’un éventuel uroabdomen (liquide anéchogène, urgence chirurgicale). Concernant la radiographie, elle est utile pour planifier une chirurgie car elle permet de visualiser les oxalates et les carbonates de calcium, de les localiser et de les compter. En cas d’atteinte aiguë, on peut constater une hausse de la créatinémie (> 1 mg/dL) ainsi que de la L-lactémie et, parfois, de la kaliémie (> 5 mEq/L). Lors d’atteinte subaiguë, les PR présentent également une baisse des taux sanguins de chlore, de sodium et de calcium, et la kaliémie est variable. De plus, le marqueur de référence pour déterminer le pronostic de survie (indicateur d’insuffisance rénale) des PR est la créatinémie1. Si la créatinine à l’admission est supérieure à 5,9 mg/dL, il y a 3,5 fois plus de chance de décès de l’animal. Lors d’hémoconcentration ou d’anémie, il y a 4 fois plus de chance de non-survie.

Une prise en charge en plusieurs étapes

En cas d’urgence, le vétérinaire devra procéder en plusieurs étapes : sédater l’animal, amputer le processus vermiforme, vidanger la vessie et mettre en place une fluidothérapie, une analgésie et une antibiothérapie. En effet, la cystite est quasi systématique, ce qui nécessite le recours aux antibiotiques (pénicilline A /G ou triméthoprime sulfamide). Pour la sédation, Suzanne Clergue recommande de proscrire les agonistes α-2 (xylazine), car ils augmentent fortement la diurèse et les PR y sont très sensibles (risque accru d’arrêt cardio-respiratoire). L’usage de l’acépromazine doit également être évité (absence de LMR (limites maximales de résidus)). Pour la myorelaxation et l’analgésie, elle préconise l’utilisation de brotizolam (Mederentil NDV) et de butorphanol (Torbugesic NDV), dont les temps d’attente forfaitaires pour la viande sont de 28 jours. Des solutions existent cependant, comme la rachianesthésie, une épidurale haute (procaïne, lidocaïne) ou une anesthésie générale (kétamine ou isoflurane). Lors de l’amputation du processus vermiforme, il faut attraper la muqueuse du prépuce et extérioriser le pénis. L’exérèse se fait en positionnant la lame de façon oblique à la jonction avec le pénis. Cette amputation permet de lever l’obstruction sur le moment dans 37 à 66 % des cas. La vidange de la vessie, impossible par cathétérisation rétrograde, peut être réalisée par cystocentèse échoguidée pour une vidange unique, ou par la pose d’un cathéter percutané Bonnano (ou transabdominal prépubique), qui permet une vidange continue sur 1 à 2 jours avec une fluidothérapie en parallèle (mais l’approvisionnement est difficile et le coût élevé). Comme l’a précisé Suzanne Clergue, lors d’hyperkaliémie (> 5 mEq/L), il est important d’apporter à l’animal des fluides riches en dextrose pour prévenir l’apparition de troubles cardiaques avant toute anesthésie. Pour dissoudre des struvites vésicales, il est possible d’administrer de l’acide acétique tamponné lors du lavage vésical, d’acidifier les urines par fluidothérapie IV (NaCl 0,9 %) ou de complémenter par voie orale en chlorure d’ammonium (au maximum 3 jours par semaine ou une semaine sur deux).

  • 1. Riedi A.-K., Knubben-Schweizer G., Meylan M. Clinical findings and diagnostic procedures in 270 small ruminants with obstructive urolithiasis. J Vet Intern Med. 2018;32(3):1274-1282. bitly.ws/LB3d​​​​​