Livre
COMMUNAUTE VETO
Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON
Paradoxalement, être une femme a posé plus de problèmes professionnels qu’être juive à Jacqueline Peker. Si la guerre lui a coûté cher en traumatismes et en pertes affectives, son rêve d’être enseignante à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (Val-de-Marne) se brise en 1963 sur le verdict du Pr Guillon : « Il n’y a jamais eu de femmes parmi nous. » Quarante ans après, il présentera ses excuses, alors qu’elle vient d’être élue présidente de la Société française d’homéopathie, la première femme et première vétérinaire à occuper cette fonction. Et elle en est encore aujourd’hui la présidente d’honneur.
Dans un récit qui se lit comme un roman, et même comme un page-turner, Jacqueline Peker (un nom d’emprunt, joliment inventé par son grand-père ukrainien, qui jamais ne révéla le vrai) se raconte à Gaëlle Bertruc, depuis « la petite Jacqueline, si belle et innocente du haut de ses 5 ans » sur cette photo symbolique choisie pour la couverture, jusqu’à la femme toujours inspirante qui vient de souffler ses 87 bougies. Sa fougue est intacte, sa passion pour la musique sacrée, la spiritualité, la médecine vétérinaire et l’homéopathie est toujours intense, avec un sens de l’amitié incommensurable. Si vous voulez savoir comment le Messie de Haendel a été joué le 9 mars 1953 au Vel d’Hiv’ pour la cérémonie d’hommage à Staline, comment on peut être homéopathe et fumer comme un pompier, pourquoi Jacques Brel a chanté à la garden-party d’Alfort, qui a fourni à un curé inconnu des camions Renault pour collecter des vêtements pour les sans-abri à Paris, comment ont été mises au point les poches de recueil d’urine en médecine humaine et les épijets (cathéters épicraniens) que vous manipulez chaque jour et découvrir que la France a été à deux doigts d’avoir les premiers préservatifs de couleur différente, hâtez-vous d’acheter La Toile cirée ! Sa lecture vous offrira aussi le bonheur d’entrer dans la famille des Babouchka, avec Rose, la mère élégante, si courageuse que Georges Wolinski, le jour de son enterrement, dira « qu’elle avait des couilles », et surtout Rifka, la grand-mère adorée de Jacqueline, auprès de qui elle s’est construite puis reconstruite après l’indicible de son enfance brisée par la guerre. Un livre qui réconcilie avec le temps et la vie, où souffle un vent de liberté et de vitalité contagieux. Merci à Gaëlle Bertruc d’avoir si bien su raconter Jacqueline Peker !