Profession
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD
Dans le cadre d'une mission de médecine vétérinaire solidaire baptisée Vet4Ukraine, un praticien du Loiret réalise des actions d’identification, de stérilisation et de vaccination pour des animaux en détresse en Ukraine. Retour sur sa première mission, qui expérimente aussi une clinique vétérinaire mobile.
« Quand la guerre a été déclarée en Ukraine, j’ai été vraiment révolté ! J’ai même songé à prendre les armes pour aller les aider. Puis j’ai réfléchi que cela n’avait pas de sens. » Tel était en février 2022 l’état d’esprit de Jean-Claude Laurent (N84), praticien canin dans le Loiret. Fin août 2023, il a su transformer sa colère en une force d’action positive en réalisant le projet de médecine vétérinaire solidaire baptisé Vet4Ukraine. Ainsi, l’été dernier, durant trois semaines, il a identifié, stérilisé et vacciné une centaine d’animaux en Ukraine. Et d’en conclure : « Enfin, je me sens utile. Car, sur place, avec l’aide d’un autre bénévole humanitaire, Benjamin Lisan, j’ai pu aller jusqu’au bout de mes projets. » Grâce aussi au soutien préalable de toute une chaîne d’action solidaire, tissée entre la France et l’Ukraine…
« Merci aux praticiens d’Orléans ! »
Patiemment, Jean-Claude Laurent est en effet parvenu à concrétiser son envie d’agir. « J’ai d’abord vu à la télévision toutes ces images d’animaux errants, témoigne-t-il. Puis j’ai compris que le problème de la rage constituait là-bas un défi de santé publique à relever. Il s’agissait d’aller secourir les animaux mais aussi les humains. » Il commence par aider une cliente de sa clinique, Christelle, qui conduit elle-même deux convois de dons en Ukraine. Puis il tente de mobiliser la profession, en démarchant d’abord de grands groupes ainsi que plusieurs laboratoires. « Mais cela a été un échec complet, constate-t-il. En fait, au départ, c’est une douzaine de confrères praticiens de l’agglomération d’Orléans qui me sont venus en aide : la plupart ont participé à hauteur de 140 euros chacun. Deux consœurs ont encore été plus généreuses en donnant 500 euros chacune, l’une en espèces, l’autre sous forme de dons de médicaments, de champs opératoires et même de tondeuses neuves. » Une somme qu’il complète par une cagnotte en ligne, à laquelle participe une quarantaine de clients de la clinique. « Ce sont souvent des propriétaires avec peu de moyens qui ont donné… », constate-t-il sobrement.
Une mobilisation des Corréziens
Enfin Arlette (une autre cliente) lui parle de l’association corrézienne Résilience Internationale* (lire encadrés) qui depuis le début du conflit vient au secours des populations et d’animaux en Ukraine. L’association décide alors d’épauler Jean-Claude Laurent, en s'occupant des aspects logistiques et administratifs de sa mission sanitaire : prise en charge des frais de carburant, de péage et de réparations pour l’ambulance de la clinique vétérinaire mobile, achat des puces électroniques et des vaccins rage auprès d’Igor Zhurin (vétérinaire à Odessa), achat de croquettes, rédaction des documents de voyage et des inventaires, etc.
« Y sont restés les plus vieux et les plus pauvres… »
C’est encore Résilience Internationale qui conseille à Jean-Claude Laurent d’aller, dans un premier temps, à Tatarbunary, une ville facile d’accès hors zone de combat, située à seulement 150 kilomètres de la frontière roumaine. « L’objectif initial, explique-t-il, était d’aider les gens qui vivent dans la région rurale de Kharkiv, une zone d’environ 3 000 kilomètres carrés libérée en septembre 2022 par les troupes ukrainiennes. Ce sont des lieux désertés par une grande partie de la population, où ne sont majoritairement demeurés que les plus âgés et les plus pauvres. » Souvent sans véhicule, ces personnes ne peuvent pas emmener leurs animaux jusqu’à Kharkiv, où une clinique vétérinaire pourrait les prendre en charge.
En lien avec un vétérinaire d’Odessa
« J’ai opéré sous la responsabilité d'Ighor Zhurin, précise Jean-Claude Laurent, car il faut bien se conformer aux règlements d’un pays pour y travailler. » Ce confrère d'Odessa, avait par ailleurs loué un local de 30 mètres carrés, pour y recevoir animaux et propriétaires, ainsi que pour servir de salle de réveil aux animaux opérés. « Pour faciliter le travail, commente Jean-Claude Laurent, l’essentiel des opérations y a été effectué, en y transférant l’équipement de l’ambulance. Mais j’ai également opéré dans le véhicule même, et nous n’avons in fine pas constaté de différences de résultats entre ces deux modes opératoires. »
De nouvelles missions en vue…
Revenu de sa première mission fin août… le docteur prépare déjà son expédition suivante : « J’y retourne du 10 au 22 octobre, avec une consœur, Cécilia Rosen (praticienne à Lisieux, dans le Calvados). » Il est également en contact avec une dizaine d’autres vétérinaires qui se disent eux aussi disponibles pour de telles missions. Car, à terme, l’objectif de Jean-Claude Laurent serait d’effectuer quelque mille stérilisations par an en Ukraine, réparties en plusieurs missions.
Des propriétaires émus…
Quel est pour l’heure l’un de ses meilleurs souvenirs de ce périple ? « Tous ces Ukrainiens, gentils et courageux, qui m’ont même parfois dit : « “C’est Dieu qui vous envoie” ! Comme ils ont souvent d’eux-mêmes donné 5 euros pour les soins, c’est sans doute la formule que nous adopterons à l’avenir. » Quant aux petites sommes ainsi perçues courant août, elles ont déjà en partie servi à l’achat de croquettes pour aider sur place Natalya Kissa, sa logeuse ukrainienne, également responsable d’un refuge pour les animaux abandonnés de son pays meurtri…
Comment soutenir Vet4Ukraine ?
Médicaments ou matériel sont à adresser à Jean-Claude Laurent (en mentionnant dons pour l’Ukraine) à : Clinique vétérinaire de l’Artois. 426, rue d’Artois. 45160 Olivet ou sur la cagnotte en ligne : http://www.leetchi.com/fr/c/dispensaire-animal-pour-kherson. Mail : Vet4Ukraine@gmail.com
Aider - sans les opposer – humains et animaux
L’association Résilience Internationale a pour vocation d’aider en parallèle tant les humain que les animaux. Elle a par exemple ramené en France 61 animaux ukrainiens abandonnés (après confirmation du décès de leurs maîtres, opération de vaccination, quarantaine, passeports…). « Il ne reste plus que deux chiennes à adopter, informe la présidente, Karine Rigal. Mais les chats, qui devaient rejoindre un refuge, n’ont pas pu y être transférés, car celui-ci a été atteint par le typhus ! Du coup, comme nous sommes en cours de rénovation d’une maison, elle est en partie mise à disposition pour les chats, qui ont également un accès direct à un grand espace extérieur, via des tubes (voir photos). Nous leur construirons plus tard une chatterie en dur sur le terrain mitoyen. » Donc, 21 chats sont encore potentiellement adoptables, si, précise Karine, « nous leur trouvons des maîtres de rêve » !
Des projets en lien avec les vétérinaires
Résilience Internationale est en train de transformer un véhicule en « Vetmobile » : « Il va falloir réfléchir à quel usage vétérinaire la réserver : peut-être uniquement pour les urgences ? s’interroge Karine Rigal. L’expérience du Dr Jean-Claude Laurent constitue pour nous un premier test positif, dans une zone hors combat. Allier les compétences scientifiques de vétérinaires et nos connaissances de terrain, (notamment pour sécuriser les voyages) permet je trouve de créer une belle dynamique. Nous allons essayer de continuer à travailler ensemble, au moins sur une partie des autres missions. » Enfin, en Corrèze, Karine Rigal souhaiterait aussi mettre en place des actions pour participer à des stérilisations de chats errants…
* Pour en savoir plus : http://www.facebook.com/resilienceinternationale ou écrire à resilienceinternationale@gmail.com