Des rencontres internationales pour sortir de l'hyperflexion - La Semaine Vétérinaire n° 2004 du 29/09/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2004 du 29/09/2023

Protection

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Jean-Paul Delhom et Marine Neveux

Les Rencontres du Collectif pour les chevaux se sont tenues les 9 et 10 septembre 2023 à Paris autour du thème : « Comment sortir de l'hyperflexion ? » Elles visent à aimanter un mouvement pour trouver des moyens d'assurer le bien-être des chevaux en sport. Sujet d’autant plus d’actualité à l'approche des Jeux olympiques de Paris.

Le Collectif pour les chevaux1 a organisé une réunion internationale à Paris en septembre 2023 afin que ces animaux soient mieux protégés contre les pratiques abusives. Un des messages clef ? Tous les acteurs de la filière doivent prendre leurs responsabilités et les protéger.

La voix de la profession 

Notre confrère Jean-Yves Gauchot (T 90), président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France constate trois sujets de remise en cause : « la domestication animale », « l’élevage » et « tous les enjeux climatiques et écologiques ». Face à ces questionnements, qu'il considère ici liés au « bien-être animal », il souligne l'importance « des enjeux éthiques professionnels ». « Collectivement, on doit trouver des solutions, sans remettre en cause la domestication du cheval et l’usage », ajoute-t-ilAu printemps 2022, le groupe d’étude sur la condition animale de l’Assemblée nationale, présidé par notre confrère Loïc Dombreval (A 91), alors député des Alpes-Maritimes, avait émis dans un rapport des préconisations visant à garantir le bien-être des équidés. À deux ans des Jeux olympiques 2024 de Paris, l’objectif était de prévenir les dérives qui le menacent. Le document proposait ainsi 46 recommandations, certaines générales, d’autres spécifiques aux disciplines2. « La transparence est consubstantielle à notre société aujourd’hui. Vous êtes des lanceurs d’alerte, ce n’est pas facile. En ce que je représente, ma profession doit accompagner avec beaucoup d’éthique pour ses propres pratiques et celle de ses filières. Sur ces sujets-là, nous devons avoir un regard professionnel », surenchérit Jean-Yves Gauchot.

Une posture à remettre en question

L’hyperflexion (rollkur) est une méthode qui consiste à maintenir l’encolure des chevaux courbée au maximum et leur nez proche du poitrail. Elle est obtenue par une monte considérée comme « agressive » et fait l'objet d'un conflit entre différentes instances équestres. Elle est officiellement bannie par la Fédération équestre internationale (FEI) depuis février 2010. Seule la position Low, Deep and Round (LDR) obtenue sans usage de force reste autorisée pendant un temps limité, cependant la distinction entre rollkur et LDR n'est pas évidente.

Selon Eva Van Avermaet, fondatrice du Collectif pour les chevaux, l’attitude d’hyperflexion n’est pas réservée à la posture chin to chest. Elle débute dès que le nez est porté en arrière de la verticale par le cavalier à pied, en selle ou en conduite. Elle n’est pas systématiquement problématique, mais il faut éviter de la maintenir si le cou est haut ou bas. La plupart des hyperflexions sont au mieux inutiles, au pire abusives. La position LDR est la plus répandue, car beaucoup de gens pensent qu’elle est inoffensive et indispensable en entraînement. En fait, cette posture ne devrait pas durer, puisqu'elle altère la vision frontale et la respiration. On l'utilise parce qu'elle permet un entraînement plus rapide, une soumission totale du cheval et des mouvements spectaculaires applaudis par la foule.

Alice Ruet, ingénieure agronome à l'Institut Français du cheval et de l'équitation (IFCE), a présenté des études sur la position de la tête et le taux de cortisol. Elles révèlent des différences significatives sur la tension du rein et le taux de cortisol salivaire plus élevé chez les chevaux en hyperflexion.

Des imprécisions

Jeanne Mercier, avocate spécialisée en droit équin, rappelle que dans l’article 142 du premier texte de la réglementation de la FEI, il y a toujours un manque de précision en qualifiant l’hyperflexion comme un inconfort non nécessaire. Dans son deuxième texte, ce même article stipule que « nul ne peut abuser d’un cheval pendant une épreuve ou à tout autre moment. Le terme “abus” désigne une action ou une omission qui cause ou est susceptible de causer une douleur ou un inconfort inutile à un cheval ». Les termes sont trop flous et occasionnent peu de sanctions même avec des vidéos explicites montrant une langue bleue sortie et une salivation intense. Comment faire alors ? « Les commissaires, juges devraient saisir le tribunal de la FEI, ce qui est rarement fait. Mais désormais n’importe qui peut le saisir avec la vidéo de l’épreuve. Aucun délai n’est prévu, les fautes sont imprescriptibles », précise l'avocate.

Une responsabilité

La FEI estime que toutes les personnes s’occupant de chevaux doivent être conscientes de la responsabilité qu'elles ont à l'égard de leur bien-être. En juin 2022, elle a créé une nouvelle entité indépendante de « licence sociale » pour répondre aux préoccupations sociétales liées à l'utilisation des chevaux dans le sport : la commission d'éthique et de bien-être équin. Pour Jean-Philippe Camboulives, directeur FEI Solidarity, le rôle de la fédération est d’informer, d’éduquer, de contrôler et de sanctionner si nécessaire.

Changer les pratiques

Shelby Dennis, fondatrice de Milestone Equestrian, l'affirme : « Nous devons être l’avocat de nos chevaux. » Ces derniers essayent de communiquer leur peur, leur souffrance ou leur anxiété, mais cela est souvent considéré comme un mauvais comportement. « À tout moment le bien-être des chevaux doit être le fil directeur. » Mais comment mettre en œuvre des changements significatifs ? Pour les cavaliers, découvrir qu’on leur a appris des conduites « nuisibles » est perturbant. Il convient donc de se pencher sur les raisons de cette mauvaise information. Une bonne équitation consiste à s’améliorer constamment en assumant ses erreurs passées. « Dénoncer de mauvaises pratiques demande de l’expérience, le plus important est de bien traiter soi-même les chevaux. » Transformer sa manière de faire induit le changement de comportement des autres cavaliers. Mais rien ne pourra évoluer sans la pression du public. « Votre voix a plus de pouvoir que vous le pensez », rappelle l'entraîneuse.

Pour Jane Williams, vétérinaire et professeure à l’Hartpury University (Royaume-Uni), évaluer le bien-être des chevaux permet aux commissaires de prendre des décisions fondées. Il faudra tenir compte des équipements, de la technique d’équitation, des blessures et du stress de l'animal, de la conduite en compétition, du surmenage et de l’aptitude à la compétition. « Tous les acteurs du monde hippique doivent avoir une approche centrée sur le cheval. La perception d’une situation est la résultante de nos expériences, nos connaissances, nos valeurs, la pression du moment. Elle impacte nos décisions. Chaque action doit pouvoir être justifiée. Il est nécessaire d’améliorer l’objectivité des commissaires pour leur permettre de rendre des jugements résistant à un examen minutieux. » La solution passe par l’éducation dans l’évaluation du bien-être animal et l’amélioration des cadres réglementaires.

La technologie en appui

Patrick Galloux, écuyer du Cadre noir de Saumur (Maine-et-Loire), explique que la santé et le bien-être sont un préalable à la performance : « Pour aider les différents acteurs du monde hippique (cavaliers juges, entraîneurs, commissaires), il s’est développé de nombreuses technologies de contrôle en dressage et en entraînement. » Celles-ci peuvent améliorer les techniques de monte sans stress tout étant en action sur le cheval.

  •  1. « L’hyperflexion : alerte ! », La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10 décembre 2021, p. 8. bitly.ws/Vmbo
  •  2. « 46 recommandations pour le bien-être équin aux Jeux olympiques », La Semaine Vétérinaire n° 1971 du 6 janvier 2023, p. 3. bitly.ws/Vmcq