Communication
ENTREPRISE
Auteur(s) : Andrea Sanchez
Comme nous l’avons expliqué dans la première partie de cet article*, les biais cognitifs représentent un mécanisme pour éviter à notre cerveau de se noyer dans un trop-plein d’informations ou pour lui permettre de prendre des décisions rapidement. Comment y faire face.
Plusieurs facteurs peuvent augmenter notre prédisposition à agir (ou plutôt à réagir) en mode « pilote automatique » en ayant recours à des biais cognitifs : fatigue, stress, privation de sommeil ou de nourriture, distractions ou interruptions, travail en multitâche, préoccupations d’ordre personnel ou encore conflits avec les clients ou les collègues.
En domaine médical, les biais cognitifs peuvent mener à des raisonnements cliniques et à des diagnostics biaisés justement, c’est-à-dire s’appuyant sur des informations incomplètes, imprécises ou, dans le pire des cas, carrément erronées.
Être conscients des dérives cognitives est le premier pas pour les éviter, ou du moins pour les minimiser. Connaître les biais cognitifs permettra au praticien de se rendre compte lorsque l’un d’eux intervient dans son processus de raisonnement clinique. Mettre en place des procédures pour une collecte rigoureuse des données, demander de l’aide lorsque la situation l’exige ou impliquer un collègue pour avoir un deuxième avis sont également de bonnes stratégies à adopter.
D’autres bonnes pratiques peuvent contribuer à résoudre les problèmes que nous venons de mentionner, depuis une bonne hygiène mentale et physique jusqu’à des outils et des méthodes pour mieux organiser son emploi du temps et sa routine de travail.
Et la communication dans tout cela ?
Les compétences de communication interpersonnelle jouent, elles aussi, un rôle très important à cet égard, au point de devenir de vrais antidotes contre les biais cognitifs. Ceux-ci peuvent se manifester pendant toutes les étapes de la consultation, depuis l’accueil de l’animal et de son propriétaire jusqu’à la planification des soins et la conclusion du rendez-vous. Tout ce temps représente également un temps de communication entre le vétérinaire et le client.
Écoute active
Le propriétaire de l’animal est une source précieuse d’informations pour le vétérinaire ; or, il faut savoir que les problématiques présentées par le client ne suivent pas nécessairement un ordre logique par rapport à leur importance clinique. Si le vétérinaire interrompt l’explication du client après quelques secondes, le risque d’un ancrage ou encore d’une conclusion prématurée augmente.
Les vétérinaires auraient tendance à commencer le processus de résolution de problèmes très tôt dans la consultation. L’écoute active, c’est-à-dire l’attention soutenue au discours du client, associée à l’absence d’interruptions, devient ainsi une alliée pour faire démarrer la visite clinique sur de bonnes bases.
Questions ouvertes
La formulation de questions ouvertes au début de la consultation constitue également une bonne stratégie pour éviter ou minimiser l’effet des biais cognitifs.
À la différence des questions fermées (qui appellent une réponse brève, du genre « oui » ou « non »), les questions ouvertes laissent à l’interlocuteur la liberté de s’exprimer et facilitent le développement d’une conversation. Elles favorisent donc une exploration plus poussée de l’état du patient et l’obtention d’un certain nombre d’informations supplémentaires, ce qui peut contribuer à éviter des diagnostics précipités.
Quelque chose d’autre à signaler ?
Le guide Calgary-Cambridge, référentiel proposant de bonnes pratiques pour communiquer efficacement pendant la consultation, encourage le vétérinaire à poser la question : « Vous avez quelque chose d’autre à signaler ? » jusqu’à ce que la réponse du client soit : « Non Docteur, c’est tout » avant de commencer la visite clinique. Ceci permet de minimiser des oublis ou des non-dits et contribuer à une évaluation factuelle et complète de l’état du patient.
Techniques de reformulation et de vérification
La reformulation est une technique linguistique qui consiste à reproposer un énoncé en utilisant des mots différents tout en conservant l’essence ou l’intention du contenu original. Elle peut être utilisée pour clarifier, compléter, résumer ou améliorer le message de départ.
Pendant la phase d’anamnèse, le vétérinaire peut y avoir recours pour s’assurer d’avoir bien compris toutes les informations fournies par le client, ou pour lui donner l’occasion de s’exprimer de façon plus précise, afin d’éviter tout malentendu. Des formules telles que « Qu’est-ce que vous entendez par… », « Si j’ai bien compris, vous voulez dire que… » permettent de vérifier les bonnes informations à retenir pour établir un diagnostic correct.
Attention à l’absence de feedback
Un biais cognitif qui peut se manifester, notamment dans la phase d’explication et de planification après l’examen clinique, est celui du manque de feedback. Il consiste à interpréter l’absence de retour de la part du client (commentaires, questions) comme une acceptation implicite du diagnostic ou du traitement proposé. L’antidote contre le manque de feedback consiste à… demander un feedback ! Observer la communication non verbale du client (semble-t-il perplexe ? préoccupé ?) et l’impliquer activement dans la prise de décisions s’avèrent des moyens très utiles, non seulement pour créer une relation de confiance avec lui, mais également pour améliorer l’observance et les résultats du traitement.
La communication en équipe
L’intérêt d’une communication efficace pour assurer une meilleure qualité des soins ne regarde pas que le binôme vétérinaire-client ; il concerne également l’équipe vétérinaire.
Faciliter les discussions multidisciplinaires, la formation continue et le partage d’informations en toute transparence, avec des objectifs d’amélioration et sans intention punitive, fait partie des aspects systémiques que l’organisation peut mettre en place pour réduire les effets indésirables des biais cognitifs.
À lire aussi : le livre d'Andrea Sanchez paru aux Éditions du Point Vétérinaire, Communiquons !, 2022, 176 pages.
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