Conduite d’élevage porcin
FORMATION MIXTE
Les truies passent leur gestation en liberté et en groupe, dans des salles et bâtiments dédiés. Cependant, en maternité, la majorité reste maintenue dans des systèmes de cases individuelles qui entravent leur mouvement, pendant la semaine précédant la mise bas, puis pendant la lactation qui dure entre 21 et 28 jours. La truie a la possibilité de se lever et se coucher, mais ne peut pas se tourner ou se déplacer librement. Cette contention présente plusieurs avantages. Les soins et traitements administrés à la truie et aux porcelets sont plus faciles à réaliser. Aujourd’hui, ce système est amené à évoluer, avec la prise en compte croissante du bien-être animal. Dans ce contexte, l’alternative est la case maternité liberté, qui redonne une liberté de mouvements aux truies.
Des espaces de couchage dédiés
On appelle maternité les salles accueillant les truies pour qu’elles mettent bas et qu’elles allaitent leurs petits. En ajoutant le substantif « liberté », on ajoute la notion de non-contrainte durant tout leur séjour. Le choix peut être fait de laisser la truie en liberté dès l’arrivée en maternité et de lui donner la possibilité de,mettre bas sans être bloquée. On peut aussi décider de l’enfermer durant la mise bas et les premiers jours de vie du porcelet, puis de la libérer. Ainsi, on ouvre sa cage souvent après les soins à 7 jours d’âge des porcelets. Les petits ont le temps de devenir assez vigoureux pour ne pas risquer de se retrouver en danger sous leurs mères.
Il n’existe pas de modèle unique de case liberté. Chacun va présenter ses spécificités et imposer des contraintes sur la conduite d’élevage. Les principaux éléments qui le composent sont :
- la cage de la truie avec son abreuvoir et son auge. La cage peut être maintenue en position fermée pour bloquer la truie. En position ouverte, l'animal a une zone accessible pour se déplacer et se tourner ;
- un espace dédié aux porcelets contenant un nid où les petits peuvent se loger et se reposer. Celui-ci comprend un élément chauffant comme une plaque, un tapis ou une lampe ainsi qu’un capot ou couvercle pour éviter les courants d’air.
Le nid a toute son importance. Il faut qu’il soit chaud et confortable pour inciter les porcelets à s’y coucher et y dormir. L’objectif est d’éviter qu'ils le fassent dans la zone disponible pour leur mère. En effet, une truie pèse plus de 250 kg, et un porcelet à la naissance entre 1 et 2 kg en moyenne. Si la mère décide de se coucher et qu’il y a un porcelet dessous, ce dernier aura peu de chance de survivre.
Des avantages techniques et économiques
Aujourd’hui, il n'y a aucune norme ni réglementation en vigueur. La majorité des modèles proposés dispose d’une surface globale de 6 à 7 m². Chaque case se démarquera par un espace de liberté proposé pour la truie, le fonctionnement du système de blocage et de libération de la truie, la taille, la conception et le système de chauffage du nid. Des cases « liberté balance » existent aussi limitant le risque que la mère, tant qu’elle reste bloquée, écrase ses petits. Quand la truie est debout, sa cage se surélève empêchant les porcelets de se retrouver dessous.
Ces maternités sont parfois qualifiées de « maternité bien-être » et à raison. Le stress, notamment des truies, est diminué, mis en évidence par une amélioration des scores de larme. Le stress et la douleur entraînent un larmoiement qui peut être collecté sur buvard et mesurer sur une temps donné1. La durée de tétée par tétée est plus longue2. La fréquence d’interactions truie/porcelets augmente en maternité liberté. La mère s’intéresse à ses petits et les touche plus souvent3. La truie étant moins contrainte, la prévalence de boiteries, de panaris, de plaies ainsi que d’ulcères d’épaules et d’échines est significativement plus faible en case liberté2.
Les avantages techniques et économiques sont plus mitigés. Vis-à-vis du taux de mortalité en maternité, certaines études montrent une augmentation du nombre d’écrasés4. D’autres ne montrent aucune différence significative1. En revanche, les mises bas sont plus courtes et l’intervalle entre les porcelets est plus faible. Lorsque la truie met bas en liberté et a accès à un dispositif lui permettant d’assouvir son comportement de nidification, on constate aussi une diminution du nombre de mort-nés5. Des études montrent également que les porcelets issus de truies libérées en lactation atteignent plus rapidement le poids de 105 kg et ont un poids final plus élevé que ceux issus de truies bloqués1 ; 6
Des défis pour la conduite et le confort de travail
Les retours terrains montrent que ces systèmes peuvent être associés à une dégradation du confort de travail. Pendant la première semaine de vie, l’accessibilité des porcelets pour leur prodiguer leurs premiers soins s’avère plus complexe. En effet, si une truie est libérée et que les porcelets décident de rester dans son espace de vie, les attraper devient un risque face à une mère protectrice vis-à-vis de sa portée. Certains nids ont toutefois des systèmes de blocage. Quand toute la portée se repose bien au chaud, on peut venir les bloquer afin de les soigner.
Le traitement des porcelets malades est aussi complexifié. Un porcelet qui boite, un cas de méningite, d’épidermite ou des diarrhées demandent une prise en charge rapide pour maximiser les chances de succès thérapeutique. Mais le porcelet malade est souvent celui qui s’enfuit au fond de la case dans l’aire de la truie…
La taille de la case étant plus grande, il faudra plus d’espace pour le même nombre de truies. Cela représente un défi en termes de logement et d’ambiance. Les nouvelles salles de maternité peuvent être de grands volumes plus difficiles à chauffer. La truie se sent bien entre 18 °C et 23 °C. Au-delà, elle consommera moins de nourriture pouvant compromettre les montées de lait.
Côté porcelets, l’enjeu est de limiter les stress thermiques. À la naissance, il faut les conduire au nid pour qu’ils sèchent rapidement et se réchauffent. Une température ambiante autour de 19 °C permettra à la fois à la truie de se sentir bien et que les porcelets aient envie de se réfugier dans le nid. Un porcelet au nid est un porcelet qui risque moins de se faire écraser et qui sera plus vigoureux parce qu’il sera sec et réchauffé plus rapidement. Il sera alors plus susceptible d’aller boire le colostrum.
De plus, les cases étant plus grandes et composées d’un nid avec couvercle, l’entretien, le nettoyage et la désinfection demande plus de temps et d’implication. Le raclage des fèces et du placenta pendant la période de liberté de la truie demande aussi de réfléchir et d’adapter le travail au quotidien.
Anthony Gonçalves, vétérinaire porcin Breizhpig