EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
Le métavers peuplé d’avatars faisait encore récemment la une des médias. Mais quelle place donner à ces nouvelles technologies pour notre futur ?
Annick Valentin-Smith (A78)
Présidente de l’association Vet IN Tech (e-santé animale)
Une technologie chasse l'autre !
En se plongeant avec un casque dans des mondes virtuels en 3D, l’acquisition de connaissances à distance est favorisée par l’immersion totale dans un décor qui reprend toutes les caractéristiques du monde réel. De telles solutions de formation dans le métavers sont déjà proposées pour l’apprentissage du personnel de santé à des gestes techniques (Simago). Il existe déjà des visites virtuelles d’élevage ou de clinique vétérinaire… Je crois cependant davantage à la réalité augmentée ou à la réalité mixte, une technologie qui permet, tout en étant en relation avec le monde réel, de recevoir des informations dans son casque ou ses lunettes connectées. Le bon exemple est la téléassistance au chirurgien (avec l’envoi d’informations, de radios…), lui permettant d’être plus précis, plus efficace durant son opération, sans avoir à regarder un moniteur. Cependant actuellement, la majeure partie des investissements de recherche se redirigent vers les intelligences artificielles génératives : tout va très vite !
Marc Jolivalt (LIÈGE 04)
Ancien praticien en canine, en référé de médecine interne et d’imagerie à Pontcharra (Isère)
Quelle feuille de route pour 2030 ?
Je crains que le praticien actuel ne perde de plus en plus la capacité d’utiliser et de faire confiance à ses cinq sens. D’après ma propre expérience, c’est en effet notre sensibilité qui permet de retrouver le lien avec le vivant quand la médecine le dissèque soigneusement pour l’analyser. Une question s’ensuit : Homo sapiens est-il prêt à déléguer une part toujours croissante de son jugement à des machines (intelligence artificielle, réalité virtuelle…) ? La réponse est oui. En vérité, nous devrions surtout nous demander au service de quel projet sociétal mettons-nous ces technologies ? Et notamment, quand on y réfléchit à l’aune de la crise écologique, quels schémas de pensée, connaissances et compétences voulons-nous développer pour le vétérinaire diplômé en 2030 ? Devra-t-il être un hyperspécialiste techno-dépendant ? Ou un expert polyvalent, capable de conjuguer sobriété, complexité et incertitude ? Pour prolonger cette réflexion, je propose de vous connecter sur http://www.enseignerlestransitions.fr
Jean-Guillaume Grand (LIÈGE 04)
Spécialiste en chirurgie en canine au CHV AniCura Aquivet à Eysines (Gironde)
Des techniques complémentaires
Avec un casque de réalité virtuelle et des joysticks (capteurs manuels), j’ai assisté en novembre 2022, en retransmission vidéo directe depuis Bordeaux, à une réparation de ligament croisé antérieur effectuée à Nancy par le Dr Jérôme Maire. Certains pays européens (Allemagne, Suède…) offrent des plateformes encore plus élaborées, où le propre avatar du praticien répète en 3D une chirurgie virtuelle en suivant un protocole opératoire défini. Le métavers est une forme intéressante d’enseignement reproductible (avec une répétition des actes autant que souhaité), immersif et interactif, permettant de poser des questions au chirurgien tout en étant confronté en direct aux aléas thérapeutiques. Ses limites tiennent à son accès encore limité (coût) et une expérience utilisateur qui doit encore être améliorée (pour plus de fluidité). Pour moi, cette nouvelle technologie se place comme un complément de formation et non pas comme une substitution aux méthodes traditionnelles d’enseignement (modèles cliniques).