Le défi du stress du chat - La Semaine Vétérinaire n° 2008 du 27/10/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2008 du 27/10/2023

Médecine féline 

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Manon Ramette

La prise en compte du bien-être des chats et la prévention du stress sont des défis à relever pour les vétérinaires. Les avancées dans ce domaine permettront d'améliorer leur santé, mais aussi de renforcer la relation entre les vétérinaires, les propriétaires et leurs compagnons, tout en contribuant à réduire les préjudices moraux et financiers liés à la non-médicalisation des animaux.

La Société francophone de médecine féline (SFMF)1 a organisé son premier symposium, le 21 septembre 2023, à Maisons-Alfort. Son thème était la gestion du stress en médecine féline. Avec une augmentation spectaculaire de la population féline en France, il est devenu impératif pour la médecine vétérinaire française de réaliser des avancées significatives dans le domaine de la médecine féline, et notamment dans la gestion du stress, ont expliqué les organisateurs en préambule.

Prévenir, détecter, atténuer

Le stress est un mécanisme physiologique de défense. En plus d’être un facteur de mal-être, il se niche insidieusement dans de nombreuses maladies félines. L'hypertension artérielle systémique, par exemple : le stress agit comme catalyseur, exacerbant les symptômes et enclenchant un dangereux cercle vicieux, comme a pu l’expliquer Stéphanie Glineur, professeure de pathologie à l’Université libre de Bruxelles. Selon Nicolas Layachi (Liège 03), diplômé du collège australien en médecine féline, praticien à Bordeaux (Gironde) et président de la SFMF, la gestion du stress chez les félins s'inscrit désormais en première ligne de la médecine préventive. Ce combat se décline en trois phases : prévenir, détecter précocement et, en ultime recours, atténuer l'impact. La première étape consiste à prévenir le stress avant même d'arriver à la clinique. Il est recommandé d'utiliser des méthodes telles que la diffusion de phéromones apaisantes, l'administration de CBD (cannabidiol), voire de gabapentine. Ces mesures visent à réduire son niveau de stress initial. La détection précoce est également essentielle. Dès que le chat entre en consultation et montre des signes de stress, il est impératif que le vétérinaire et le personnel de la clinique en tiennent compte. Une observation attentive du comportement du chat s'avère nécessaire pour reconnaître ces signaux. Stress et douleur partagent souvent une même expression clinique et des applications mobiles telles que la Feline Grimace Scale2, développée par l’université de Montréal et Zoétis, permettant d’évaluer la douleur aiguë du chat à partir des changements d’expression faciale. Enfin, en cas de stress extrême lors duquel le chat atteint un point de non-retour, il est primordial d'en atténuer l'impact. Cela peut nécessiter de limiter la consultation aux procédures strictement nécessaires, voire de recourir à la sédation.

Des « visites de bien-être »

Pour illustrer cette approche, nos collègues britanniques ont adopté avec succès les « visites de bien-être », connues sous le nom de Wellness Visits. Cette pratique permet d'interroger les propriétaires de manière ciblée, afin d'assurer une prise en charge optimale. Par exemple, plus de 60 % des chats de plus de 10 ans souffrent simultanément d'insuffisance rénale chronique et d'arthrose, même sans symptômes évidents. En anticipant ces problèmes, les vétérinaires peuvent proposer des bilans de santé spécifiques pour les chats âgés. Les consultations de bilan de santé, en dehors des vaccinations, sont alors un moyen de détecter le mal-être des chats, selon leur état physique et comportemental. Elles permettent aussi de sensibiliser les propriétaires aux signaux d'alerte. En effet, la prévention médicale s'avère être le meilleur rempart contre une médication coûteuse, tant sur le plan moral que financier, pour les maîtres attentifs à la santé de leurs compagnons à quatre pattes. En d’autres termes, la médicalisation prévient la médication.

L'approche Cat Friendly ou "chamicale" : l'avenir des cliniques ?

Il n’existe pas un seul vétérinaire qui n'ait rencontré des difficultés en consultation féline. Suite à un sondage réalisé auprès des étudiants vétérinaires de l’ENVA3, 72 % d’entre eux ont pu rencontrer des désagréments dans l’abord des chats en cours de stage. Ces félins affichent un caractère parfois peu amical, alors que leurs propriétaires affirment qu'ils sont adorables à la maison. La prévention est la clé pour limiter le stress. L'adaptation de leur environnement, depuis leur domicile jusqu'à la clinique vétérinaire, est également essentielle pour minimiser leur stress.

En 2011, l'approche Cat Friendly Clinic a été développée par l’International Society of Feline Medecine (ISFM), marquant une nouvelle ère dans la médecine féline. En effet, des améliorations simples peuvent être apportées dans les cliniques vétérinaires pour rendre l'expérience des chats plus agréable lors de leur venue, grâce à l'approche Cat Friendly5 ou « chamicale » en français. Parmi les plus évidentes, une atmosphère visuelle, olfactive et auditive apaisante permettrait aux chats de se sentir plus détendus. En consultation, le praticien devrait adopter une approche bienveillante envers les chats : fini les contentions par la peau du cou ! Par ailleurs, l’idéal serait de leur réserver une salle de consultation ou une journée, selon l'organisation des cliniques. Si le chat venait à être hospitalisé, il lui faudrait de grandes cages d’hospitalisation avec des espaces où il pourrait se cacher, une litière et un perchoir. Ce ne sont que des exemples, qui parfois semblent évidents mais qui ne sont finalement pas toujours mis en pratique dans les cliniques vétérinaires françaises. Pour mettre en œuvre ces améliorations, une connaissance approfondie du comportement félin et de la pathologie féline est nécessaire. « L’approche "chamicale", développée d’abord par les praticiens félins puis les généralistes, est d’abord et avant tout un savoir-être avec les chats, dont les bases devraient être enseignées dès l’école, pour assurer la fiabilité des examens complémentaires réalisés sur un animal non stressé, pour l’établissement d'une relation confiante et durable entre le vétérinaire, le chat et son client, et ainsi prévenir les accidents du travail », d’après Anne-Claire Gagnon (T 85), comportementaliste spécialisée dans le domaine félin.

La médecine féline perçue par les étudiants vétérinaires

Un manque de sensibilisation largement partagé par les étudiants. En effet, 52 % d’entre eux expriment un manque d’apprentissage spécifique en médecine féline, et 88 % trouvent plus particulièrement que le cursus pourrait être amélioré dans l’approche des chats en consultation3. De fait, il y a peu de cours de contention et d’approche des chats dans le cursus, malgré une véritable attente des étudiants.

  • 1. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1969 du 09/12/2022
  • 2. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1923 du 03/12/2021
  • 3. Réalisé par Manon Ramette, étudiante à l’ENVA, auprès de 153 votants via un google form à l’issue de la journée de conférence de la SFMF
  • 4. catfriendlyclinic.org
  • 5. Conditions d'attribution du label : urlz.fr/o5WD