Peste porcine africaine : est-on prêt ? - La Semaine Vétérinaire n° 2008 du 27/10/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2008 du 27/10/2023

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Tanit Halfon

Malgré les dynamiques en cours en Europe et dans les Caraïbes, la France reste toujours indemne de peste porcine africaine (PPA). Depuis l’épisode belge, il y a cinq ans, l’ensemble des acteurs concernés se prépare en vue de l’arrivée potentielle du virus sur le territoire. Plusieurs mesures1, 2 ont été actées ; parmi elles, le renforcement de la biosécurité en élevage, la désignation d’un référent formé en charge de cette question, le recensement des détenteurs de porcs, ou encore la mobilisation des vétérinaires sanitaires aux côtés de l’administration, pour effectuer des visites d’élevage centrées sur la bonne mise en œuvre des mesures de biosécurité.

Alain Mayer (L 89)

Praticien rural à Vouziers (Ardennes), secrétaire OVVT3 Grand Est

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« Nous sommes prêts »

Dans le Grand Est, nous sommes prêts. Il faut dire que nous avions eu une première expérience de crise en 2018 avec l’épisode belge, tout au long duquel les vétérinaires s’étaient mobilisés très rapidement pour contrôler l’application des mesures de biosécurité chez tous les détenteurs de porcs de la zone réglementée. Pareillement en 2022, suite à l’arrivée de la maladie en Allemagne, avec de nouvelles visites programmées dans d’autres zones de la région. Dans les deux cas, l’administration avait visité les élevages n’étant pas au niveau, allant même jusqu’à prendre des sanctions de retrait d’activité. Depuis 2020, des audits de biosécurité* ont été lancé chez les détenteurs professionnels. Ce sont à la fois les techniciens des coopératives et les vétérinaires sanitaires qui s’en chargent. Dans le Grand Est, 14 % des visites ont déjà été faites, avec un objectif de 100 % pour fin décembre. Des exercices de simulation sont aussi programmés avec l’administration. Le seul point faible est l'absence de relance de motivation auprès des éleveurs une fois les audits réalisés. Un suivi pourrait être entrepris par des techniciens d’élevage, en appui de la première visite vétérinaire. Il est évident que la multiplicité des interlocuteurs est un phénomène favorable pour maintenir la motivation.

Mélanie Liber (A 98)

Praticienne porcine à Plouédern (Finistère), responsable section porcine GTV Bretagne reconnue OVVT3

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« Nous avançons dans la préparation de crise »

En Bretagne, nous avons avancé dans la préparation de crise avec un exercice de simulation qui a duré près d'un an, copiloté par l’administration et l’organisation sanitaire Porc Bretagne (OSPC). Il consistait à tester les modalités opérationnelles de gestion de crise face à la survenue d’un foyer en élevage, que ce soit la façon de mener l’enquête épidémiologique,  d’avertir les parties prenantes de l’apparition du foyer, d’évaluer les populations locales de sangliers, de réaliser les chantiers de dépeuplement… ou encore d’estimer le coût économique pour la filière. Pas moins de 40 structures ont été mobilisées, avec la constitution de sous-groupes thématiques. L’exercice aura aussi permis de créer une cellule régionale de crise interprofessionnelle, réunissant l’OS Porc Bretagne et l’OVVT3. Il reste encore des questions à travailler. De plus, cet exercice partait de l’hypothèse d’une atteinte du compartiment domestique. Dans ce cas, la situation de crise reste limitée dans le temps et l’espace ; les vétérinaires sanitaires pourraient donc absorber le surplus de travail lié aux visites des élevages des zones réglementées. Ce sera plus difficile en cas d’atteinte du compartiment sauvage, dans une zone à forte densité d’élevages, car le temps de crise (et les restrictions associées) est allongé. Dernier point essentiel : la biosécurité, pour laquelle il y a toujours des marges de progrès et qui reste notre seule véritable arme à ce jour.

Philippe Charrier (T 89)

Praticien porcin (Pyrénées-Atlantiques), référent porc OVVT3 pour le sud de la Nouvelle-Aquitaine

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« Il faudrait lancer des essais grandeur nature »

Les multiples cas de PPA dans les pays européens nous ont permis d’acquérir de l’expérience sur la dynamique d’apparition d’un nouveau foyer. Grâce à cela, aux communications, formations et visites sanitaires porcines, les éleveurs professionnels sont beaucoup plus sensibilisés qu’il y a quelques années.

Les mesures de biosécurité ont nettement progressé dans la plupart des élevages. Des doubles clôtures ont été installées dans les parties en plein air, même si les contacts avec les sangliers étaient déjà exceptionnels avec une clôture simple. Mais la biosécurité reste perfectible, et il nous faut sans cesse insister sur le respect des protocoles de biosécurité, assez fastidieux au quotidien pour les éleveurs. Par contre, je pense qu’il serait bon de réaliser des essais grandeur nature de gestion d’un foyer dans chaque région, comme cela a déjà été fait en Bretagne. Ils permettraient d’évaluer la rapidité et l’efficacité de la réaction des parties prenantes et de vérifier la bonne coordination entre tous les moyens humains et matériels à mettre en œuvre. Côté craintes, on peut s’interroger sur le niveau de sensibilisation des élevages type « basse-cour » ou « porc de provision », particulièrement exposés dans les foyers des pays d'Europe de l’Est. La surveillance de la faune sauvage pose aussi question : si le virus arrivait dans une zone peu peuplée, avec beaucoup de forêts et une forte population de sangliers comme en Suède, tout retard de détection compliquerait énormément le contrôle de la maladie.

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