Baisse record de l’exposition via des prémélanges médicamenteux - La Semaine Vétérinaire n° 2012 du 24/11/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2012 du 24/11/2023

Antibiotiques

PHARMACIE

Auteur(s) : Par Michaella Igoho-Moradel

L’exposition des animaux aux traitements antibiotiques poursuit sa baisse en 2022. Cette tendance est principalement due à la réduction du tonnage pour les prémélanges médicamenteux.

« L’année 2022 est marquée par une forte diminution du tonnage d’antibiotiques vendus », révèle le dernier rapport de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) sur le suivi des ventes d’antimicrobiens en France en 2022, présenté le 13 novembre dernier lors d’un point presse. Selon l’agence, l’exposition des animaux aux traitements antibiotiques poursuit « sa baisse remarquable ». Sur la période de référence, le volume total des ventes s’élève à 276 tonnes d’antibiotiques, soit une baisse de 95 tonnes par rapport à l’année précédente. Ce tonnage s’inscrit dans le cadre de la baisse de 79 % constatée depuis le début du suivi des ventes en 1999 et représente 26 % en un an. « Cette forte diminution sur 2022 est principalement due à la baisse du tonnage pour les prémélanges médicamenteux (moins 81 tonnes, soit -82 % en un an), et, dans une moindre mesure, à celui des poudres et solutions orales (moins 12 tonnes, soit -7 % en un an). Les résultats observés en 2022 reflètent très certainement les premiers effets de la nouvelle réglementation européenne », rapporte l’ANMV.

Une baisse de l’exposition par la voie orale

L’agence note une baisse de l’ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials), l’indicateur d'exposition des animaux aux antibiotiques. Par exemple, l’usage des traitements oraux et parentéraux a diminué de 9 % par rapport à 2021. « La baisse de l’exposition via les prémélanges médicamenteux en 2022 représente 82 % de cette réduction globale en un an. Depuis 2011, année de référence du premier plan Écoantibio, l’exposition des animaux aux antibiotiques a diminué de 52 % », peut-on lire dans le rapport. Des baisses importantes ont été enregistrées pour les tétracyclines, les polypeptides, les sulfamides et le triméthoprime, par rapport à 2021. Delphine Urban, chargée de projet au sein de la mission antibiorésistance de l’ANMV, souligne que la baisse des usages des prémélanges médicamenteux n’a pas été reportée sur d’autres formes pharmaceutiques. De même, l’exposition aux traitements administrés par voie orale a fortement baissé par rapport à 2011 (-68 %). « Pour la première fois depuis le début du suivi, l’exposition des animaux aux antibiotiques via les injectables est plus importante que par la voie orale », indique l’agence, qui observe aussi de fortes réductions depuis 2011 du recours aux antibiotiques les plus critiques : -95 % pour les céphalosporines de 3e et 4e générations, -88 % pour les fluoroquinolones et -79 % pour la colistine.

Des disparités selon les espèces

Toutefois, des disparités demeurent selon les espèces. En effet, les animaux de rente (producteurs de denrées alimentaires) ont été moins exposés aux antibiotiques entre 2011 et 2022 mais tous ne le sont pas dans les mêmes proportions : -23 % pour les bovins, -67 % pour les porcs, -72 % pour les volailles, -64 % pour les lapins. En revanche, le niveau d’exposition reste stable pour les chats et les chiens, avec une baisse globale de seulement -3 % depuis 2011.
Par ailleurs, le nombre de traitements intramammaires par vache laitière a diminué de 32 % par rapport à 2011 (-13 % pour les traitements administrés au tarissement et -45 % pour les traitements en période de lactation). Pour l'année 2022, ces tendances varient aussi selon les espèces : +1 % pour les bovins, -21 % pour les porcs, -12 % pour les volailles, -35 % pour les lapins et -3 % pour les chats et chiens.
« Après des augmentations observées sur les dernières années, les niveaux d’exposition pour les chats, chiens et chevaux semblent se stabiliser. L’évolution de leur exposition appelle à rester vigilant et doit continuer à être surveillée », prévient l’ANMV. Comment expliquer ces tendances alors que l’agence craignait* l’apparition d’un effet de seuil ? Selon Delphine Durban, l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation européenne sur les médicaments vétérinaires (n°2019/6) a eu des conséquences importantes sur les usages d’antibiotiques en médecine vétérinaire. « Ce nouveau cadre réglementaire a introduit un certain nombre de mesures visant à mieux encadrer l’usage des antibiotiques, et cela a eu un impact sur les ventes. Pour Franck Fourès (T95), directeur de l’ANMV, ces réductions sont aussi le fruit d’un travail de pédagogie sur le texte européen mené auprès des vétérinaires praticiens. »

L'appli Calypso, pour une analyse plus fine des usages

La collecte des données de ventes de médicaments vétérinaires a été étendue en 2022 à l’ensemble des antimicrobiens. La réglementation européenne demande aux États membres de collecter ces informations par espèce animale. L’ANMV indique que des premières estimations ont été effectuées concernant les niveaux d’exposition des animaux aux antifongiques et aux antiprotozoaires. « Ces données plus précises devraient permettre de mieux cibler les actions à mener dans le cadre de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. En France, la remontée de données d’utilisation des antimicrobiens par les ayants droit du médicament vétérinaire a été lancée en avril 2023 via l’application en ligne Calypso », explique l’agence. Cette plateforme de collecte et de stockage permet les échanges de données et d’informations entre les vétérinaires, l’administration et les autres acteurs du secteur sanitaire. « Ce système de suivi permet une analyse plus fine des usages et des options de gestion en matière de santé publique », commente Franck Fourès. Si cet outil est d’ores et déjà opérationnel, les données récoltées ne seront pas exploitables dans l’immédiat. « Pour le suivi des ventes d’antibiotiques, il nous a fallu trois ans pour qualifier les données et être sûrs de leur qualité. Nous transmettrons à l’Europe ce que nous obtiendrons. Mais il est nécessaire que l’ensemble des vétérinaires entrent dans le réseau. Nous serons prudents sur l’interprétation des données obtenues pendant encore deux ans. »

  • * urlz.fr/ot0G