Lanceur d’alerte : comment procéder - La Semaine Vétérinaire n° 2012 du 24/11/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2012 du 24/11/2023

Droit

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jean-Paul Delhom

Le Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants de France (SSEVIF) a proposé, le 16 octobre dernier, un webinaire pour présenter le statut de lanceur d’alerte, dans son contexte général légal, puis selon les particularités liées à notre profession. Décryptage.

En présence d’Alice Mony, avocate en droit social, et de Jean Tamalet, avocat en droit pénal des affaires et investigations, le SSEVIF a choisi d’explorer le statut de lanceur d’alerte.

Le statut

Un lanceur d’alerte doit être une personne physique, de bonne foi, qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe, des informations. Il peut s’agir d’un crime, d’un délit, d’une menace ou d’un préjudice pour l’intérêt général, d’une tentative de dissimulation, d’une violation de la loi ou d'un règlement.

La protection juridique

Les entreprises d’au moins 50 salariés sont tenues de mettre en place un dispositif permettant de recueillir les alertes émises par les salariés ou collaborateurs extérieurs. Certaines autorités publiques ont la même obligation, dont le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV). Les personnes morales ne peuvent être considérées comme lanceurs d’alerte, de la même manière qu’une personne physique qui n’agirait pas dans l’intérêt général ou qui chercherait à nuire. En revanche, le lanceur d'alerte ne peut être inquiété ni civilement pour les préjudices que son signalement aura causés, ni pénalement pour avoir intercepté des documents confidentiels. Cette protection est valable pour son entourage. La jurisprudence précise qu’elle s’applique aux salariés révélant des manquements aux obligations déontologiques ou au règlement.

La loi prévoit des sanctions envers les personnes qui veulent nuire aux lanceurs d’alerte (non-respect de l’anonymat, licenciement, mesures discriminatoires, non-renouvellement de contrat, etc.). En cas de discriminations en raison du statut de lanceur d’alerte, la loi prévoit 3 ans d’emprisonnement et 4500 euros d’amende. En cas de violation de l’anonymat, il est prévu 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Dans le cadre de procédures-baillons, 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende sont encourus.

La clause de confidentialité n’est pas valable dans ce cadre. La loi a créé une clause d’irresponsabilité pénale lors d'un délit commis pour obtenir des preuves de l’information.

Le lanceur d’alerte peut choisir entre le signalement interne ou externe à l’entreprise. La loi Waserman veut favoriser les dispositifs d’alertes internes comme levier de la politique RSE (responsabilité sociale et environnementale) des entreprises.

Cette loi ne peut s’appliquer si le lanceur d’alerte est de mauvaise foi ou révèle des secrets nationaux.

La procédure pour les vétérinaires

Christophe Hugnet (L 93), membre du CNOV, décrit la procédure lanceur d’alerte pour notre profession. La commission lanceur d’alerte du conseil de l’Ordre doit être contactée par lettre LRAR (double enveloppe), appel téléphonique ou par mail (lanceuralerte@ordre veterinaire.fr). Elle est composée du président de l’Ordre, du secrétaire général, du responsable de la commission gestion et prévention des risques, du représentant du service juridique. Ses champs de compétence relèvent des missions de l’Ordre, dont l’exercice vétérinaire des personnes physiques et des sociétés d’exercice, et peuvent porter sur l'indépendance, l'absence de conflits d’intérêts ou la compétence professionnelle.

Un accusé de réception et un numéro identifiant seront transmis au lanceur d’alerte dans les sept jours à dater de la réception du courrier. La commission a trois mois pour transmettre par écrit les moyens et diligences effectuées. La confidentialité est garantie. Il n’y a pas de responsabilité pénale du lanceur d’alerte pour les moyens d’obtention des documents prouvant les informations transmises. La commission décide si la personne peut bénéficier du statut de lanceur d’alerte. Les dossiers classés irrecevables sont clos. Pour les dossiers recevables, la commission décide si le signalement relève ou pas de la compétence du CNOV. Si le dossier est traité au sein de ce dernier, les suites données peuvent être l’engagement d’une procédure disciplinaire, administrative, voire judiciaire.