Les approches de réduction du stress en consultation - La Semaine Vétérinaire n° 2012 du 24/11/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2012 du 24/11/2023

Comportement

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Conférencières

Ciska Girault, vétérinaire diplômée de l’École nationale vétérinaire de Toulouse en 2017, et Hélène Lacroute, vétérinaire diplômée de l’École nationale vétérinaire d’Alfort en 2013, sont cofondatrices de PawLoVet, organisme de formation continue sur les pratiques de réduction du stress de l’animal.

Article rédigé d’après une webconférence organisée le 8 novembre 2023.

Pour garder un animal détendu et serein en consultation, il est possible de s’aider des approches de réduction du stress. À la différence du Medical Training (l’« entraînement médical »), qui s’envisage sur un temps long pour obtenir un résultat positif lors des soins, les approches de réduction du stress peuvent s’appliquer immédiatement le jour de la visite. Tous les animaux sont des candidats potentiels, avec des effets visibles sur le court terme (mais aussi le long terme !). Le principe est d’adapter ses pratiques aux émotions de l’animal, pour éviter, dans la mesure du possible, qu’il n’en arrive à des manifestations d’agressivité. Plusieurs outils, simples d’utilisation et accessibles, peuvent être mobilisés par les équipes vétérinaires de soins. Cette gamme d'outils inclut de la gestuelle (approche de l’animal, manipulation, contention), des médications (prémédications par voie orale, sédations par voie injectable), des modifications comportementales (associations positives simples, autres techniques), voire des aménagements techniques (locaux, matériels, etc.). À noter que, pour certaines situations, ces approches ne suffiront pas. Une préparation en amont via un entraînement médical peut s'avérer nécessaire afin de gérer le stress de l’animal le jour J.

La consultation vaccinale

En pratique, un premier exemple d’application pourrait être la consultation vaccinale de chiots décrits par l’éleveuse comme douillets. Pour ce premier contact avec les animaux, il convient de prendre les devants afin que ceux-ci arrivent dans le meilleur état émotionnel possible. Ainsi, il est conseillé de transporter les chiots de manière la plus confortable qui soit, en limitant les vibrations des caisses de transport, les bruits, les virages en voiture, etc. Une aide médicamenteuse contre les nausées peut être proposée selon les cas. Si le passage en salle d’attente risque de stresser les chiots, une station à l’extérieur/dans la voiture est préférable. Il est aussi possible de proposer au détenteur de venir avec un animal adulte connu des chiots, qui aura un effet apaisant sur eux. En consultation, l’approche des chiots ne doit pas être frontale, pour éviter de les effrayer ; il vaut mieux commencer par les manipulations les plus faciles avant d'en venir à celles plus complexes car éventuellement douloureuses. Pour la vaccination, on pourra s’aider de nourriture : en plus de distraire l’animal au moment de l’injection, cela a l’avantage de lui faire vivre une expérience agréable. Malgré ces précautions, certains chiots pourront montrer des signes de stress : dans ce cas, il est tout à fait possible de descendre l’animal de la table de consultation, de lui donner la pâtée sur le sol et de le vacciner. La nourriture doit être donnée avant, pendant et après l’acte vaccinal, afin de bien associer la consultation à une expérience positive. La pâtée pourrait permettre d’éviter toute contention.

La consultation d’urgence

Les approches de réduction de stress s’appliquent aussi dans un contexte d’urgence. Un exemple typique est celui du chat accidenté, qui est très douloureux, qui feule, et qui se trouve donc déjà en état de stress avancé. Dans ce cas, l’examen clinique complet est illusoire, et l’enjeu est de pouvoir examiner les fonctions vitales en priorité ; une démarche indispensable pour savoir s’il pourra supporter une sédation ou l'anesthésie. Il convient d’éviter les bruits, de faire des gestes naturels lentement, si possible de profil, et d’utiliser une serviette que l'on viendra poser délicatement sur le chat avant de la lui mettre en « collier ». L’objectif général recherché est que, même s’il continue à feuler, il ne fuit pas ni n’agresse personne. À ce titre, la serviette en collier lui bloque la vue et protège des morsures et griffures. L’examen doit d’abord viser les zones du corps a priori bien acceptées, pour finir par celles les moins acceptées. Le contact doit se faire graduellement. Si l’état clinique le permet, on pourra s’aider rapidement d’un analgésique avec effet sédatif, afin d’affiner l’examen clinique. A la suite de la sédation, le principe reste le même : limiter les stimuli auditifs et visuels, s’aider de la serviette pour plus sécurité et contrôler son approche et sa gestuelle (de l'arrière vers l’avant, avec un mouvement graduel et un suivi des réactions pour s’y adapter).

Le cas du chien intouchable

Un dernier cas est celui d’une consultation d’un chien intouchable pour lequel il faut faire une prise de sang. Il est tout à fait envisageable pour le vétérinaire de faire appel à un éducateur : en plus du suivi de fond (incluant de l’entraînement médical) qu’il fera avec l’animal, sa présence le jour de la consultation aura toute sa pertinence puisque l’éducateur sera chargé à la fois de surveiller l’animal et de suivre son état émotionnel, tout en le distrayant avec de la nourriture. Une situation rendue possible du fait du lien préalablement créé entre le chien et l’éducateur. Le détenteur pourra aussi participer en grattant le pelage de l’animal pour ajouter à la distraction. Pendant ce temps-là, le vétérinaire pourra se placer à l’arrière de l’animal, derrière un rideau, et réaliser sa prise de sang au niveau d’une patte arrière.

Ne pas traumatiser l’animal

Dans les approches de réduction du stress, « la règle des 3 » est un principe de base à suivre. Il s’agit d’insister au maximum 3 secondes et de ne pas dépasser les 3 tentatives de manipulation d’un animal réfractaire. Au-delà, le risque est d’en arriver à un traumatisme lié aux soins, qui suivra l'animal durant toute sa vie. Cette pause ne doit pas être vue comme une erreur, bien au contraire. Elle permettra de réfléchir et de changer d’approche, si cela est possible le jour même, ou alors de décider avec le détenteur de reporter la visite afin de mieux l’adapter à l’animal.