Permanence et continuité de soins
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Chantal Béraud
Dans le Val-d’Oise, la clinique de référé pluridisciplinaire Evolia espère avoir enfin trouvé une solution pérenne pour assurer la permanence et la continuité des soins (PCS), en concluant un partenariat avec une grosse structure d’urgences.
« L’année 2022 a été parfois sur le fil du rasoir en matière de Permanence et de Continuité des Soins (PCS) : toute l’équipe a dû se mobiliser pour assurer les urgences de nuit ». Tel est le constat de Stefano Scotti (Naples 98), directeur de la clinique Evolia à L’Isle-Adam (Val-d’Oise). Cette grosse structure de référé pluridisciplinaire répond aux besoins d’une bonne soixantaine d’autres structures vétérinaires conventionnées, ainsi qu'à d’autres demandes ponctuelles, et ce jusqu’à parfois 200 kilomètres à la ronde (Amiens, Rouen…).
Une fermeture d’un mois !
Pour la structure, le pire moment a été la fermeture pendant un mois, en septembre 2022, de ses urgences de nuit, faute de candidats vétérinaires recrutables ! Une solution provisoire a été trouvée par la suite, grâce au soutien de quelques confrères fidèles, soucieux de permettre à la structure de référé de conserver la prise en charge de ses urgences. Une mission qui, dixit le directeur, « fait partie de l’ADN d’Evolia ».
Un partenariat novateur mis en place
Durant un an, l’équipe d’Evolia a cherché à mettre en place une solution plus pérenne. C’est chose faite depuis le 2 octobre dernier, puisque les urgences de nuit et de week-end d’Evolia sont désormais assurées par l’équipe de Vétérinaires 2 Toute Urgence (V2TU). « Le partenariat que nous avons conclu avec eux leur permet d’être installés dans nos propres locaux de L’Isle-Adam, aux portes de Paris, précise Stefano Scotti. Nos deux équipes fonctionnent en interface, avec des transmissions deux fois par jour, le matin et le soir. Pour affiner encore les derniers réglages, dont la gestion optimale des locaux, l’éventuel besoin de nouveaux équipements et l’entretien de bonnes relations entre nos deux équipes, nous restons actuellement en lien très étroit avec les associés de V2TU ».
« Tout le monde est plus serein ! »
« Nos clients sont extrêmement soulagés de voir aboutir une telle solution, conclut Stefano Scotti. Au sein de notre propre équipe, je perçois aussi de l’enthousiasme : nous pouvons désormais travailler de manière plus sereine, ce qui bien sûr accroît encore le bien-être des animaux soignés ». Pourquoi un tel soulagement ? « Parce que V2TU emploie des urgentistes qui n'exercent que la nuit ; ils sont donc forcément plus performants ». Le résultat financier chiffré est aussi déjà là : après un mois de fonctionnement, Evolia enregistre 10 à 15 % d’admissions de nuit supplémentaires, avec pour conséquence un suivi d’hospitalisation de jour en hausse. « Du coup, Evolia vient de recruter deux autres praticiens vétérinaires, pour s’en occuper », confirme Stefano Scotti.
Un possible modèle d’avenir ?
« Je crois que notre nouveau modèle d’organisation préfigure le visage futur de la profession, du moins dans un cadre péri-urbain », conclut le directeur. Avec quel coût pour la clientèle ? « Evolia a toujours veillé à rester dans la moyenne des prix de la région, assure Stefano Scotti. Et comme V2TU et nous pratiquions déjà des tarifs d’urgences de nuit comparables, il n’y a guère eu d’ajustement à faire ». Mais, nuance-t-il cependant, « le budget des soins vétérinaires dans la vie familiale reste forcément conséquent si l’on veut garantir un suivi médical correct de l’animal de compagnie. Heureusement, nous constatons aussi que de plus en plus de propriétaires souscrivent des assurances pour faire soigner leurs animaux. Même si en France on reste encore bien loin des 80 % d’assurés qu’affichent certains pays nordiques européens ! »
« Devenir urgentiste de nuit, les jeunes générations adorent ! »
Questions à Christophe Chaput (T01), associé de Vétérinaires 2 Toute Urgence
D’abord historiquement « sudiste », Vétérinaires 2 Toute Urgence semble prendre une envergure nationale. Qu'en est-il ?
Tous types de personnels compris, nous employons désormais quelque 230 personnes. Avec, effectivement, une implantation initiale à Marseille, puis chronologiquement à Toulon, Aix-en-Provence, Montpellier, Lyon et Rennes. Le service de L’Isle-Adam a ouvert le 2 octobre dernier et une nouvelle structure d’urgence doit voir le jour en mars 2024 à Saint-Étienne (Loire).
Il paraît que vous recevez des « demandes » de toute la France ?
En effet, partout en France nos confrères cherchent des solutions pérennes pour assurer leurs PCS. Nous constatons une grande souffrance à ce sujet. Et les problématiques de recrutement ne font qu’accroître cette souffrance… Les cliniques ont donc toujours plus de mal à assurer à la fois leurs activités de jour et le maintien de leurs PCS. Cette situation participe en partie au mal-être de la profession ; c'est du moins ce qui transparaît ces derniers temps à travers différents rapports publiés.
Comment parvenez-vous à recruter ?
Il y a une différence énorme entre signer un contrat de praticien, qui comporte aussi des heures de garde à assurer, et signer un contrat d’urgentiste exclusif. Certes, on travaille de nuit et certains week-ends, mais on est au repos durant la journée. C'est appréciable. D’ailleurs, cela fait déjà des années qu’en Angleterre ou aux États-Unis les cliniques renvoient sur des services d’urgences de notre genre.
Votre succès ne tient-il pas aussi à votre politique d’accompagnement des jeunes recrues ?
Si, bien sûr. D’une part, tout jeune professionnel travaille avec un vétérinaire « senior ». Et une ou des ASV sont également présentes durant la nuit. D’autre part, notre organisation est comparable à celle d’un service d’urgences en santé humaine. Je veux dire par là que nous « basculons » très rapidement l’animal à soigner en « back office », ce qui permet à l’équipe de soins de beaucoup échanger en interne. Je tiens d’ailleurs à souligner le rôle fondamental complémentaire que jouent nos ASV, qui sont formées à accueillir et à gérer le stress émotionnel du propriétaire, en première ligne. D’autant plus qu’un « tri » des animaux doit être établi en fonction de l’urgence de chaque arrivée. Elles l’expliquent aux clients et un panneau les en informe aussi dans la salle d’attente.
Où recrutez-vous ?
Nous présentons nos services aux écoles vétérinaires françaises mais aussi aux différentes facultés en Belgique, Espagne, Roumanie, Portugal. Certaines d’entre elles font même effectuer des stages pratiques d’un an à leurs étudiants, et nous accueillons évidemment volontiers dans nos structures des jobs d’été.
Peut-on rapidement « sauter le pas » d’étudiant à urgentiste de nuit ?
Contrairement à moi qui suis sorti d’école vétérinaire en 2001, les nouveaux étudiants suivent désormais un module d’urgence durant leurs études. Devenir urgentiste de nuit, les jeunes générations adorent ! Il n’y a pas de routine, c’est très varié, avec de la médecine, de la chirurgie, etc. D’ailleurs, 80 % de nos praticiens « seniors » sont des ex-débutants de Vétérinaires 2 Toute Urgence. Si notre système fonctionne bien, c’est essentiellement grâce à l’évolution interne et à la cooptation.
Propos recueillis par Chantal Béraud