Les arthrites du veau : la marche à suivre (partie 1) - La Semaine Vétérinaire n° 2013 du 01/12/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2013 du 01/12/2023

Conférence

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Jean-Paul Delhom

Article rédigé d'après la présentation sur les arthrites du veau faite par Jocelyn Amiot (L 04), vétérinaire et vice-président du Groupement technique vétérinaire Bourgogne-Franche-Comté, lors de l'atelier de chirurgie bovine de la journée technique des GTV et AFVAC-BFC du 19 octobre 2023, à Beaune (Côte-d'Or).

Selon le conférencier, le traitement des arthrites relève plus de l’expérience acquise que de travaux publiés. Ainsi, l’intérêt de l’utilisation d’antibiotiques ne fait aucun doute, bien qu’il n’existe que peu de données concernant leur efficacité. C'est pourquoi, la commission vaches allaitantes de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) a élaboré des fiches de recommandations*. Avant de mettre en place un traitement d'antibiotiques, il est nécessaire de connaître le germe incriminé et donc de déterminer le spectre d’action désiré ainsi que le mode d’action de l’antibactérien. En pratique, le diagnostic est généralement tardif et, très souvent, la recherche de germes s’avère négative car il y en a peu dans le liquide synovial. Selon une étude de la faculté de Saint-Hyacinthe, à Montréal (Canada), les principales bactéries identifiées lors d'une arthrite sont les Trueperella pyogenes, les streptocoques, les staphylocoques et les entérobactéries.

Des signes cliniques spécifiques 

La majorité des arthrites concernent le boulet (32 %), le tarse (38 %) et le carpe (18 %). Elles peuvent être primaires (traumatismes directs), secondaires (suite à une infection) ou tertiaires (dissémination par voie hématogène). En général, chez le veau, elles sont liées à une autre infection, et leur diagnostic doit être précoce pour éviter la survenue de lésions cartilagineuses. À l'examen clinique, le veau présente généralement une boiterie sur un ou plusieurs membres, associée à un gonflement articulaire. Après avoir pris sa température, un examen orthopédique à distance, puis un autre rapproché, doivent être réalisés par le vétérinaire, afin d'éliminer les autres causes d'arthrite telles que les fractures. Chaque sabot est examiné et chaque articulation est mise en contrainte, en mouvement et en pression, pour repérer la douleur, la déformation ainsi qu'une mobilisation inhabituelle. Une comparaison doit être faite avec le membre controlatéral. Rarement réalisée en première intention, la récolte de liquide synovial peut permettre de confirmer l’arthrite septique. Elle est pratiquée dans les culs-de-sac synoviaux (zone de distension maximale) dans des conditions d’asepsie et de contention suffisantes. En cas d’arthrite, le liquide est trouble, facilement coagulable, mais la bactériologie est souvent négative, cela pour diverses raisons : animaux déjà traités, mauvaises conditions de prélèvement, arthrites non infectieuses. Par conséquent, même si cet examen est négatif, le diagnostic d’arthrite est considéré comme probable si la concentration en protéines totales est supérieure à 4,5 g/dL, si le comptage cellulaire est supérieur à 25 000 cellules/µL, et/ou si le comptage des neutrophiles est supérieur à 80 % des cellules et supérieur à 20 000 cellules/µL. En cas de doute, des radiographies du membre peuvent être pratiquées, sans oublier la radiographie du membre controlatéral pour comparaison. Pour les articulations plus profondes (hanche), une échographie peut être réalisée.

Intérêt du lavage articulaire

Pour traiter l'animal, en première intention, un traitement antibiotique doit être mis en place rapidement pour une durée d’au moins 10 jours, avec des antibiotiques de faible poids moléculaire (pénétration dans l’articulation) et ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette affection, comme la lincomycine, par exemple. Concernant les polyarthrites colibacillaires, l’utilisation des fluoroquinolones est justifiée sous réserve d'avoir réalisé un antibiogramme au préalable. En pratique, le vétérinaire intervient sur des veaux ayant reçu plusieurs traitements. Par ailleurs, pour les injections d’antibiotiques in situ (en intra-articulaire), il est rappelé qu'aucun antibiotique ne possède d’AMM pour ce mode d’injection. Et quant à la pose d’implants imprégnés d’antibiotiques, elle est inadaptée en médecine bovine. Pour prendre en charge la douleur, il est possible de recourir aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). L'usage des AIS (stéroïdiens) est quant à lui discuté. De plus, si l’animal est hébergé dans de bonnes conditions, l’immobilisation de l’articulation peut apporter un confort significatif à l’animal. En cas d’échec du traitement, il est possible de réaliser un lavage articulaire, avec le consentement du propriétaire. Cette technique est indiquée lors d'une infection articulaire en phase aiguë, sans dépôt de fibrine dans l’articulation. Pour cela, après avoir réalisé une tonte et un nettoyage chirurgical de la zone, des aiguilles (18 à 14 G) sont placées de part et d’autre de l’articulation, en suivant les repères anatomiques. Ainsi que l'a rappelé le conférencier, les articulations métacarpo- et tarso-phalangiennes sont composées chacune de deux articulations communicantes (latérale et médiale). Le carpe, quant à lui, comprend trois articulations (la radio-carpienne, l'intercarpienne, la carpo-métacarpienne), avec trois synoviales articulaires : la synoviale médio-carpienne et la synoviale carpo-métacarpienne (qui communiquent entre elles), et la synoviale antébrachio-carpienne. En ce qui concerne le jarret, il comprend quatre articulations (la tibio-tarsienne et l'intertarsienne proximale, communicantes, ainsi que l'intertarsienne distale et la tarso-métatarsienne). Au niveau du grasset, il y a trois articulations (la fémoro-tibiale latérale, la médiale et la fémoro-patellaire). Le lavage est réalisé à l'aide d'une solution de lactate de Ringer ou d'une solution salée isotonique (NaCl à 0,9 %), avec un volume à administrer de 1 litre minimum par articulation. Il faut veiller à l’absence d’extravasation de soluté en milieu sous-cutané et, pour augmenter la pression intra-articulaire et être plus efficace, le vétérinaire peut obturer temporairement l'aiguille. Après avoir retiré le matériel d'injection, l’articulation est ensuite protégée pendant 12 heures par un pansement. Jusqu’à trois lavages, à 24 heures d’intervalle maximum, peuvent être nécessaires.

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