Cancérologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Mylène Panizo Conférencière Vanessa Turinelli, diplômée de l’European College of Veterinary Clinical Pathology (ECVCP), pathologiste pour le laboratoire Idexx. Article rédigé d’après une webconférence organisée par Idexx, le 13 septembre 2023.
Les néoformations superficielles désignent les lésions nodulaires cutanées et sous-cutanées, les lésions des muqueuses, les lésions pariétales et les lésions lytiques du squelette. La cytologie est un examen complémentaire facilement réalisable, peu onéreux pour le propriétaire, et qui permet d’apporter de nombreuses informations sur la lésion.
Indications de l’examen cytologique
La cytologie est indiquée pour différencier un processus inflammatoire d’une néoplasie ; identifier l’origine cellulaire d’une tumeur ; rechercher des métastases (au niveau d’un ganglion par exemple) dans un contexte de tumeur primaire identifiée ; diagnostiquer la présence d’une récidive tumorale, en permettant de distinguer une réaction cicatricielle sur un site d’exérèse d’une récidive tumorale ; différencier le caractère bénin ou malin d’une tumeur. Enfin, dans certains cas, la cytologie permet d’orienter vers une procédure diagnostique plus précise.
Techniques de prélèvement
La cytologie nécessite peu de matériel. Il est recommandé de tondre puis de désinfecter la zone lésionnelle. Le prélèvement s’effectue généralement à l’aide d’une aiguille fine (0,6 mm) et d’une seringue de 5 ml. Il peut être parfois nécessaire d’utiliser un scalpel ou une pince. Plusieurs techniques existent, à adapter en fonction du type de lésion :
- Aspiration à l’aiguille fine : en cas de nodule, par exemple. Il est recommandé d’aspirer le contenu en changeant plusieurs fois de direction et de profondeur, avant de retirer l’aiguille et d’éjecter le matériel sur la lame.
- Carottage (sans aspiration) : en cas de nodule très vascularisé. Cela permet d’éviter qu’il y ait une contamination sanguine trop importante.
- Apposition : la lame est directement apposée sur la lésion. Cette méthode est à privilégier pour les lésions ulcérées ou sur une masse retirée chirurgicalement, qui sera ensuite envoyée pour analyse histologique.
- Raclage : en cas de lésion diffuse.
- Tampon ou écouvillon : en cas de lésion des muqueuses (gencives, etc.).
Quelle que soit la technique utilisée, le matériel prélevé est étalé délicatement sur des lames neuves, dégraissées et identifiées au crayon. L’étalement s’effectue à l’aide d’une autre lame neuve, puis le prélèvement est séché à l’air libre. Les lames sont ensuite colorées (principalement par la coloration de May-Grünwald-Giemsa).
Interprétations cytologiques
Les néoformations superficielles sont classées en cinq groupes :
1. Les lésions non néoplasiques et non inflammatoires : il s’agit de lésions dégénératives ou apparues après un traumatisme (hématome, hygroma), de kystes (apocrines, épidermoïdes ou folliculaires), d’hyperplasie glandulaire (sébacée ou mammaire), de mucocèle ou encore de sialocèle.
2. Les lésions inflammatoires : elles ont généralement une cellularité variable et un aspect hétérogène. Des cellules dysplasiques autochtones et/ou des cellules mésenchymateuses peuvent parfois être présentes. Les lésions inflammatoires peuvent être d’origine infectieuse ou non :
- Non infectieuses : granulome ou dermatite de léchage, réaction suite à la présence d’un corps étranger, à une injection ou une piqûre d’insecte, panniculite nodulaire, granulome linéaire, plaque éosinophilique, pemphigus foliacé, xanthome, etc.
- Infectieuses : abcès bactérien, cellulite par clostridies, actinomycose, nocardiose, mycobactériose, infections parasitaires. Dans le cas d’un granulome secondaire à une leishmaniose, la cytologie a une spécificité élevée pour diagnostiquer la leishmaniose mais a une sensibilité faible.
3. Les tumeurs : en cytologie, les tumeurs sont classées en fonction de leur origine. On distingue :
- Les tumeurs épithéliales : elles sont caractérisées par un prélèvement richement cellulaire, qui forme des amas cohésifs. Le noyau des cellules est plus ou moins excentrique, le cytoplasme est étendu, à contours nets, et des granulations ou des microvacuoles sont généralement présentes. Les carcinomes des glandes apocrines, les papillomes squameux, les tumeurs du follicule pileux sont des exemples de tumeurs épithéliales.
- Les tumeurs mésenchymateuses : le prélèvement est généralement faiblement cellulaire car ce sont des tumeurs qui desquament faiblement. Une matrice extracellulaire est souvent présente. Les cellules sont isolées ou groupées mais non cohésives ; elles sont souvent fusiformes aux limites cytoplasmiques floues et peuvent contenir des sécrétions. Les sarcomes des tissus mous, les sarcomes histiocytaires, les lipomes et les hémangiosarcomes en sont des exemples.
- Les tumeurs à cellules rondes : elles desquament facilement, la cellularité est élevée, les cellules sont isolées, rondes ou ovales, à contours nets et avec un fort rapport nucléocytoplasmique. Les histiocytomes cutanés bénins, les mastocytomes, les plasmocytomes, les lymphomes ou encore les sarcomes de Sticker sont des exemples de tumeurs à cellules rondes.
- Les tumeurs mélaniques, telles que les mélanomes, sont constituées de cellules d’aspect variable (cellules épithéliales et/ou mésenchymateuses et/ou à cellules rondes). Des granulations cytoplasmiques de mélanine peuvent être présentes, mais ce n’est pas toujours le cas.
Après avoir diagnostiqué la présence d’une tumeur, le pathologiste va rechercher des critères cytologiques de malignité. Le caractère bénin ou malin d’une néoplasie (qui se définit par la capacité d’une tumeur à induire des métastases) ne peut pas être affirmé avec certitude par la seule cytologie. L’absence de critère de malignité sur un compte rendu cytologique n’exclut donc pas la présence de métastases. La cytologie oriente seulement la suspicion de malignité, par la présence de certains critères au niveau de la population cellulaire (cellularité élevée, macrocytose, gigantisme cellulaire, index mitotique élevé, etc.), au niveau cellulaire (augmentation du rapport nucléocytoplasmique, noyaux irréguliers, hyperchromatisme, perte de différenciation, etc.) ainsi que par la présence de critères indirects (hémorragie, nécrose, phagocytose de matière tissulaire, etc.).
4. Les associations de lésions : des lésions inflammatoires peuvent par exemple être associées à des lésions dégénératives ou tumorales. Lorsqu’une inflammation et/ou une infection importante est observée, il ne faut jamais exclure la présence d’une néoplasie sous-jacente. Si la néoformation persiste après traitement de l’inflammation et/ou de l’infection, il ne faut pas hésiter à refaire une cytologie.
5. Les cas non diagnostiques : entre 5 à 10 % des prélèvements sont non interprétables, en raison du manque de matériel cellulaire ou parce que le prélèvement a été effectué dans une zone nécrotique. Un incident technique peut également être à l’origine des cas non diagnostiques : mauvais étalement, écrasement des cellules (pendant l’étalement), ou mauvaise fixation (par exemple, lorsque la lame est envoyée avec une histologie, les vapeurs de formaldéhyde empêchent la fixation cellulaire).