Vétérinaire « consultant en santé animale » : réalité ou mirage ? - La Semaine Vétérinaire n° 2014 du 08/12/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2014 du 08/12/2023

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Tanit Halfon

Dans le secteur de l’élevage, la transition du modèle de vétérinaire « pompier » vers celui de conseiller en élevage, davantage axé sur le préventif, est identifiée depuis longtemps comme un enjeu d’avenir professionnel. Sur le terrain, les vétérinaires y répondent sous différentes formes.

Michel Bouy (A 82)

Praticien rural à Barbières (Drôme)

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Le conventionnement est une solution

Tout le monde s'accorde à dire qu’il faut aller vers plus de conseils. Mais la mise en œuvre sur le terrain n’est pas simple et le sujet est toujours l’objet de débats. Mon activité a évolué en ce sens, dans le cadre d'un groupement conventionné. Les éleveurs, réunis en association, payent un forfait annuel qui englobe toute notre activité. L'existence de structures collectives (associations d'éleveurs et fédération*) permet la construction d'un véritable partenariat entre éleveurs et vétérinaires. Cela implique une montée en compétences des éleveurs, ce que nous proposons via des formations continues. Il faut aussi des praticiens pointus dans leur domaine. Une présence vétérinaire de proximité reste importante et est une vraie attente de la part des éleveurs. Il faut pouvoir répondre aux urgences quand elles se présentent. Ces interventions sont aussi intégrées dans la cotisation payée par les éleveurs. Dans ma zone, le dispositif de conventionnement a permis de pallier la disparition des vétérinaires ruraux.

Olivier Crenn (Liège 07)

Praticien rural à Cossé-le-Vivien (Mayenne)

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L’éleveur est un partenaire

Le secteur de l’élevage change. Le niveau de compétences des éleveurs augmente ; le cheptel se réduit ; la génétique des animaux évolue, permettant de limiter les problématiques obstétricales. Dans ce contexte, le nombre d’urgences diminue peu à peu sur le terrain. Pour ma part, au quotidien, je ne fais quasiment plus que du suivi d’élevages ; j'interviens rarement pour une situation d’urgence. L’approche vétérinaire doit s’adapter. C’est ce que nous faisons au sein de notre structure. Depuis une dizaine d’années, nous nous sommes engagés dans une démarche axée sur le préventif, avec une offre de services. Cela passe par une contractualisation, ce qui permet d’avoir une relation commerciale plus saine. Il y a un nouveau rapport de confiance avec l’éleveur, qui devient un vrai partenaire. Outre l’accompagnement vétérinaire, nous proposons aussi les services d’un d’ingénieur agronome pour le suivi des troupeaux. Si la pérennité de nos structures passe par cette évolution du métier, elle permet en même temps de gagner en attractivité pour les nouveaux diplômés vétérinaires.

Anouck Lemistre (T 02)

Praticienne porcine Chêne Vert à Châteaubourg (Ille-et-Vilaine)

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Le conseil est devenu majoritaire

Ma pratique a très significativement évolué vers une activité de conseil. Près de 80 % de mon temps y est dévolu, soit en moyenne 4 visites par an et par élevage. Le reste est consacré aux urgences. Nous avons développé des outils informatiques de suivi des élevages. Ils permettent de recenser plusieurs indicateurs de performance et de santé des animaux, incluant des données d’abattoir. Leur analyse est faite en collaboration avec des ingénieur(e)s ; cela permet d’identifier les problématiques spécifiques à chaque élevage. J’accompagne aussi les éleveurs sur des points précis d’amélioration des pratiques, par exemple sur la vaccination. Je peux intervenir en tant que conseiller sanitaire dans le cadre de projets de conception ou de restructuration des exploitations, en partenariat avec d’autres professionnels. Enfin, nous proposons des formations techniques et réglementaires. Les honoraires de cette activité de conseil sont en nette progression mais ne sont pas encore suffisamment corrélés au temps passé. Nos revenus dépendent encore beaucoup du médicament.