Choix des examens complémentaires en cas de diarrhée - La Semaine Vétérinaire n° 2016 du 05/01/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2016 du 05/01/2024

Gastro-entérologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière
Clémence Peyron (L 07), DESV médecine interne des animaux de compagnie, consultante médicale au laboratoire Idexx.

Article rédigé d’après la webconférence « Diarrhée : tous en selles ! », organisée par le laboratoire Idexx, le 16 mai 2023.

Lors de diarrhée, il importe de prendre chaque cas dans sa globalité pour pouvoir hiérarchiser les examens complémentaires et interpréter leurs résultats correctement, toujours à la lumière de l’état clinique de l’animal.

Diagnostic différentiel

Le recueil d’une bonne anamnèse est primordial. Il est important de connaître l’âge de l’animal, ses conditions de vie (présence de congénères et contagiosité potentielle, accès à l’extérieur), sa situation contextuelle (adoption récente, changement d’environnement), son alimentation (type, changement récent), ses antécédents et ses traitements éventuels.

La diarrhée peut être aiguë ou chronique (persistante au-delà de 14 jours et/ou récurrente) et associée à d’autres symptômes (vomissements, borborygmes, flatulences, etc.). Il faut identifier les facteurs de gravité : dysorexie, déshydratation, amaigrissement, anémie, mortalité dans un élevage, etc. La distinction entre une diarrhée du grêle et une diarrhée du côlon n’est pas toujours aisée. En général, la présence de sang et de mucus oriente vers une diarrhée du côlon, tandis qu’une perte de poids, une stéatorrhée et du méléna indiquent plutôt une diarrhée du grêle.

Les diarrhées sont souvent multifactorielles (voir tableau). Selon le contexte, il faudra explorer les causes infectieuses (à rechercher en premier chez un jeune animal), les causes extra-digestives (à rechercher en premier chez un animal âgé, à partir d'un bilan sanguin, d'une analyse d’urine, etc.), les causes alimentaires. Dans un second temps, des examens complémentaires plus poussés peuvent être nécessaires.

Examens complémentaires spécifiques

- Coproscopie. Deux techniques sont utilisées pour mettre en évidence des parasites dans les selles : la flottation (les œufs des parasites sont identifiés selon leur densité. Cela permet de visualiser des œufs d’helminthes, notamment) ou la sédimentation (lorsque les œufs sont trop denses pour flotter ou s’abîment vite comme pour les ookystes de Giardia, les œufs de Spirocerca, etc.). Il convient de veiller à avoir suffisamment de matière en cas de selles liquidiennes car les agents infectieux risquent d’être dilués. Des contaminations sont possibles lorsque les selles sont ramassées au sol. Elles doivent être analysées le plus rapidement possible, à défaut être conservées au réfrigérateur, afin d’éviter que les œufs sporulent ou s’embryonnent. Les Giardia et les Tritrichomonas ne survivant pas dans les selles, il faut donc réaliser la coproscopie au chevet du patient. Il n’y a pas d’intérêt à recourir à cet examen chez un animal vermifugé, sauf si une réinfestation ou une résistance au traitement est suspectée. Les cryptosporidies et les autres coccidies peuvent être présentes en faible quantité sans être la cause primaire de la diarrhée.

- Tests antigéniques. La technique ELISA permet de détecter des antigènes des vers adultes avant même la ponte d’œufs (ankylostomes, trichures, ascaris, dipylidium). Elle permet donc un diagnostic plus précoce (d’environ un mois) par rapport à la flottation et elle est plus fiable (l’excrétion des œufs étant intermittente). Les antigènes de Giardia et Cryptosporidium peuvent également être recherchés par cette technique.

- Technique PCR (réaction en chaîne par polymérase). Elle détecte le matériel génétique de l’agent pathogène, qu’il soit vivant ou mort. Plusieurs types d’agents infectieux peuvent être recherchés (Campylobacter, toxines de Clostridium, coronavirus, parvovirus, Giardia, Salmonella, Tritrichomonas, etc.). Il n’est pas toujours facile de savoir si l’agent identifié par PCR est la cause de la diarrhée. D'autant qu'il peut y avoir des faux positifs : par exemple, une PCR Giardia peut être positive plus de trois semaines après un traitement (le parasite est mort mais il est encore détectable). À l’inverse, une PCR peut être négative si elle est faite trop tard, par exemple sur un animal déjà sous traitement.

Enfin, rappelons que la présence de coronavirus est très fréquente chez les jeunes chats. Ce virus peut être responsable à lui seul d’une diarrhée, mais ce n’est pas systématiquement la cause primaire.

- Bactériologie. Le microbiote digestif est composé en grande partie de bactéries anaérobies. La mise en culture de ces bactéries en laboratoire est difficile. L’examen bactériologique des selles est complexe à interpréter car de nombreuses bactéries sont physiologiquement présentes dans le tube digestif. L'Escherichia coli hémolytique est par exemple fréquemment présente dans les selles, et ce dans les mêmes proportions tant chez des chiens sains que chez ceux atteints de diarrhées. Dans les cas de diarrhées bactériennes (Salmonella, Campylobacter, Yersinia), les selles sont généralement hémorragiques. L’apparition de la diarrhée est suraiguë, associée à une fièvre et à un abattement sévère. 
La PCR peut être complémentaire, par exemple dans le cas de Clostridium perfringens : ces bactéries sont présentes dans le tube digestif des chiens sains, mais la PCR permet de les quantifier. Le dépassement des valeurs seuils permet de suspecter son implication dans l’apparition d’une diarrhée.

- Imagerie médicale et histologie. La sensibilité de l’échographie réalisée par un spécialiste en imagerie médicale pour détecter une maladie inflammatoire chronique du tube digestif est évaluée à 80 %. Il existe donc près de 20 % de faux négatifs chez les spécialistes, pour environ 40 % en pratique générale, car l’absence d’épaississement de la muqueuse intestinale ou de modification échographiquement visible du tube digestif ne permet pas d’exclure une entéropathie.

L’endoscopie permet de visualiser la muqueuse intestinale, mais certaines lésions ne sont pas visibles macroscopiquement. Il faut donc systématiquement réaliser des biopsies (en vérifiant auparavant que l’animal pourra bien cicatriser, notamment en dosant son taux de protéines normal). Si les biopsies n’ont pas donné de résultat et que l’animal présente toujours des symptômes, de nouveaux prélèvements peuvent être entrepris sur d’autres localisations.

- Dosage des folates et de la vitamine B12. Il est utile pour orienter la démarche diagnostique et thérapeutique. Le dosage des folates permet de situer la lésion (proximale versus distale) et de suspecter une dysbiose. Un animal carencé en vitamine B12 doit être complémenté. Le dosage de l’acide méthylmalonique, un maillon de la chaîne métabolique impliquant la vitamine B12, permet de diagnostiquer une carence en B12 au niveau cellulaire. Par ailleurs, il est utile chez les patients ayant un dosage de la B12 sanguine subnormal, avant d'effectuer une complémentation. 

- Dosage de la TLi (trypsinogène). Il permet de diagnostiquer une insuffisance du pancréas exocrine. Le taux de cette protéine peut rester bas même pendant la complémentation : l’efficacité du traitement doit s'appuyer sur la réponse clinique. Une TLi élevée n’est pas interprétable car ce résultat ne suffit pas à diagnostiquer une pancréatite.

- Index de dysbiose. Il permet d’étudier les proportions de 7 groupes de bactéries clés. Un index inférieur à 0 correspond à une valeur normale, un index entre 8 et 10 indique une dysbiose sévère. Cet indicateur est plus fiable que le dosage de la vitamine B12 et des folates pour étudier le microbiote intestinal. Toutefois, un index de dysbiose modifié est la conséquence d’une affection digestive, mais n'en est pas la cause, même si la dysbiose peut participer aux signes cliniques. Par ailleurs, un traitement pour une maladie inflammatoire chronique peut ne pas être efficace en cas de dysbiose sévère. Reste que l'index de dysbiose est particulièrement intéressant (tant pour le donneur que pour le receveur) lorsqu’une transplantation fécale est envisagée, comme dans le cas d'une diarrhée persistante post-giardiose chez un jeune animal ou de rechute d’entéropathie répondant au métronidazole, par exemple.