Nutrition clinique
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Claire Marion
Une étude pointe du doigt la tendance des propriétaires de chiens et de chats à sous-estimer l'état physiologique de leurs animaux, notamment lorsque ceux-ci sont en surpoids. Aussi, le praticien se doit-il de trouver des moyens pour les aider à améliorer leurs perceptions corporelles, afin d’optimiser la santé des animaux.
Entre 2020 et 2022, une équipe de vétérinaires et de chercheurs français a interrogé des propriétaires d’animaux, lors de consultations vaccinales des écoles vétérinaires de Toulouse et de Maisons-Alfort, sur leur perception de l’état corporel de leur animal. Les résultats qui viennent d’être publiés1 corroborent ceux d'études menées dans d'autres pays2,3, et sont sans appel : si les propriétaires savent en majorité donner le poids de leur animal à 10 % près (pour 79 % des propriétaires de chiens et 61 % des propriétaires de chats), ils ne savent pas forcément l’interpréter en l'associant à un état d’embonpoint. En effet, dès lors qu’il est demandé aux propriétaires de caractériser l’état corporel de leur animal via une échelle verbale (« très maigre », « un peu maigre », « idéal », « un peu gros », « très gros »), un tiers d’entre eux (33 % des propriétaires de chiens et 37 % des propriétaires de chats) sont en désaccord avec le vétérinaire. Et pour la grande majorité, il s’agit d’une sous-estimation de l’état corporel réel de l'animal. Il est même intéressant de constater que plus le surpoids de l’animal est important, plus les propriétaires sont nombreux à le minimiser. Ainsi, 66 % des propriétaires de chiens et 64 % des propriétaires de chats en surpoids (mais non obèses) sous-estiment l’état corporel de leur animal, alors qu’ils sont respectivement 100 % et 83 % lorsque l’animal est obèse.
Des outils spécifiques à disposition
Or le surpoids est un facteur favorisant ou aggravant de nombreuses maladies : diabète, troubles cardiaques, urinaires ou ostéoarticulaires. Mais il est également un facteur de réduction de l’espérance de vie4,5. Aussi, le praticien a-t-il un rôle à jouer dans cette prise de conscience nécessaire de la part du propriétaire, pour optimiser la santé de l’animal.
Afin d’améliorer la détermination de l’état corporel de l’animal, l’utilisation d’une échelle à 9 points est vivement recommandée. Ce système de notation, développé par le laboratoire Nestlé Purina, figure dans les directives nutritionnelles de la World Small Animal Veterinary Association (WSAVA)6. Il comporte notamment une série de visuels de chiens ou de chats, associés à des notes d'état corporel (NEC) allant de 1 à 9, ainsi que des éléments descriptifs (voir ci-contre).
Dans l’étude précitée, plus de la moitié des propriétaires est restée en désaccord avec l’évaluation des vétérinaires, même en utilisant l’échelle à 9 points. Néanmoins, en l’utilisant, les propriétaires ont mieux identifié l’excès de poids chez les animaux concernés et ont été plus précis dans l'évaluation de l'état corporel de leur animal.
Pour aider le praticien à donner des repères au propriétaire, d’autres outils intéressants existent. Citons par exemple le mannequin de palpation mis au point par Royal Canin (voir photo) : celui-ci permet d’expliquer concrètement au propriétaire comment déterminer le score corporel de son animal à l'aide de la palpation (côtes, couche graisseuse éventuelle, etc.).
Aborder l’état corporel de l’animal en consultation
L’un des gestes clé à adopter en pratique est la pesée systématique de l’animal lors de la consultation, et ce dès son plus jeune âge. Les valeurs doivent être consignées dans le carnet de santé de l’animal, afin que le propriétaire puisse y avoir accès, et non pas uniquement dans le logiciel de la clinique. Le vétérinaire doit également encourager le propriétaire à peser régulièrement son animal à la maison ou à venir le faire à la clinique. En s’appuyant sur ces données chiffrées, le vétérinaire pourra aborder plus facilement et plus précisément auprès du propriétaire un problème de changement de poids. En cas de surpoids éventuel, cela facilitera également la motivation du propriétaire et l'observance des consignes lors de la mise en place de régimes.
L'idéal est également de noter le score corporel de l'animal en utilisant l'échelle à 9 points et de le présenter au propriétaire. Ceci afin que ce dernier, au-delà du poids lui-même, puisse prendre conscience d'un excès pondéral éventuel. En effet, une précédente publication avait montré que lorsqu'un propriétaire a une perception erronée du score corporel de son animal, il a tendance à mal interpréter les tableaux de rationnement, et donc à potentiellement aggraver un surpoids déjà existant7.
Le vétérinaire doit cependant adapter son discours en fonction de la réceptivité du propriétaire. Comme mentionné dans l'étude, « l’humanisation des animaux » est fréquente de nos jours et, pour un propriétaire, donner de la nourriture à son animal est bien souvent une démonstration d'affection, un plaisir qu’il partage avec lui. Dans l'étude, plus de deux tiers des propriétaires de chiens en surpoids et près de la moitié des propriétaires de chats en surpoids souhaitaient maintenir tel quel le poids de leur animal. Pour certains, il y a une forme de déni, et la prise de conscience d’un excès de poids peut être longue et complexe. Mettre en place un régime pour un animal dont le propriétaire est peu réceptif au problème de poids de son animal sera la plupart du temps un échec. Mieux vaut dans ces cas-là prévoir plusieurs visites et commencer par donner des éléments factuels sur les risques du surpoids pour la santé de l'animal, avant d'envisager la mise en place d'un plan de perte de poids.