EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
Les 19 et 20 mars prochains, la chaire Bien-être animal1 de VetAgro Sup, en collaboration avec l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, organise une formation2 sur l’entraînement aux soins des bovins. Une approche qui peut concerner les éleveurs comme les vétérinaires.
Julien Herla (Liège 08)
Praticien en rural, formé à l’ostéopathie et président des GTV des Pays de la Loire
Bien « cerner » l'animal avant de le soigner
Cette formation apporte notamment des connaissances en éthologie, c'est-à-dire sur les comportements de cette espèce animale. Décoder les codes d’expression d’un bovin (signes de stress, de douleur, etc.) n’est pas un savoir inné, cela s’apprend, pour les vétérinaires comme pour les éleveurs. Il me semble donc intéressant d’être pleinement capable d’évaluer l’état d’un bovin, de savoir l’approcher, de prévoir ses réactions, pour pouvoir ensuite bien le soigner… Le deuxième point important, c’est que l’éleveur devient aujourd’hui de plus en plus « l’ infirmier » de son troupeau. Il peut lui arriver d'échanger avec son vétérinaire grâce à des SMS ou par téléphone. Dans certains cas, il est amené à réaliser lui-même certains gestes techniques, comme des injections ou un drenchage. Ce sont des compétences qui peuvent être utilement corrélées à de bonnes façons de faire. L’enseignement de Pauline Garcia, comportementaliste animalier, nous rappelle aussi que chaque vache est un « individu », avec « sa » manière spécifique d’exprimer une maladie, sa génétique, son âge et sa propre histoire, à prendre en compte.
Jean-Baptiste Genest (N 15)
Praticien mixte à Saint-Aubin-du-Cormier (Ille-et-Vilaine)
Des bovins plus dociles et moins peureux
Ayant visionné sur YouTube une vidéo de Pauline Garcia sur l’enrichissement de l’environnement, j’ai ciblé dans ma clientèle, en production laitière, dix éleveurs déjà proches de leurs animaux, pour leur proposer de participer à une journée de formation avec elle, en juin 2023. Six sont venus, et cinq ont mis en pratique dans leur ferme une partie de ses conseils. Par exemple, ils ont placé des jouets pour les veaux dans les box collectifs. Les vaches comme les veaux ont désormais des brosses contre lesquelles ils viennent se gratter. L’étape d’après, c’est celle du « medical training»… Tout cela est intéressant, avec cependant pour principale limite celle du temps. Car certains éleveurs ont une centaine de vaches et il faudrait pouvoir établir un contact individuel avec chacune. C’est aussi une question d’envie, mais j’estime que 80 % de ce travail relève plutôt de l’éleveur… Le vétérinaire, lui, peut apprendre à mieux approcher l’animal, en limitant au maximum l’apport d’un stress supplémentaire. Ces méthodes mériteraient d’être mieux connues, tant dans le monde agricole que vétérinaire.
Jocelyn Amiot (L 04)
Praticien mixte à dominante bovine à Épinac (Saône-et-Loire)
Redevenir plus proche des animaux
Lors d’une journée du GTV Bourgogne-Franche-Comté, nous avons demandé à Pauline Garcia d’intervenir, notamment car nous constatons que certains éleveurs ont de la difficulté à manipuler leurs animaux. Comme les charolaises passent beaucoup de temps au pré, c’est important que l’homme puisse continuer à les y approcher ! Par exemple, pour leur administrer certains traitements contre les mouches. Il est fondamental que l’éleveur passe du temps à sociabiliser ses animaux dès leurs 3 à 4 premiers mois de vie. Le plus gros du travail est à effectuer en post-sevrage, entre 10 et 18 mois, en particulier pour les génisses futures reproductrices. Quelques conseils ont aussi été rappelés aux praticiens, comme de ne pas porter de vêtements flashy réfléchissants et de préférer ceux plutôt sombres. Ou encore, de marcher doucement pour limiter le stress du bovin. J’ai été agréablement surpris de voir que non seulement de nombreux praticiens ont assisté à cet atelier, mais qu’ils ont visiblement écouté avec attention l’intervention. Même ceux ayant plus de trente ans de métier derrière eux !