Chat et petite faune sauvage : une cohabitation impossible ? - La Semaine Vétérinaire n° 2018 du 26/01/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2018 du 26/01/2024

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Tanit Halfon

Le chat peut se voir accusé d’aller à l’encontre des enjeux écologiques de notre époque. Parmi eux, la préservation de la biodiversité. En effet, en tant que prédateurs, les félins sont considérés comme des menaces pour la petite faune sauvage, études à l’appui.

Mathilde Guillon (A 17)

Praticienne en exercice exclusif en médecine du comportement 

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Des solutions pour le chat domestique

Le comportement de prédation fait partie du répertoire comportemental du chat. Dès 4 à 6 semaines, le chaton commence à jouer avec des objets inanimés ; par la suite, se mettent en place des séquences de prédation de proies pouvant être apportées par la mère. Par ailleurs, le chat a tendance à se spécialiser dans un type de proie. On sait notamment qu’il peut faire des dégâts dans les zones où il n’est pas endémique, comme en Australie*. De ce point de vue, il peut apparaître comme un ennemi de la biodiversité. Toutefois, les solutions existent. Des chats correctement nourris et qui ont la possibilité de jouer avec des objets inanimés permettant l’expression du comportement de prédation, vont moins chasser s’ils ont accès à l’extérieur. Restreindre cet accès, dans le temps et l’espace, permet aussi de réduire la chasse, avec des proies qui finiront par moins fréquenter les zones de vie identifiées du chat. Au final, la vraie problématique ne vient pas du chat familiermais plutôt du chat errant. Ces individus non stérilisés peuvent aussi s’hybrider avec des chats sauvages, participant à une disparition d’espèces.

Emmanuelle Gilot-Fromont (L 92)

Professeure en épidémiologie à Vet Agro Sup, membre du conseil scientifique de l’Office français de la biodiversité

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Un impact variable suivant le contexte local

Le nombre de proies capturées par les chats est considérable : il est estimé à plusieurs milliards d’oiseaux et de mammifères par an aux États-Unis. Mais ces données ne suffisent pas pour caractériser l’impact réel de cette prédation sur des populations, laquelle est probablement très variable d’un territoire et d’une espèce à l’autre. Dans un contexte insulaire, à l’écosystème plus fragile, c’est certainement plus marqué : à La Réunion par exemple, les chats tueraient environ 900 pétrels de Barau par an, sachant que cette population d’oiseaux marins est estimée à 5 000 individus. Le chat peut exercer aussi une pression infectieuse sur la biodiversité. En Californie par exemple, on observe des cas de toxoplasmose chez des otaries, en lien avec la dissémination par les chats des oocystes dans l’environnement. Dans les populations de félins, ce sont toutefois les chats harets et errants qui posent le plus de problèmes. Des solutions existent pour le chat familier, mais elles ne sont pas miraculeuses. Par exemple, on évitera de le laisser sortir toute la journée. Détenir moins de chats est aussi une solution à envisager.

Sophie Le Drean-Quenec’hdu (N 93)

Praticienne canine à Melesse (Ille-et-Vilaine), présidente de la commission environnement-faune sauvage de la SNGTV

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Le chat n’est pas le seul facteur de déséquilibre

En tant que prédateur, le chat apparaît comme un facteur potentiel de déséquilibre des écosystèmes, d’autant plus qu'il me semble que les populations de chats domestiques augmentent… mais il n’est absolument pas le seul. N’oublions pas la part liée à l’urbanisation de nos territoires et à la densification de nos villes. Par ailleurs, il convient aussi de faire le distinguo entre les chats familiers – qui n’ont pas tous accès à l’extérieur, et qui ne chassent pas tous non plus – et les chats errants, dont l’impact sur la faune sauvage pourrait être plus important. En effet, leur reproduction n’est pas maîtrisée et leur accès à des ressources alimentaires n’est pas garanti. De fait, pour pouvoir envisager une bonne cohabitation, cela passe forcément par une politique de gestion des populations de chats errants, ou pseudo-errants (non stérilisés, nourris de façon aléatoire). Ce serait bien également que les détenteurs de chats soient sensibilisés sur ce sujet. Dans cette optique, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a élaboré des affiches et guides présentant des moyens pour limiter la prédation de nos félidés, surtout à l’encontre des oiseaux. Affiches que l'on peut placer dans nos salles d'attente.

  • *D’après une étude publiée en mai 2020, chaque chat, en Australie, tue 186 animaux par an en moyenne.