IAHP
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Les objectifs de la vaccination contre l’influenza aviaire hautement pathogène sont globalement atteints. Un des principaux enjeux est de s’assurer des bonnes pratiques vaccinales.
Le 1er octobre dernier était lancée la campagne de vaccination des canards contre l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Une vaccination rendue obligatoire pour tous les élevages commerciaux de plus de 250 canards. Les vétérinaires sanitaires sont chargés de sa supervision par mandatement. Plus de trois mois après, le bilan est positif. Dans le Sud-Ouest, François Landais (Liège 04), vétérinaire à Arzacq-Arraziguet (Pyrénées-Atlantiques), détaille : « Notre cabinet supervise la vaccination d’environ la moitié des canards gras français1. Dès le début de la campagne, nous avons réussi à vacciner 100 % des lots concernés, c'est-à-dire ceux mis en place à partir de la mi-septembre ». En sachant que sur l'ensemble de sa clientèle, il y a environ 1 million de canards mis en place tous les mois. Ceci ne s'est pas fait sans certains ajustements : « Nous avons recruté deux vétérinaires équivalents temps plein supplémentaires, en complément de notre équipe de base de 7 vétérinaires officiant en filière avicole, uniquement afin qu'ils assurent les visites de surveillance post-vaccinale. Nous avons aussi engagé du personnel administratif, à raison de près de trois équivalents temps plein ». Aucun problème d’approvisionnement n’a été à déplorer. Du côté du Grand Ouest, le constat est globalement le même. Julien Flori (N 93), vétérinaire avicole pour le cabinet Chêne Vert de Châteaubourg (Ille-et-Vilaine), détaille : « Nous nous occupons de 20 % des canards (filières gras et à rôtir) de France, sachant que, par rapport au Sud-Ouest, dans notre zone, ils sont regroupés au sein d’élevages de grande taille. Afin d’absorber le surplus de travail, nous avons fait appel à des étudiants de dernière année. »
Des chantiers de vaccination audités
En octobre, le travail était focalisé sur les chantiers de vaccination. Dans le Grand Ouest, en prévision de leur lancement, il avait été décidé de dédensifier les zones les plus à risque dès l’été2 – soit 45 communes situées aux alentours de la Vendée –, afin de repartir uniquement avec des animaux vaccinés en octobre. Ainsi, la mise en place des canetons a été stoppée au 3 juillet 2023.
La vaccination est surtout effectuée par des sociétés spécialisées3, le vétérinaire ayant la responsabilité de son bon déroulé, notamment via la formation des prestataires et le suivi des pratiques. Ce suivi repose avant tout sur des audits des chantiers de vaccination – avec un objectif de 10 % d’élevages audités – et sur l’analyse des comptes rendus des chantiers de vaccination rédigés par les équipes. Dans les Pays de la Loire, Samuel Sauvaget (N 06), vétérinaire du réseau Cristal, détaille : « Faire un audit, cela veut dire être présent dans l’élevage pendant 1h à 1h 30, afin de vérifier les modalités concrètes de la vaccination et la rapidité du chantier ». Parmi les 400 élevages qui composent leur clientèle, ils ont ainsi pu auditer une centaine de chantiers, dont 80 % l'ont été lors du seul mois d’octobre. Julien Flori précise que « seules quelques non-conformités mineures ont été relevées, par exemple des flacons insuffisamment réchauffés ou des opérateurs qui auraient pu se piquer, mais aucune non-conformité majeure ».
Des visites de suivi après vaccination
À partir de novembre, des visites de suivi post-vaccinales sont venues s'adjoindre aux audits. Il s'agit d'une surveillance active4 avec une analyse virologique mensuelle (écouvillonnage sur 60 volailles vivantes), associée à un examen clinique, permettant de détecter toute circulation de souches sauvages au sein des populations vaccinées. Et donc de pouvoir sécuriser les échanges commerciaux. S’ajoute un examen sérologique (prélèvement sanguin sur 20 volailles vaccinées de chaque lot) avant le départ des animaux en atelier de gavage ou en abattoir, pour contrôler l’immunité. « Une journée par semaine est consacrée aux visites, indique Samuel Sauvaget. Ce qui comprime le temps pour réaliser le reste du travail, d’autant que la vie des élevages de dindes et de poulets a repris son cours ». L’instruction technique5 associée à la vaccination indique aussi que la supervision vétérinaire repose également sur la réalisation d’autocontrôles de la bonne prise vaccinale. Ce point est d'une haute importance : il permet indirectement de s’assurer des bonnes pratiques des vaccinateurs, et plus généralement de prévenir les échecs vaccinaux. Comme l'explique François Landais : « Nous procédons à des analyses sérologiques supplémentaires à 2 mois, dans environ 20 % des lots vaccinés, et nous recoupons par la suite les résultats avec les éventuelles non-conformités mentionnées sur les comptes rendus de vaccination ou rapportées par les éleveurs. C’est riche d’enseignement : par exemple, on s’aperçoit que dans les situations de vaccination à cadence rapide, il y a 1 à 2 prises de sang sur 10 où le taux d’anticorps est faible. Ce qui montre qu’il y a vraisemblablement des équipes qu’il faut davantage accompagner. »
Toute cette supervision vétérinaire va de pair avec un travail administratif de remontée d'informations via la plateforme Calypso pour la traçabilité des vaccins, des élevages vaccinés, des visites, et pour la remontée des non-conformités… À ce sujet, Julien Flori déplore toutefois ne pas recevoir les résultats des analyses de la part des laboratoires agréés. « Cela serait intéressant de savoir s’il y a une circulation de virus faiblement pathogène, par exemple ».
Une vigilance de mise
Malgré toutes les précautions, il peut toutefois y avoir des trous dans la raquette : dans le premier foyer vendéen qui concernait un élevage vacciné, l'analyse sérologique n'a été faite qu'au moment de la suspicion, sur des animaux de plus de 70 jours. Elle avait alors révélé des titres en anticorps bas et hétérogènes, avec 50 % des cas jugés incompatibles avec une bonne prise en charge vaccinale. Il est cependant à noter que ce foyer avait connu un épisode d’infection bactérienne entre les deux doses vaccinales.
Et la suite ? Il y a déjà « l’enjeu de pouvoir tenir sur la durée », souligne Samuel Sauvaget. D’autant plus qu’un changement de protocole a eu lieu début décembre avec l’ajout d’une 3e dose obligatoire pour les mulards des zones à haut risque du Grand Ouest et du Grand Sud-Ouest, suite au constat d’une baisse d’immunité chez les canards à durée de vie longue. « On aurait pu la généraliser à tous les canards, mais il y avait le facteur limitant de la main-d’œuvre. C’est un compromis, dans une zone donnée, et aussi possiblement pour un temps donné. On devrait revenir à une charge de travail plus raisonnable courant printemps », explique François Landais. En attendant, aujourd’hui, la vigilance est de mise. « La pression environnementale vis-à-vis de l’influenza est à son maximum. Nous sommes en très grande vigilance pour les semaines qui viennent », prévient Julien Flori, avant d'ajouter que : « La stratégie mise en place est la bonne. Nous avons pu vacciner 9,7 millions de canards sur 10 semaines. Si on suit cette tendance, on aura vacciné 56 millions de canards en un an, ce qui est proche de l'objectif fixé de 64 millions. Mais n’oublions pas que les palmipèdes ne représentent que 7 % de la population des volailles en France ».
À la date du 14 janvier 2024, seuls 9 foyers d'infection en élevage ont été confirmés, dont 2 dans des élevages vaccinés (totalement ou partiellement). L’année dernière, à la même époque, on comptait plus de 200 foyers infectieux.
Un nouvel appel d'offres
Le vaccin utilisé est le Volvac B.E.S.T AI+ND du laboratoire Boehringer Ingelheim. Le laboratoire a livré 80 millions de doses. Pour la suite de cette campagne de vaccination, un nouvel appel d’offres a été lancé en décembre. Les laboratoires ont jusqu’à fin janvier pour y répondre.