Basse-cour
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Alexis Kiers (T 05),
membre de l’American College of Poultry Veterinarians (ACPV), Dr Bassecour vétérinaire (drbassecour.fr)
Les propriétaires de petits élevages et de basses-cours vaccinent très rarement, pour des raisons plus ou moins valables. Dans ces conditions, le vétérinaire doit avoir un discours bien rodé pour convaincre de son bénéfice. Vacciner un petit élevage de volailles reste abordable si on sait cibler les maladies.
Raisonner la vaccination
Face à des détenteurs d’animaux hésitants, il convient de rappeler que la vaccination permet de prévenir l’apparition de maladies infectieuses, et donc de protéger la production d’œufs, d’assurer une croissance optimale, de prévenir la mort de précieux animaux reproducteurs et de permettre la participation aux salons d'expositions d’oiseaux. Cependant, elle n’empêchera pas l’infection ou l’excrétion du microbe sauvage, de même qu'elle ne procure qu'une immunité effective (et non pas stérilisante). Le risque de transmission de l'agent pathogène à des animaux non vaccinés ou vulnérables reste donc présent.
La vaccination permet de restreindre l’utilisation d’antibiotiques et donc le phénomène d’antibiorésistance, tout en limitant l’apparition de zoonoses, notamment pour la salmonellose. Pour les vaccins bactériens, les meilleurs exemples sont les vaccins contre Escherichia coli, Mycoplasma gallisepticum, Riemerella anatipestifer ou encore Pasteurella multocida. Pour les vaccins viraux, la réduction de l'usage des antibiotiques découle du fait que les manifestations cliniques des maladies virales sont généralement associées à des co-infections, l’agent pathogène viral agissant comme un déclencheur. Un des exemples typiques est le coryza des poules*.
La grande majorité des propriétaires des basses-cours n’ont pas besoin de vacciner leurs volailles contre toutes les maladies existantes. Il est plus judicieux de cibler les maladies pour lesquelles la vaccination apportera un bénéfice, en fonction de l’évaluation du risque d’exposition à l’agent pathogène concerné. Les troupeaux réputés « fermés », c’est-à-dire sans introduction de nouveaux animaux et sans retour d’animaux partis en salon d'exposition, présentent un risque très réduit d’apparition de maladies.
En pratique, la vaccination ne devrait être envisagée que si :
- Le cheptel présente des antécédents d’une maladie.
- Les oiseaux sont mis en contact avec d'autres individus, par exemple lors d'expositions avicoles, d’échanges ou de contacts avec des oiseaux sauvages, de l'introduction de nouveaux animaux au cheptel existant.
Le cas de la maladie de Marek
La maladie de Marek est due à un herpèsvirus qui affecte uniquement Gallus gallus. Elle est présente de manière endémique sur le territoire. Le virus est omniprésent et se propage via les squames de plumes. La vaccination est très fortement recommandée dans les élevages reproducteurs. Cependant, le protocole est contraignant, particulièrement pour les basses-cours avec une reproduction non maîtrisée, c'est-à-dire avec des petits groupes de poussins qui éclosent régulièrement. En effet, la seule façon efficace de protéger les oiseaux est d’établir une immunité très précoce en vaccinant à 1 jour d’âge, par voie sous-cutanée. Le coût de la vaccination est également un frein.
En France, les vaccins disponibles sont imparfaits pour un usage en basse-cour. En effet, un seul vaccin est lyophilisé, le MD VAC LYO (Zoetis). Les autres doivent être conservés dans l’azote liquide, qui est difficile d’utilisation. De plus, il existe 3 sérotypes du virus de la maladie de Marek, et le vaccin MD VAC LYO ne protège que contre le sérotype 3.
En pratique, si la maladie de Marek est diagnostiquée, il est conseillé, dans un premier temps, de mettre en place des mesures de bio exclusion afin de limiter au maximum la transmission du virus (via les poussières de plumes) aux très jeunes oiseaux. Les jeunes seront séparés des adultes pendant au moins leurs quatre premiers mois, ce qui correspond à la période de sensibilité maximale des oiseaux au virus. Ensuite, l’éleveur a fortement intérêt à organiser la reproduction et à regrouper les éclosions pour n’avoir que 2 ou 3 lots de poussins à vacciner par an. Certains éleveurs ont la possibilité de mettre leurs œufs dans des incubateurs commerciaux ou de les rassembler dans un couvoir centralisé, ce qui facilite la vaccination.
Les autres vaccins utiles
La vaccination contre le virus de la maladie de Newcastle est obligatoire pour les volailles et les pigeons qui participent aux expositions. Des vaccins inactivés et vivants avec une AMM pour les pigeons, dindes et/ou poules sont disponibles. Il n’y a pas de vaccin pour les autres espèces de volailles.
Deux vaccins sont commercialisés en France contre la variole aviaire, le vaccin vivant Diftosec (Boehringer Ingelheim) et le vaccin vivant recombinant Vectormune FP ILT+AE (Ceva). Ce dernier protège contre la variole aviaire, mais aussi contre la laryngotrachéite infectieuse et l’encéphalomyélite aviaire. Il est conseillé de vacciner les volailles de basse-cour avant la saison de variole, qui a lieu en fin d’été et au début de l'automne. Le Diftosec peut être utilisé en vaccination d'urgence en cas de signes cliniques de variole aviaire, car c’est une maladie d’évolution lente (3-4 semaines). Le Vectormune FP ILT+AE ne doit pas être administré pendant la période de reproduction ni pendant les 4 semaines qui la précédent, car le virus vaccinal peut contaminer les poussins et provoquer l’apparition d’encéphalomyélite aviaire.
Le coryza des volailles peut être causé par plusieurs agents pathogènes, agissant souvent de concert. Il existe en France des vaccins efficaces et à des prix abordables pour prévenir certaines maladies. Avant d’engager une vaccination, il est fortement conseillé de faire un diagnostic de l’agent infectieux en cause. Par exemple, inoculer le vaccin contre la maladie de Newcastle alors que le troupeau est réellement infecté par le virus de la bronchite peut aggraver les signes cliniques de la maladie.
Tous les vaccins vivants contre les maladies respiratoires peuvent être administrés par voie oculonasale. Cette méthode, dite "goutte dans l’œil", est très bien adaptée aux élevages à petits effectifs : une goutte contenant une dose doit être appliquée d'une hauteur de quelques centimètres dans la narine ou dans l'œil. La personne vaccinante doit s'assurer que la goutte nasale a bien été inhalée par l'oiseau.
Les règles d’usage
- Manipulez les vaccins avec précaution et protégez-les de la chaleur et de la lumière directe du soleil.
- Consultez systématiquement la notice, notamment pour vérifier la voie et l’âge d’administration.
- Ne vaccinez que les volailles âgées de plus de 10 jours, car vacciner avant cette date ne produira probablement pas une immunité uniforme ou durable. La seule exception, en élevage de basse-cour, est le vaccin contre la maladie de Marek, qui est généralement administré le jour de l’éclosion.
- Ne vaccinez pas les oiseaux malades, sauf en cas d‘épidémie de laryngotrachéite infectieuse ou de variole aviaire. Ces deux maladies étant d’évolution très lente à l’échelle individuelle et à l’échelle du troupeau, une vaccination d’urgence est possible (sur des animaux ne montrant pas de signes cliniques ou en tout début d’évolution).
- Assurez-vous que l'eau est exempte de désinfectant et de chlore lorsque vous utilisez la méthode de vaccination à l'eau potable, car ces produits chimiques peuvent détruire les vaccins à virus vivants.
- Désinfectez ou brûlez tous les récipients ouverts après la vaccination afin d'éviter de transmettre accidentellement des maladies à d'autres volailles.
- Vaccinez l’ensemble de votre troupeau en même temps. Les volailles ne doivent pas être vaccinées avec des virus vivants contre une maladie qui n’est pas présente dans la région ou dans l'élevage, au risque d’introduire un nouveau pathogène dans le troupeau. En effet, certaines souches vaccinales atténuées ont la capacité de récupérer leur virulence initiale après plusieurs passages entre oiseaux.