Chien de sport
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Sarah Roullier
Depuis 2005, La Grande Odyssée VVF est un rendez-vous incontournable pour les mushers et leurs chiens de traîneau en Europe. Derrière cet événement spectaculaire se cache une équipe de vétérinaires dévoués dont la mission est de garantir le bien-être et la santé des chiens pendant les douze jours de course.
La Grande Odyssée VVF est une compétition de chiens de traîneau exigeante. La dernière édition s’est déroulée du 13 au 25 janvier 2024 et a réuni plus de 65 mushers venus de toute l’Europe et leurs 600 chiens athlètes, dans les paysages alpins de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans les coulisses de cette aventure sportive se tient une équipe de douze vétérinaires, dont la mission est de veiller à la santé et au bien-être des chiens participants. Une clinique vétérinaire entièrement équipée et à la pointe de la technologie est spécialement aménagée pour l’occasion, permettant d’assurer un suivi quotidien 24h/24 des athlètes canins.
Des missions : bien-être, urgences, prévention et contrôle
L’équipe vétérinaire de La Grande Odyssée VVF joue un rôle essentiel tout au long de la compétition. Les conditions de course, souvent rigoureuses, mettent à l’épreuve non seulement les compétences des mushers, mais également celles des vétérinaires. « Poser une perfusion par -15 °C la nuit sur un chien qu’on ne peut pas tondre est un véritable défi », témoigne Sandrine Pezard (Liège 05), vétérinaire en chef de l’événement. Ce genre d’intervention en conditions extrêmes requiert une expertise et une préparation minutieuse en amont. Et l'organisation est le maître-mot pour une Grande Odyssée réussie explique-t-elle : « La préparation du chien ne doit pas s'appuyer uniquement sur l’entraînement, mais également sur la gestion de la nutrition, du repos et de l'équilibre physiologique ». Avant la course, les chiens subissent un examen complet et toute anomalie est immédiatement signalée : « Les vétérinaires de l’équipe vérifient d’abord que chaque chien soit identifié avec une puce électronique qui correspond à un passeport dont les vaccins exigés sur la course sont faits de manière protocolaire. Ensuite, les chiens entrent sur le parking des mushers. Généralement, ceux-ci sortent leurs chiens et les laissent se dégourdir les pattes quelques minutes. Ensuite, tous les chiens vont être passés à l’examen général. C’est un examen classique comme celui fait en cabinet. La Team Véto prend la note d’état corporel, étant donné qu’un point très important est la capacité du chien à la maintenir tout au long de la course. Les vétérinaires pratiquent ensuite une palpation particulière des articulations, des “points trigger”. Et si au cours de cet examen il y a la moindre chose qui nous interpelle, nous allons proposer immédiatement, voire imposer, un examen complémentaire, comme une échographie cardiaque en cas d’auscultation anormale ou bien une radio si on est en présence d'une articulation douloureuse. »
Les affections couramment diagnostiquées durant les épreuves sont variées. « Nous rencontrons des lésions dermatologiques des extrémités. Un sportif ne peut pas faire un trail du Mont-Blanc avec des cloques aux pieds ; le chien c’est pareil », souligne Sandrine Pezard. « Ces affections sont assez spécifiques, avec des abrasions des coussinets mais également des fissures entre les doigts, des brûlures dues à la neige, etc. Dans ce genre de course, nous soignons également les maladies digestives, qui sont en lien avec un effort de longue durée assez intense. Comme pour les ultratrailers ou les marathoniens, nous pouvons voir des problèmes de diarrhée hémorragique, de dysbiose et d’irritation de type gastrite. Enfin, nous traitons toutes les lésions ostéoarticulaires que l’on peut rencontrer sur une étape, des contractures musculaires jusqu’aux entorses en allant parfois jusqu’aux fractures ».
L’équipe vétérinaire dispose d’une pharmacie complète pour traiter les urgences, fournie par Alcyon, l’un des partenaires de la course. « Mais toute médication entraîne le retrait du chien de la course afin de respecter les règles antidopage », précise Sandrine Pezard.
Un défi : la médecine du chien de sport
La médecine du chien de sport est un domaine en constante évolution et La Grande Odyssée VVF constitue un terrain de recherche unique pour les vétérinaires. Chaque année, un sujet de thèse est confié à un étudiant, permettant d’explorer des domaines tels que la physiologie cardiaque des chiens sportifs, mais également de creuser certaines questions qui se posent au fil des consultations de la course. « Lorsque nous participons à La Grande Odyssée, nous soulevons souvent différents problèmes et nous repartons avec de nombreuses questions intéressantes », s’enthousiasme la vétérinaire en chef. « Par exemple, le choc du côlon dû au galop des chiens, qui peut engendrer des œdèmes et des diarrhées, est un sujet que j’aimerais explorer ».
Cette année, un étudiant travaille sur le cœur du chien sportif, et plus spécifiquement sur les particularités de ses paramètres échographiques. « Ces paramètres ne sont pas les mêmes que ceux d’un chien non sportif, c’est pourquoi nous avons la chance de collaborer avec Aurélie Cucchi (L 14), cardiologue basée à Lyon, qui nous a rejoints le premier week-end de La Grande Odyssée afin de réaliser des échographies », indique Sandrine Pezard. « La médecine du chien de sport en est encore à ses balbutiements, celle du chien de mushing plus particulièrement. Profiter de ce grand rassemblement d’athlètes venus des quatre coins d’Europe permet de mettre en place des protocoles d’études et de récupération de données scientifiques difficilement réalisables autrement, afin de se préparer au mieux pour la suite », conclut-elle.