EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
D’ores et déjà, des praticiens se forment pour mieux accompagner les agriculteurs en matière de transition écologique. Ce qui implique la maîtrise de divers savoir-faire et d’apprendre à travailler en réseau.
Franck Chanteranne (L 09)
Praticien en rurale dans la Loire et consultant en agroforesterie
Faisons renaître « l'arbre paysan »
Depuis la révolution verte, l’agriculture moderne s’est traduite par une simplification sévère des paysages agricoles, et nous sommes aujourd’hui confrontés aux limites de ce système. Travailler à faire évoluer les pratiques pour une agriculture rentable et écologiquement vertueuse, c’est s’intéresser à l’agroforesterie. L’année dernière, j’ai suivi le cursus de l’École française d’agroforesterie (EFA) avec dix autres élèves de tous horizons (agronomes, éleveurs, animateurs territoriaux, etc.). Dans ma pratique vétérinaire, cela me permet de parler du potentiel de cet outil incroyable qu’est le bocage et des façons modernes de travailler avec « les arbres paysans ». Ils sont les alliés du bien-être animal par l’ombre qu'ils apportent et la diversification alimentaire qu'ils proposent. Ils représentent aussi des possibilités de revenus complémentaires pour l’éleveur, tout en étant des sources de services écosystémiques pour nous tous. C’est pourquoi j’agis maintenant localement en accompagnant des projets agroforestiers, parallèlement à mon activité de vétérinaire en rurale.
Jeanne Platz (A 16)
Vétérinaire conseil, formatrice en Bien-être animal
Salariée, je ne pouvais pas agir assez !
J’ai débuté en tant que salariée d’un fabricant d’aliments pour des volailles en agriculture industrielle. J’y ai compris que le seul rôle attendu d’un vétérinaire dans ce cadre est celui de soigner les pathologies liées aux conditions d’élevage (densité, génétique, etc.), mais sans pouvoir changer celles-ci. J’ai alors suivi un master d’écologie et travaillé pour un groupement d’agriculteurs bio. Et maintenant, je suis devenue vétérinaire conseil indépendante. Je participe également à des cahiers des charges pour la grande distribution, qui a parfois créé des filières de production davantage qualitatives (souvent sous marque propre). On y vérifie par exemple que les animaux bénéficient effectivement de durées suffisantes en pâturage extérieur, qu’il y a une prise en charge de la douleur (notamment lors de l’écornage des veaux), ou que l’éleveur respecte bien une démarche d'antibioprophylaxie à l’échelle individuelle (et non plus collectivement à l’échelle du troupeau, exception faite des volailles).
Sophie Latapie (A 07)
Praticienne mixte à Confolens (Charente)
Pour jouer ce rôle, formons-nous
Les praticiens ont souvent un peu peur d’accompagner leurs clients dans la transition écologique car ils ne se sentent pas assez formés pour ce faire. Je rêve que nos écoles vétérinaires intègrent un jour un tel module dans les études des jeunes générations… Car aujourd’hui, il existe non pas une mais des agricultures. Partout, il y a des paysans qui choisissent un mode d’exploitation plus qualitatif en circuit court, avec des prix de vente un peu plus élevés. Dans un tel contexte, le praticien peut devenir l’un des partenaires d’un réseau horizontal, qui comprend notamment un expert en agroforesterie, un nutritionniste et une association de protection de la nature. De concert avec les Maisons d’agriculture biologique (MAB) ou les Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), le vétérinaire peut notamment synthétiser les informations puis aider à la conception d’un plan d’action. L’Institut de l’élevage (Idele) et d’autres organismes spécialisés comme PâtureSens ou Scopela sont là pour nous y former.