Glucides : des alliés insoupçonnés dans la gamelle - La Semaine Vétérinaire n° 2020 du 09/02/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2020 du 09/02/2024

Nutrition

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Pauline Teyssier

Issus du règne végétal et non essentiels à la survie des chiens et chats, les glucides suscitent des inquiétudes parmi les propriétaires qui, sensibles au discours ambiant, remettent en question leur pertinence chez les carnivores. Pourtant, la science démontre leurs multiples bénéfices.

Les glucides ne sont pas que des sucres

Les glucides sont une classe de composés organiques constitués d'atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène classés selon leur nombre d’unités. On peut ainsi distinguer les glucides dits simples, qui comprennent les monosaccharides (glucose, fructose, etc.) et les disaccharides (lactose, saccharose, galactose, etc.), et les glucides dits complexes, regroupant les polysaccharides (amidon, cellulose, etc.). Familièrement appelés « sucres simples et complexes », ces termes sont inexacts puisque seuls les monosaccharides et les disaccharides ont un pouvoir sucrant, les polysaccharides étant insipides.

Des sources de nutriments fonctionnels

Alors que le glucose, le saccharose, le lactose et l’amidon (qualifiés de glucides digestibles) ont pour unique fonction d’approvisionner l’organisme en énergie, les fibres (glucides non digestibles) telles que la cellulose, les fructo-oligosaccharides (FOS), les mannan-oligosaccharides (MOS) et les mucilages jouent un rôle dans la santé digestive, notamment dans la régulation du transit et l'équilibre du microbiote intestinal. Le lactose est la source d’énergie indispensable aux jeunes animaux jusqu’au sevrage. Les croquettes et pâtées, elles, ne contiennent quasiment pas de glucides simples. Les industriels en utilisent, dans de rares cas et en quantité négligeable, pour entraîner une réaction de Maillard et améliorer l’appétence.

L’amidon, pas indispensable à la survie mais atout énergétique 

Pour apporter de l’énergie, l’amidon issu des graines de céréales, des légumineuses ou des tubercules doit être bien cuit (gélatinisé). Dans le cas contraire ou s’il est distribué en excès, son hydrolyse est incomplète et l’amidon non digéré est fermenté dans le côlon. Des selles molles, voire une diarrhée, peuvent signer un dépassement des capacités enzymatiques ou indiquer que le procédé de gélatinisation de l’amidon n’a pas été respecté.

Bien que l’amidon ne soit pas indispensable au chien et au chat, grâce à leur capacité à synthétiser du glucose par néoglucogenèse à partir des protéines et des lipides, sa présence est toutefois recommandée lorsque le rendement énergétique doit être optimisé. C’est le cas chez la chienne reproductrice pour qui l’absence d’amidon dans la ration augmente le risque d'hypoglycémie, de cétose, mais aussi de mortinatalité et de retard de croissance des petits. C'est aussi le cas pour les chiens réalisant des sports intenses pendant une durée courte à modérée (effort de type sprint et intermédiaire), qui utilisent prioritairement la voie métabolique du glycogène dont l’efficience dépend des apports en glucides digestibles. Enfin, l’amidon devient un substitut énergétique indispensable dans la gestion nutritionnelle des nombreux cas où la restriction en lipides ou en protéines est nécessaire : les insuffisances rénale ou hépatique, l'hyperlipidémie, la pancréatite, les régimes d’éviction ou hypocaloriques et certaines entéropathies.

Pour garantir que l'animal puisse utiliser efficacement l'amidon lorsque cela lui est nécessaire, il est impératif qu'il ait induit la production d'amylases. C'est pourquoi, même pour les animaux en bonne santé qui ne sont ni reproducteurs ni sportifs, sa consommation est considérée comme incontournable dès le plus jeune âge, afin d’optimiser les prises en charge futures.

Le chien s’est naturellement adapté au régime de l’humain

L’opinion publique affirme qu’en tant que carnivores, les chiens et les chats ne seraient pas en mesure de digérer l’amidon. Pourtant, rien ne définit l’ordre des Carnivora comme de purs carnassiers. C’est ainsi que l’on trouve dans l’arbre phylogénétique des carnivores principalement frugivores, tel le binturong (chat-ours), mais aussi des carnassiers non carnivores, comme les orques qui appartiennent à l'ordre des cétacés.

Il a été montré que le chien se distingue du loup par un plus grand nombre de copies du gène de l’amylase pancréatique — lequel est nécessaire à la digestion de l’amidon —, preuve de l’évolution qui lui a permis de perdurer auprès de l’espèce humaine. Néanmoins, cette augmentation est moindre chez les races nordiques ayant évolué dans des régions non agraires. Par ailleurs, on a également constaté la présence d’amylase salivaire chez le chien.

Les chiens et les chats savent valoriser l’amidon

Alors qu’à ce jour le recul est moindre en ce qui concerne l’amidon issu des légumineuses, très présent dans les aliments « sans céréales », la bonne assimilation de l’amidon issu des autres sources ne fait aucun doute chez le chien. Les études démontrent une digestibilité de l’amidon de riz, de maïs, de pomme de terre, de blé, de sorgho ou encore de l’orge, pour lequel le taux de digestibilité est proche de 99 %. Du côté des chats, ce sont les céréales les plus répandues qui sortent gagnantes, avec une digestibilité proche de 100 % pour l’amidon de maïs et de 98,6 % pour l’amidon de riz, quand les régimes à base de pois et de lentilles n’obtiennent que, respectivement, 96,3 % et 95,2 % de digestibilité.

Les fibres, alliées minceur mais pas que 

Les fibres insolubles (cellulose) sont issues des parois végétales. Bien qu’elles ne soient pas hydrolysables par les enzymes digestives, elles sont indispensables à la formation et à la qualité des selles, grâce à leur capacité d’absorption de l’eau, mais aussi à la motilité intestinale et à la régulation du transit. Leur apport calorique nul en fait un nutriment de choix pour augmenter le volume des rations des animaux boulimiques.

Les fibres solubles, souvent prébiotiques, ont également un rôle sur la satiété en ralentissant la vidange gastrique, ce qui fait d’elles une bonne alternative aux lipides en cas de surpoids. De plus, elles contribuent à réduire l’augmentation de la glycémie chez les diabétiques, à enrichir le microbiote lors de dysbiose chez le chien souffrant d’entéropathie chronique et en cas d’accumulation de toxines urémiques chez le chat malade rénal chronique.

Pour tous les profils, les fibres ont un rôle important dans l’équilibre du microbiote. En protégeant la muqueuse intestinale des bactéries pathogènes, elles améliorent l’immunité, la digestion et l’absorption des nutriments, tout en étant des sources d’antioxydants naturels.

Le psyllium, un mucilage à double action

Fibre soluble non fermentescible, le psyllium est un mucilage à part puisqu'il sert de régulateur du transit, que ce soit dans des cas de constipation comme de diarrhée. Il agit en retenant l’eau pour former un gel, rendant ainsi les selles plus visqueuses.

Le taux de glucides n’a aucune pertinence

En petfood, le taux de glucides est une donnée déduite des autres valeurs nutritionnelles (protéines, lipides, cellulose, humidité, cendres), qui peuvent être soit mesurées soit calculées par les fabricants. Ce taux englobe l’amidon, les fibres solubles ainsi que les marges d’erreur analytiques sur les autres nutriments. Pour pouvoir interpréter le profil glucidique d’un aliment, il faudrait donc demander au fabricant les teneurs en amidon et en fibres totales. La tendance du « low glucides » sur les aliments physiologiques ne présente aucun intérêt nutritionnel. Tant que la présence de glucides ne compromet pas la bonne couverture en acides aminés et en acides gras essentiels, la limitation d'amidon ou de fibres doit rester fondée sur l'état de santé de l'animal.