Ne pas pratiquer : pour aller où ? - La Semaine Vétérinaire n° 2020 du 09/02/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2020 du 09/02/2024

Thèse 

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Floriane Chapuis

Une récente thèse de fin d'exercice a tenté d'identifier les déterminants majeurs quant à la volonté de vétérinaires de ne pas exercer en clientèle. Si leurs motivations s'avèrent diverses, les secteurs d'activité des répondants sont dominés par la fonction publique. 

Où sont les vétérinaires qui ne pratiquent pas la médecine des animaux en clientèle1 ? Selon la récente thèse2 sur le sujet, pour l’ensemble des 2 070 vétérinaires répondants qui ont fait le choix de ne pas exercer en clientèle, il s’agit d’un aller presque sans retour. En effet, 9 vétérinaires sur 10 sont satisfaits de leur situation professionnelle actuelle. Quelle est-elle ?

50 % des répondants travaillent dans des établissements publics, dont la majorité dépend du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Un tiers seulement est employé dans des entreprises privées. De plus, les vétérinaires ayant déclaré travailler dans ce type de structures sont en moyenne plus âgés que ceux exerçant dans des établissements publics. Le choix de l’entreprise privée, majoritairement dans le domaine de la santé animale et humaine et du One Health, est souvent motivé par de meilleures conditions de travail, notamment en matière de salaire ou d’opportunités d’évolution de carrière. Ce critère explique que le choix de s’orienter vers une entreprise privée se fasse plus tardivement, après avoir vécu une première expérience professionnelle.
Le besoin de travailler en équipe pluridisciplinaire au quotidien a également été mentionné par plusieurs répondants. Un vétérinaire a résumé sa vision en ce qui concerne la reconnaissance ressentie au sein des équipes de travail lorsqu'il y a une absence de diversité des profils : « Management déficient, politique du chiffre, manque de reconnaissance, mauvaise ambiance due à des confrères qui ont souvent la grosse tête ». Les relations humaines ont ainsi pu être décrites comme « plus enrichissantes » dans le secteur privé que celles expérimentées dans le secteur de la médecine des animaux en clientèle.

Une reconversion avec une formation complémentaire

Parmi les dix structures qui accueillent le plus de vétérinaires ayant choisi une voie hors clientèle, on compte 3 entreprises privées dans les domaines de la santé animale, humaine et One Health, ainsi que dans la chimie-pharmacie. Les 7 autres sont des établissements publics : Direction départementale en charge de la protection des populations (DDecPP), administration centrale, Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), École nationale vétérinaire (ENV). Ils sont 11 % des répondants à enseigner la médecine animale en France ou à l’étranger. La première école étrangère employant le plus d’enseignants vétérinaires formés en France est l’université de Montréal, au Canada.

Une large majorité a suivi des formations complémentaires, même si le choix de s’orienter vers une autre voie a été fait dès l’École ou même avant. Près de 40 % des vétérinaires qui ne pratiquent pas sont concernés par cette décision précoce, dont une majorité d’inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV) ou d’enseignants. Ce choix initial leur a permis de suivre une formation complémentaire de niveau plus élevé en parallèle. Le niveau des formations suivies est varié, allant du certificat au doctorat, et vise pour beaucoup la médecine et la santé publique, ainsi que le business au niveau master.

La satisfaction éprouvée à ne pas exercer est significativement inférieure lorsque le vétérinaire a fait ce choix à sa sortie de l’ENV. Dans ce cas, elle prend souvent la forme d'un regret, celui de « ne pas avoir essayé » alors même que le vétérinaire a suivi un cursus qui oriente majoritairement vers la pratique en clientèle.

Caractériser le champ des possibles offert par ce diplôme permet de dégager des pistes de réflexion sur le sens que ces individus souhaitent donner à leur travail. 

ISPV ou enseignant, une vocation précoce

Parmi les ISPV, 57 % ont fait ce choix de carrière avant d’être diplômés et 7 % avant même d’entrer à l’École. Enseigner en ENV est une vocation encore plus précoce, puisque pour 12 % des élèves futurs enseignants ce choix a été fait avant d’entrer en ENV. Mais on compte la même proportion (15 %) de vétérinaires ayant fait leur choix plus de 5 ans après la sortie de l’École. Les deux populations estiment que le manque d’information est significativement plus important que la méconnaissance de leurs propres aspirations professionnelles. Un ressenti pour le moins étonnant puisque les jeunes sont exposés au quotidien au métier d’enseignant-chercheur au sein des ENV et que l’École nationale des services vétérinaires (ENSV) est une spécialisation institutionnelle du diplôme vétérinaire, étant donné qu’un concours est ouvert dès la cinquième année.

Les ISPV sont plus attirés par la variété des situations et des contextes dans lesquels ils peuvent exercer leur métier. À l’inverse, la possibilité d’approfondir les sujets est ce qui a attiré les enseignants en École. Des motivations secondaires plus spécifiques telles que l’intérêt général et l’utilité pour la société trouvent leur expression grâce à des postes rendus accessibles par le Certificat d’études avancées vétérinaires (CEAV) de santé publique vétérinaire.

  • 1. Lire notre article « Pratiquer ou ne pas pratiquer en clientèle ? » dans La Semaine Vétérinaire n° 2018 du 26 janvier 2024. bitly.ws/3bSwc
  • 2. Consultation des vétérinaires sur leurs raisons de ne pas pratiquer la médecine des animaux en clientèle, ENVA, 2023. bitly.ws/3ag69