Retour sur des points clés de l’expertise judiciaire - La Semaine Vétérinaire n° 2020 du 09/02/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2020 du 09/02/2024

Droit

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

Lors d’un procès, l’expertise judiciaire, qui permet d’apprécier la réalité scientifique d’un litige, s’impose parfois. Que sa demande émane d’une des parties ou du juge lui-même, elle se révèle souvent nécessaire à la bonne évolution de la procédure judiciaire. Il est donc utile d’en savoir plus sur ce temps fort procédural et son contexte.

L'expertise peut être subie… Elle s’impose alors à toutes les parties qui n’avaient aucunement prévu cette invitée. Le procès avait commencé normalement. Chaque partie avait produit ses arguments et pièces. Tous les avocats avaient plaidé et le juge avait donné sur l’audience une date de délibéré. Lorsque le grand jour arrive, à la lecture du jugement rendu, c’est l’étonnement. Pas de gagnant. Pas de perdant. Mais un « jugement avant dire droit ». Ce qu’il convient de comprendre, c’est que les parties n’ont pas su convaincre le juge. Pire, il ne s’y retrouve plus. Alors au milieu de ce brouillard, une seule boussole : le vétérinaire expert judiciaire. Voilà donc notre demandeur devant l’obligation de consigner une somme d’argent non prévue pour la rémunération de l’expert. Et s’il ne s’exécutait pas ? Gare à lui car, sans l’expertise, le magistrat statuant de nouveau va assurément considérer que le demandeur n’apporte pas à son dossier de preuves suffisantes et déboutera le plaignant. Mieux vaut donc se plier à la volonté judiciaire.

Parfois refusée

Même lorsque l’expertise est très fortement souhaitée par le défendeur et plaidée par son avocat, elle n’en sera pas pour autant toujours ordonnée. Une expertise … ce n’est pas automatique. Le magistrat saisi a parfaitement le pouvoir de la refuser s’il estime que la demande ne repose pas sur un motif légitime.

Il n’est jamais trop tard

Avant, pendant, après… Tout est permis ! L’expertise intervient souvent avant toute demande d’indemnisation. C’est le classique fondé sur l’article 145 du Code de procédure civile qui dispose : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Dans ce cas, le requérant commence par l’expertise et, si elle lui est favorable, il saisit le juge du fond pour indemnisation.

Dans d’autres cas, déjà moins courants, l’expertise est demandée pendant le procès. Cela signifie que le défendeur a réussi à convaincre le juge que la solution ne pourrait apparaître sans l’intervention d’un expert judiciaire.

Enfin, l’expertise intervient après une première décision de justice. Il s’agit de la demande d’expertise présentée pour la première fois en appel. Rare mais possible. C’est ainsi que dans une affaire concernant une contamination par la parvovirose, la cour d’appel de Paris a fait droit le 30 octobre 2014 à une demande d’expertise visant à déterminer les circonstances de la contamination pour des faits datant de 2009.

Parfois bien loin

L’expertise concernant l’état de santé d’un animal se voudrait logiquement au plus proche de là où vit ledit animal. Mais parfois les tribunaux en décident autrement. C’est ainsi que pour un chien atteint de dysplasie et résidant à proximité de Tours, le tribunal a jugé que l’expertise aurait lieu non loin de Cambrai, ville de l’éleveur vendeur : « il n’apparaît pas, en l’espèce, que le ressort du tribunal judiciaire de Tours soit nécessairement celui dans lequel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées, alors que le transport de la chienne R. n’apparaît pas impossible pour procéder à d’éventuelles opérations d’expertise, et sans que son état de santé tel que décrit ne s’y oppose. Les pièces versées au dossier démontrent que l’animal est soigné dans un centre hospitalier vétérinaire à Arcueil, en région parisienne ; ce qui laisse supposer que son transport est envisageable. »

Parfois non suivie

Enfin, il faut toujours garder à l’esprit que le magistrat conserve toute liberté d’appréciation suite à une expertise judiciaire. Il peut donc parfaitement décider de ne pas suivre les conclusions émises par l’expert. C’est exceptionnel mais, encore une fois, cela peut arriver.