Chirurgie
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Caroline Dumartinet
Le congrès annuel des spécialistes européens en chirurgie vétérinaire s’est tenu en juillet dernier dans la ville de Cracovie, en Pologne. Compte rendu en neuf points.
Le 32e congrès de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS) s’est déroulé à Cracovie, en Pologne, du 5 au 8 juillet 2023. Pour la seconde année consécutive, l’ECVS a proposé un congrès hybride. Près de 900 vétérinaires venant de 47 pays ont assisté aux nombreuses conférences, travaux pratiques et séminaires, et plus de 300 participants ont pu suivre le congrès en ligne grâce à une plateforme créée pour l’occasion. Les entreprises du secteur étaient aussi sur place pour présenter des produits toujours plus innovants. Orthopédie, chirurgie des tissus mous, chirurgie oncologique ou encore neurochirurgie, rien n’a été oublié au cours de ces quatre jours. Retour sur neuf points à retenir.
Réalité virtuelle et impression 3D
Le congrès s’est ouvert sur une démonstration de réalité virtuelle au bloc opératoire, plongeant directement les participants dans l’innovation technologique. La réalité virtuelle, qui se développe en médecine humaine, commence à apparaître dans le milieu vétérinaire. La reconstruction 3D d’une zone à opérer, obtenue à partir d’une scanographie préalable, est superposée avec exactitude sur le patient au bloc opératoire. Elle permet au praticien de se repérer en temps réel. Sur un principe similaire, l’impression 3D d’os ou de guides de coupe ou de forage, réalisée sur la base d’images scanner, trouve aussi des applications en médecine vétérinaire. Dans ce domaine, les principales indications de l'impression 3D sont les difformités angulaires, les fractures ou luxations vertébrales. En revanche, le vétérinaire devra tenir compte des coûts additionnels qu’elle engendre et du temps nécessaire à la modélisation de ces guides.
Réparation de fracture sous arthroscopie
Le recours à l’ostéosynthèse mini-invasive pour traiter les fractures est devenu courant ces dernières années. Dans le cas d’une fracture articulaire, il est impératif de la réduire parfaitement, ce qui amène souvent à renoncer à une ostéosynthèse mini-invasive. Quant à la fluoroscopie, souvent associée à l’ostéosynthèse mini-invasive, elle présente des limites dans l’évaluation de la réduction des fractures articulaires. Pour pallier cette lacune, l’arthroscopie se développe. Elle permet de contrôler que les implants posés ne pénètrent pas l’articulation. Son utilisation peut cependant être rendue complexe par la taille de l’articulation ou du patient ou encore par l’abord nécessaire.
Fractures ouvertes
La prise en charge classique d’une fracture ouverte a été rappelée au cours d'une des conférences d’orthopédie. Elle se déroule en six étapes : 1) évaluation du patient et stabilisation médicale, 2) classification de la fracture, 3) antibiothérapie systémique la plus précoce possible, 4) irrigation abondante de la plaie, 5) débridement de la plaie et fermeture concomitante de la plaie (si suffisamment de tissus mous disponibles, et en cas de plaie suffisamment assainie), 6) stabilisation de la fracture. La spécificité des fractures par balle, bien que peu fréquente en médecine vétérinaire, a été abordée, car elles cicatrisent en général plus lentement et se compliquent souvent d’une ostéomyélite.
Chirurgie de la vésicule biliaire
Une session a été consacrée à la mucocèle biliaire et à la cholécystectomie. Ces conférences ont mis en exergue le taux de mortalité des patients. Lors de la prise en charge chirurgicale d’une mucocèle biliaire, ce taux est 4 à 10 fois moins important lorsque la chirurgie est réalisée avant que l’animal ne présente des signes cliniques ou métaboliques significatifs. La pertinence de flusher les voies biliaires au cours de l’intervention, afin de s’assurer de leur perméabilité, s’est également posée. Un acte loin d’être anodin car une rupture des voies biliaires, une pancréatite postopératoire ou une péritonite septique (dans le cas où un flush rétrograde est réalisé car une ouverture du duodénum est nécessaire pour cathétériser la papille duodénale) peuvent survenir.
Autour du syndrome obstructif respiratoire des brachycéphales
Le syndrome brachycéphale fait encore l’objet de nombreuses discussions dans le domaine de la chirurgie. Certains de ses aspects sont encore difficiles à prendre en charge (cornets nasaux aberrants, collapsus laryngé) et la majorité des conférences se sont penchées sur ce sujet. La turbinectomie par laser-assisté (LATE) a été développée pour retirer les cornets nasaux aberrants. La majorité des chiens présentant cette anomalie et n’ayant pas bien répondu à la prise en charge chirurgicale classique montrent une amélioration de leurs signes cliniques. Cette technique présente toutefois des risques de complications, voire de décès, d’où la nécessité de bien sélectionner les candidats.
Le collapsus laryngé a aussi été mis à l’honneur, car le pronostic des chiens présentant un collapsus laryngé de grade 2 ou 3 est réservé. Un focus a donc porté sur les techniques chirurgicales mises au point pour traiter cette atteinte (laryngoplastie aryténoïde, cunéiformectomie partielle). Pour les chiens souffrant de collapsus de grade 1, la résection systématique des ventricules laryngés est remise en question. Elle pourrait en effet augmenter de façon significative la morbidité à la suite de la chirurgie.
Hernie hiatale
La session sur la hernie hiatale s’est concentrée sur son diagnostic et son traitement. L’investigation de cette affection est indiquée si une chirurgie est envisagée ensuite, soit en cas d’échec du traitement médical et/ou en cas de signes sévères de reflux gastro-œsophagien. Seulement 20 à 30 % des cas nécessitent une intervention. La technique à choisir reste source de controverse. Il est toutefois recommandé de procéder a minima à la fermeture du hiatus œsophagien. Une gastropexie gauche est également communément effectuée en combinaison avec une œsophagopexie. La réalisation de cette dernière se discute car son intérêt n’est pas réellement démontré.
Chirurgie oncologique
Autre thème abordé, celui de la chirurgie oncologique du chat, avec notamment des points sur les sarcomes au site d’injection, les tumeurs mammaires et les tumeurs de la mâchoire.
Il a été rappelé que les sarcomes au site d’injection sont localement très agressifs. Des marges de 5 cm au minimum et 2 fascias en profondeur sont recommandés en cas de chirurgie seule. La radiothérapie peut être utilisée en combinaison de la chirurgie. Pour prévenir ces tumeurs, le rôle du vétérinaire traitant est crucial. Il lui revient d’évaluer judicieusement le protocole vaccinal, en optant pour des vaccins sans adjuvant et en réalisant les injections sur les extrémités distales.
La tumeur orale la plus fréquente chez le chat est le carcinome épidermoïde. La réalisation d’une biopsie incisionnelle est toujours recommandée pour établir le diagnostic et prévoir la planification d’une maxillectomie ou mandibulectomie selon la localisation de la masse. Malheureusement, cette tumeur s’est déjà souvent étendue aux nœuds lymphatiques et/ou à des sites distants au moment du diagnostic et du traitement. La mandibulectomie n’est pas très bien tolérée par le chat alors que la maxillectomie semble mieux supportée. Lors de retrait d’une portion de mâchoire, il est préconisé de mettre systématiquement en place une sonde alimentaire. La radiothérapie seule ne montre pas de résultat prometteur pour ces tumeurs. Concernant les tumeurs mammaires félines, 80 à 90 % sont malignes avec présence de métastases à un stade précoce, aux poumons et aux nœuds lymphatiques locorégionaux. Chez le chat, le traitement recommandé est la mastectomie radicale bilatérale en deux étapes, espacées d’au moins trois semaines, quelle que soit la taille initiale de la masse.
Traumatismes spinaux
La majorité des conférences de neurologie traitaient des traumatismes spinaux. Biomécanique, diagnostic, complications, questions pratiques telles que « quand aller au bloc opératoire », « quand faire une durotomie », « où fixer la limite lors de perte de nociception » ont été passés en revue. Le point consacré aux animaux souffrant d’une hernie discale sans nociception profonde depuis plus de 24 heures est à retenir. Selon les intervenants, il ne faut pas condamner ces patients, et réaliser une durotomie semble permettre de réduire le risque de myélomalacie.
Syndrome de Wobbler
Une approche spécifique au patient atteint d’un syndrome de Wobbler a été présentée. Elle repose sur la manufacture d’implants customisés pour le patient, comme des cages intervertébrales en titane s’adaptant à la forme des plateaux vertébraux. Une fusion des vertèbres à travers la cage est recherchée afin de stabiliser de façon définitive l’espace intervertébral. Des systèmes de stabilisation sont implantés en même temps que la cage le temps que la fusion se fasse. Une approche spécifique au patient peut être utilisée par l’utilisation de guide de forage en 3D.