L’approche One Health pour lutter contre le virus West Nile - La Semaine Vétérinaire n° 2022 du 23/02/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2022 du 23/02/2024

Maladies infectieuses

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Marine Neveux

Article rédigé d’après la conférence de Gaëlle Gonzalez, cheffe de projet virologie à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), intitulée « Développement et activation d’un réseau One Health en Gironde suite à l’émergence du virus West Nile en 2022 » présentée lors des journées annuelles de l’Association vétérinaire équine française (Avef), à Toulouse (Haute-Garonne), du 8 au 10 novembre 2023.

Comment prévenir les maladies infectieuses émergentes à transmission vectorielle ? Pour y répondre, « nous avons tenté d’implémenter un réseau de type One Health en Gironde. Cette approche va englober l’ensemble des acteurs de terrain jusqu’à l’institution nationale », a expliqué Gaëlle Gonzalez lors des récentes journées de l’Avef. La cheffe de virologie de l’Anses a éclairé les congressistes sur le sujet de stage de Clément Bigeard, étudiant inspecteur en santé publique vétérinaire (ISPV).

Le virus West Nile (WNV) est un flavivirus transmis par les moustiques communs du genre Culex spp. Il est très proche du virus Usutu qui circule actuellement en France, ce qui complique les tests diagnostiques sérologiques en raison des réactions croisées. L’approche One Health (« Une seule santé ») est utilisée en France pour surveiller sa circulation, car c’est une maladie à déclaration obligatoire. Différents acteurs entrent en jeu dans la surveillance, au niveau de la santé animale : le Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe), les vétérinaires indépendants, les directions départementales de la protection des populations (DDPP), les laboratoires départementaux, l’Anses.

Détecter précocement

L’objectif de la surveillance est de détecter au plus tôt le virus chez les moustiques, dans l’avifaune, avant que les premiers cas n’apparaissent chez l’humain ou les chevaux, et afin de pouvoir prendre des mesures en fonction du contexte local et saisonnier.

Ainsi des analyses de première intention sont réalisées sur le sérum avec la détection d’anticorps afin d’identifier les premiers cas positifs. Les prélèvements effectués chez les oiseaux se font de préférence sur les carcasses : foie, rate et encéphale pour diagnostiquer une primo-infection par recherche du génome du WNV.

En Europe, les cas explosent depuis 2018. En France en 2022, 6 cas humains ont été détectés en région Provence-Alpes-Côte d’Azur dont 3 formes neurologiques. Chez les chevaux, 9 cas ont été identifiés sur le pourtour méditerranéen et 3 en Gironde en octobre 2022. Suite à ces derniers, la mise en place d’un réseau de type One Health a été décidée avec une approche locale en Gironde, afin d’évaluer la circulation de WNV et Usutu chez les vertébrés et les moustiques.

« En très peu de temps, nous avons évalué la circulation du WNV grâce à tous les acteurs. » Ainsi, de mars à mai 2023, soit avant la période de transmission virale, 40 écuries et 504 chevaux ont fait l’objet de prélèvements. Sur 504 chevaux, 6,65 % étaient positifs au WNV, 3,23 % à Usutu, 1,41 % au virus TBEV (virus de l’encéphalite à tique).

Dans les zones de circulation du virus, une étude entomologique a suivi, grâce à l’utilisation de pièges sentinelles adaptés. Elle a révélé que certains moustiques étaient infectés au WNV, d’autres à l’Usutu. La souche WNV lignée 2 circule au niveau des moustiques.

Briser les silos

Ces données obtenues avant l’émergence de premiers cas humains et équins ont été servies en amont au Haut conseil de Santé publique. Il a préconisé le diagnostic de la circulation virale pas uniquement au niveau de la zone de Bordeaux, mais aussi des départements de Gironde et de Charente-Maritime. Gaëlle Gonzalez souligne que « pour la première fois, ces données de circulation virale ont été utilisées par la santé humaine, et on a brisé les silos », et ce dans une démarche Une seule santé.

En 2023, WNV a fortement circulé. Un premier foyer a été détecté dès le 4 août en Gironde (au 7 novembre 2023, 49 cas équins recensés), un second, dès le 1er août en Charente Maritime, avec 5 flamants du Chili et un pigeon ramier co-infecté WNV – USUV le 14 septembre, et des cas chez l’humain.