Dermatologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Mylène Panizo Conférencière Céline Darmon, diplômée de l’European College of Veterinary Dermatology, spécialiste en dermatologie au Centre hospitalier vétérinaire (CHV) Frégis, à Gentilly (Val-de-Marne). Article rédigé d’après la webconférence intitulée « Trucs et astuces pour mener une consultation pédiatrique en dermatologie », organisée par le CHV Frégis, en partenariat avec le laboratoire Hill’s, le 25 mai 2023.
La période pédiatrique couvre la phase allant de la naissance à la fin de la croissance. Chez les chiens et les chats, elle varie en fonction de la race et dure entre 10 et 16 mois. Les affections dermatologiques pouvant apparaître lors de cette période sont variées. Elles peuvent présenter un défi thérapeutique car il faut traiter (ou soulager les symptômes), sans porter atteinte à l’animal et à sa croissance.
Les dermatoses parasitaires, contagieuses ou infectieuses
Elles sont fréquentes chez les jeunes car ceux-ci proviennent généralement d’une collectivité et leur système immunitaire est immature.
Les dermatoses infectieuses les plus fréquentes sont l’otodectose, la dermatophytose, la gale sarcoptique, la cheyletiellose et la démodécie. Bien que le diagnostic ne pose pas de problème particulier chez les chatons ou les chiots, le choix du traitement peut s’avérer complexe. Les tableaux 1 et 2 résument les indications des principales molécules utilisées en pratique, en fonction de l’âge ou du poids de l’animal.
Deux maladies méritent une attention particulière :
- L’impétigo : il s’agit d’une infection bactérienne non contagieuse, qui se caractérise par la présence de pustules superficielles non folliculaires (en cela, elle diffère de la pyodermite superficielle bactérienne observée chez les adultes). Les lésions se localisent préférentiellement dans la zone inguinale, et éventuellement sur la face ventrale du thorax et les plis axillaires. Elle est fréquente chez le jeune. En revanche, sa présence chez l’adulte doit faire rechercher une maladie sous-jacente (dysendocrinie ou affection induisant une baisse d’immunité). L’application d’un shampoing antiseptique suffit généralement si les lésions sont peu étendues. Dans le cas contraire, une antibiothérapie systémique est à envisager.
- La papillomatose : cette dermatose virale apparaît autour d’un an. Elle se caractérise par la présence, sur les muqueuses, d’un ou de plusieurs nodules initialement blanchâtres et lisses. Ils peuvent ensuite se pigmenter et donner un aspect dit en « chou-fleur » (nodules en relief et pédiculés). Ces masses rétrocèdent généralement en 4 à 8 semaines. Une exérèse chirurgicale est recommandée si la localisation du nodule est problématique (altérant la mastication ou entraînant des saignements). La prescription d’azithromycine ou d’interféron a été suggérée dans la littérature, sans réelle preuve d’efficacité.
Les dermatoses congénitales
Ce sont des dermatoses avec lesquelles l’animal naît, mais qui ne s’expriment pas forcément dès la naissance. Elles ne sont pas toutes génétiques, ni héréditaires.
- Les kystes dermoïdes : il s’agit d’une affection correspondant à un sinus dermoïde de type V (connexion entre l’épiderme et le tube neural, résultant d’un défaut de fermeture de ce dernier). Le kyste dermoïde est présent au niveau de la ligne centrale du corps (dos ou tête). Il se présente sous la forme d’une invagination cutanée dans laquelle des poils, des débris de kératine ou du sébum s’amassent et forment un nodule. Au fur et à mesure, ce nodule grossit, s’enflamme et peut s’infecter. Il peut être associé à du prurit. L’origine est probablement génétique car certaines races, comme le Rhodesian Ridgeback, sont prédisposées. Le traitement est l’exérèse chirurgicale.
- Les histiocytomes : cette tumeur cutanée bénigne se présente généralement sous la forme d’un nodule alopécique et érythémateux sur la face ou sur les membres du jeune animal. Il est recommandé de réaliser une cytoponction pour confirmer le diagnostic. Les histiocytomes rétrocèdent spontanément en quelques semaines, voire quelques mois. La présence de lymphocytes à la cytologie est un marqueur d’involution spontanée. Il ne faut surtout pas appliquer de soins locaux à base de corticoïdes car ils freinent l’involution. Le retrait chirurgical est conseillé uniquement en cas de forme nodulaire ulcérative, car cette forme cicatrise moins bien et a tendance à se surinfecter.
- L’ichtyose se traduit cliniquement par la présence de squames, initialement blanchâtres, qui peuvent progressivement se pigmenter pour devenir grisâtres, voire noirâtres. 65 % des golden retrievers sont porteurs de la mutation (un test génétique est disponible), mais d’autres races sont prédisposées, comme le bouledogue américain. Les lésions apparaissent autour de l’âge de 6 mois et durent toute la vie. Les formes modérées passent parfois inaperçues. L’application d’un émollient pour hydrater la peau peut être conseillée. En cas de formes sévères, des rétinoïdes de synthèse (pharmacopée humaine) peuvent être prescrits, car ils freinent le renouvellement épidermique. Il faut patienter plusieurs mois pour constater leur efficacité.
- Les dermatoses répondant au zinc : il en existe de deux types. Le type I concerne des races prédisposées (les races nordiques telles que le husky, le samoyède ou encore le malamute) et a probablement une origine génétique. Le type II résulte d’une carence alimentaire en raison d’une ration inadaptée, chez des chiens de races géantes. Cliniquement, on observe une dermatose croûteuse périorificielle (qui atteint les paupières, les lèvres, le fourreau, la vulve), un épaississement des coussinets et un pelage duveteux de mauvaise qualité. La clinique est évocatrice, mais le diagnostic définitif repose sur une histopathologie de biopsies cutanées (lésions sévères d’hyperkératose parakératosique). Le traitement consiste à supplémenter en zinc (à vie pour le type I, temporairement pour le type II, le temps de rééquilibrer la ration alimentaire).
- La dermatomyosite : il s’agit d’une maladie immunologique d’origine génétique (transmission autosomique dominante), qui touche principalement les colley, shetland et beauceron. C’est une dermatopathie ischémique dont les troubles cutanés se développent avant les symptômes musculaires. La plupart du temps, les lésions sont visibles chez le chiot de 2 à 6 mois. L’expression clinique est très variable : une alopécie, un érythème, des lésions ulcératives ou croûteuses sur la face, le pavillon auriculaire, l’extrémité de la queue, et les points de pression sont possibles. Une atteinte des griffes est parfois observée.
Les dermatoses à médiation immunitaire
Les dermatoses auto-immunes, tels que le pemphigus foliacé ou le lupus érythémateux, touchent les adultes. Chez les jeunes, on observe plutôt des dermatoses dues à des troubles de l’immunité (non dirigée contre le soi), parmi lesquelles :
- La cellulite juvénile : c’est une inflammation de l’hypoderme dont la pathogénie est mal connue. Une origine génétique est suspectée car des formes familiales existent. En revanche, il n’y a pas de prédisposition raciale. Le rôle des vaccins dans l’inflammation hypodermique est contesté. Les lésions sont très variables : dermatose pustuleuse ou croûteuse, fistules, alopécie de la face ou des extrémités, ou encore otite suppurée bilatérale. Des cas sévères sont possibles, avec des lésions tronculaires étendues, associées à une atteinte de l’état général (polyadénomégalie, douleur, abattement). L’analyse histopathologique confirme le diagnostic. Il est conseillé de réaliser un antibiogramme sur les lésions profondes (la cellulite juvénile est une dermatose initialement stérile, mais des surinfections peuvent apparaître). Le traitement réside dans l’arrêt, le plus rapidement possible, de l’emballement du système immunitaire, car des séquelles sont possibles telles qu’une alopécie définitive (notamment de la face). Pour cela, la prescription de corticoïdes à haute dose est nécessaire. Un relais avec de la ciclosporine est possible pour ne pas maintenir une dose trop élevée de corticoïdes sur une longue durée (incidence sur la croissance).
- La dermatite atopique : elle résulte d’une hypersensibilité liée à des aéroallergènes. Le diagnostic est clinique (critères de Favrot, 2010), après avoir exclu les dermatoses parasitaires (en particulier la gale sarcoptique) et l’allergie alimentaire. Le prurit apparaît entre l’âge de 1 à 4 ans chez un chien atopique. Dans 46,5 % des cas d’allergie alimentaire, les signes cliniques s’expriment avant l’âge de 1 an. Les allergies alimentaires sont difficiles à diagnostiquer chez le chiot en croissance car il est très compliqué d’établir un régime d’éviction, et les tests cutanés ou sanguins sont recommandés après l’âge de 1 an (faux négatifs fréquents avant).
Pour le chiot atopique en croissance, peu de traitements sont indiqués : la ciclosporine peut être prescrite à partir de 6 mois, l’oclacitinib à partir d’un an. Seul le lokivetmab ne présente pas de contre-indication d’âge. Le traitement doit être individualisé et multimodal.
- Certaines dermatoses parasitaires peuvent être considérées comme des dermatoses à médiation immunes. Les Demodex faisant partie de la flore cutanée physiologique des chiens, une démodécie se développe uniquement lorsque le système immunitaire est immature ou altéré (défaut génétique, affection débilitante, utilisation de corticoïdes, etc.). La gale s’exprime cliniquement en fonction du statut immunitaire du chien. La forme juvénile est caractérisée par un prurit modéré et la présence de nombreux parasites (le système immunitaire n’ayant pas eu le temps de se sensibiliser), au contraire des adultes, chez qui le prurit est intense et le nombre de parasites faible (réaction d’hypersensibilité aux parasites).