Neurodiversité au quotidien

« Je commence toutes mes conf’ en prévenant que je suis TDA-H et dyspraxique, donc que je risque de faire tomber ma bouteille d’eau sur mon ordinateur. Au moment où ça arrive, je dis " je vous avais prévenu " et tout le monde éclate de rire ! », explique en préambule Olivier Revol.

Mettre un enfant TDA-H en laisse, est-ce possible ?

Ça le cadre, le sécurise. Mes parents l’ont fait avec moi ! Le cerveau de l’enfant ou de l’adulte atteint de TDA-H (trouble déficit de l'attention avec, ou sans, hyperactivité), comme celui du HPI (haut potentiel intellectuel) ou de l’Asperger, a un fonctionnement particulier, désormais bien connu, grâce à la neuro-imagerie.

Y a-t-il plus de neurodiversité aujourd’hui qu’hier ?

Je ne le crois pas. En revanche, nous les repérons mieux et très précocement. Il y a toujours eu 4 % de TDA-H, 3 % de HPI. Autrefois, les enseignants leur faisaient sauter des classes, donc les enfants ne s’ennuyaient pas à l’école, alors qu’aujourd’hui, c’est rarissime.

La société qui a vu naître les boomers était, pour reprendre le concept développé par Zygmunt Bauman, solide. Solidité des institutions, des hommes d’État. C’était une société contenante, avec un cadre, des repères et des valeurs, notamment celles du courage et du travail. Aujourd’hui, nous vivons dans une société liquide, avec une déliquescence des institutions, un manque de confiance dans les gouvernants. Les valeurs d’aujourd’hui sont le paraître et l’image, et les héros sont des influenceurs des réseaux sociaux. Nous sommes passés d’une société contenante à une société excitante, ce qui, sur des cerveaux excitables, revient à souffler sur les braises. C’est pour cela que les cas de TDAH explosent.

Autrefois la cellule familiale constituait, après l'environnement sociétal, un second rempart. Donc les enfants TDA-H avaient ce dysfonctionnement du cortex préfrontal, contenu par l’environnement, et n’exprimaient pas la clinique.

Les enfants HPI sont très sensibles à l’éco-anxiété car ils perçoivent les choses avec une hyperacuité, en avance et en plus grand format que les autres. Ils sont aux avant-postes, ce sont de véritables sentinelles. Et dans le monde vétérinaire, il y a une sur-représentation des HPI.

En santé, il faut savoir faire preuve d’humilité, ce qui est vrai un jour (ne jamais coucher un bébé sur le ventre, par exemple) ne l’a pas toujours été. Nos savoirs sont mouvants et, pour apprendre, il faut accepter de ne pas savoir.

Quels conseils donner à un TDAH ?

D'abord, lui permettre de se reconnaître comme TDAH, puis admettre qu’elle/il a besoin d’aide, ce qui implique de sortir du déni. Pour cela plusieurs conseils. Par exemple, demander aux salariés et aux collègues de regarder quelques tutos ce qui facilite souvent l’éveil : « C’est tout moi ! », donc la prise de conscience s'opère sans jugement. Ensuite, comprendre que le TDAH ne le fait pas exprès, il fonctionne ainsi jusqu’à sa prise en charge, qui peut être multiple. Les oméga 3 peuvent suffire sur un jeune enfant alors que pour d’autres le méthylphénidate (Ritaline) sera salutaire et nécessaire. Il convient également de vérifier si le trouble survient au travail, à la maison et en société ; de trouver le temps et l’envie de consulter ; de trouver le bon psy, connaissant bien la neurodiversité ; et ne surtout pas oublier de reconnaître les qualités des TDA-H (son énergie, sa créativité, etc.).

Comment bien vivre et travailler ensemble ?

Il faut savoir comment fonctionne chaque neurodivergent pour s’adapter. Avec un Asperger, un autiste, il faut être clair (ils ne comprennent pas le second degré). Avec un TDA-H, c’est un peu la pagaille, mais elle/il apporte de la créativité avec un potentiel d’interprétation, d’analyses, d’intuitions impressionnant. Ces différences existent, elles enrichissent un groupe. Non l’Asperger n’a pas été mal aimé, le TDA-H n’est pas mal élevé et le HPI n’est pas un symptôme pour lutter contre la dépression maternelle. On connaît désormais, grâce à l’imagerie médicale, les dysfonctionnements des deux premiers et le sur-fonctionnement des HPI, en arborescence. Faisons des différences de fonctionnement mental une force. Et surtout, le premier conseil, pour tous les DYS/DIV, faites votre coming out mental tout de suite ! C’est essentiel de dire qu’on a un trouble du neurodéveloppement, pour ne pas s’épuiser à le cacher (ce qui réduit aussi les capacités attentionnelles), ni avoir à tricher avec soi-même. Le savoir, le dire, l’accepter sans le revendiquer.

• 1 Chef de service psychopathologie du développement, Hospices Civils de Lyon (Rhône).

• 2 « La Richesse de la neurodiversité vétérinaire. » Dossier paru dans La Semaine Vétérinaire n°1983 du 31/03/2023.

• bitly.ws/3dgCP